L’affaire Blasco Ibanez: il y a cent ans l’écrivan se réfugiait à Menton
Le grand écrivain espagnol poursuivi en justice par le roi Alphonse XIII s’exile en janvier 1925 à Menton.
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André Peyregne - magazine@nicematin.frPublié le 25/01/2025 à 13:30, mis à jour le 25/01/2025 à 13:30
Villa Fontana Rosa à MentonPhoto D.R.
Il y a cent ans, au mois de janvier 1925, la France fut agitée par une affaire politique qui concernait un hôte de la Côte d’Azur, lequel trouva refuge à Menton, l’écrivain espagnol Vicente Blasco Ibanez (1867-1928).
Celui-ci était poursuivi en justice par le gouvernement espagnol pour des propos qu’il avait tenus contre le roi d’Espagne dans son ouvrage "Alphonse XIII démasqué, la terreur militariste en Espagne". Il attaquait le souverain qui avait avalisé le coup d’État perpétré le 13 septembre 1923 par le capitaine Primo de Rivera pour instaurer une dictature militaire. L’ambassadeur d’Espagne à Paris avait fait appel au garde des Sceaux français René Renoult (connu dans notre région comme sénateur du Var de 1920 à 1944) pour inculper l’écrivain espagnol. Il était passible d’une peine de dix ans de prison.
Grande mobilisation en sa faveur dans toute la France
Vicente Blasco Ibanez avait acquis en 1922 à Menton, la villa Fontana Rosa. Bien lui en avait pris. C’est là qu’il décida de s’exiler avec son amie Elena Ortúzar, épousée en 1925 à la suite de la mort de sa première femme.
"L’Éclaireur de Nice" alla l’interviewer. Dans l’édition du 11 janvier 1925 du journal, il exprima son indignation devant le fait qu’un ministre issu du Cartel des gauches ait pu donner suite à la demande du gouvernement espagnol.
Une grande mobilisation se fit en sa faveur dans toute la France: interventions à l’Assemblée, articles dans les journaux. "L’Éclaireur de Nice" publia un article à sa une le 16 janvier "Un grand ami de la France".
À la suite de cette mobilisation, le roi d’Espagne fit marche arrière et retira sa plainte. Blasco Ibanez écrivit une lettre de remerciement au président du conseil français Édouard Herriot: "Je veux exprimer ma reconnaissance envers la France, ma seconde patrie, qui s’est miseentravers des desseins d’Alphonse XIII. En résumé, le roi d’Espagne ne fait qu’une chose: il fuit devant l’opinion française, nous ferons en sorte qu’il soit obligé de fuir aussi devant l’opinion espagnole réveillée."
Une rencontre avec le cinéaste Rex Ingram
Blasco Ibanez avait 58 ans. Sa villa à Menton devint son refuge. Il l’orna de carreaux de céramique, pergolas, bassins et jardinières lui rappelant sa ville natale de Valence en Espagne.
Il rencontra le cinéaste Rex Ingram qui venait d’acquérir les studios de La Victorine à Nice (lire le Nice-Matin du 7 décembre) et mettait en scène son roman "Mare Nostrum". Il avait déjà réalisé un film à grand succès sur le précédent roman de Blasco-Ibanez "Les Cavaliers de l’Apocalypse".
L’écrivain mourut deux ans plus tard, à 60 ans, dans sa villa Fontana Rosa.
Le jour ses funérailles, une cérémonie grandiose se déroula à Menton, "la plus importante jamais vue dans la ville" dit-on à l’époque. Il fut inhumé au cimetière du Trabuquet.
En 1933, sa dépouille fut transférée en Espagne, au moment de la proclamation de la République dans son pays natal. "Car, avait-il dit, ni vivant ni mort, il ne reviendrait dans son Espagne, aussi longtemps que la dictature sévirait."
Il avait écrit: "Je ne peux pas rentrer en Espagne sous son régime actuel. Vivant, j’y aurais été poursuivi, mort, j’y recevrais des honneurs dont je n’ai que faire."
Vicente Blasco Ibanez. Photo DR.
Sarcophage digne d’un roi
Son départ posthume donna lieu à Menton à une cérémonie aussi grandiose que celle de ses obsèques. Le 27 octobre 1933, le cercueil fut exposé dans la salle d’honneur de la mairie, salué par le ministre de la Marine espagnole et grand nombre de personnalités. Sur la façade de l’édifice, étaient tendus de longs voiles aux couleurs de la France et de l’Espagne. Le grand magazine parisien "L’Illustration" du 4 novembre publia un reportage: "Dans la rue, une foule immense se pressait pour apercevoir le cercueil. Le sarcophage du romancier, don de sa ville natale, brillait de son bas-relief en or massif. Ce sarcophage était digne d’un roi: long de 3mètres, haut de 1mètre, il représentait un livre aux tranches dorées et portait sur le dos la devise ‘‘Los muertos mandan’’ (Les morts aux commandes). Il était supporté par sept autres livres en bois sculpté choisis parmi les ouvrages d’Ibanez. L’émotion fut à son comble quand les marins français et espagnols traversèrent toute la ville, la dépouille sur les épaules, jusqu’au port où attendait un navire pour Valence."
Vicente Blasco Ibanez quittait ainsi, définitivement, le pays qui l’avait accueilli, où fleurissent le citronnier et l’oranger. "Dans les orangers" était le titre d’un de ses romans. Il y avait écrit: "Les passions de l’artiste sont pareilles aux fleurs, par leur parfum intense et leur courte durée."
Au cours de sa vie, Blasco Ibanez est allé plus de trente fois en prison.Photo DR.
30 fois emprisonné
En 1925, Vicente Blasco Ibanez n’en était pas à sa première aventure judiciaire.
Né le 29 janvier 1867 à Valence, il est considéré comme l’un des plus grands romanciers de langue espagnole mais est aussi connu pour ses activités politiques. Son style de roman naturaliste l’a fait comparer à Émile Zola. Jeune, il écrivait déjà dans des journaux d’opposition.
Il fut à l’origine d’un mouvement politique auquel il donna son nom, le blasquisme. Il fonda également le journal « El Pueblo » en 1894 pour diffuser ses idées. Ayant vécu en Argentine, il en fut chassé pour avoir milité en faveur de Cuba dans la guerre d’indépendance de cette île contre l’Espagne.
Arrêté à son retour dans son pays natal, il fut traduit devant un Conseil de guerre et condamné à quatre ans d’emprisonnement. Ce n’était qu’un début. Au cours de sa vie, Blasco Ibanez est allé plus de trente fois en prison.
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