Alors que les appels se multiplient sur son téléphone, Alexandra s’excuse d’y répondre pour donner des nouvelles à ses proches. Habitante de l’Estaque, au nord de Marseille, elle doit sa vie à un réflexe de survie, quand de son balcon, mardi après-midi, elle a jeté un œil sur la colline derrière: "Les flammes étaient juste là, sur le point de sauter jusqu’à nous, j’ai pris mes papiers et je suis partie" La gorge encore nouée par les volumes de fumées noires avalées la veille, elle semble avoir du mal à prendre pleinement conscience du drame qui vient de s’abattre.
"Venez, je vais vous montrer ma maison." En short et débardeur, sandales aux pieds, la Marseillaise de 57 ans se lance dans une désolante visite guidée. Pointant la vue exceptionnelle sur la rade nord de Marseille, sublimée par un soleil radieux, elle détaille: "Ici, c’était ma terrasse, là il y avait une chambre, là, la salle de bain, et là, le salon. Il ne reste que la télé", décrit-elle en prenant garde de ne pas se blesser sur le tas de débris noircis qui tapissent son intérieur. De ses souvenirs, il ne reste rien, l’incendie a tout emporté. "En plus, j’avais fait les courses hier, mon frigo était rempli", lâche-t-elle encore groggy par la nuit passée. "Mais ce qui me fait le plus de peine, c’est d’avoir perdu la photo de mon fils qui me plaisait tant…"
"C'est une chance qu'il n'y ait pas eu de morts"
Ils sont des centaines de Marseillais à avoir, comme Alexandra, vu partir en cendres une partie de leur vie après le passage de l’incendie. "Quand on voit le nombre de maisons détruites, c’est une chance qu’il n’y ait pas eu de morts", confie un marin-pompier à Alexandra, invitant tous les voisins à ne pas entrer dans les maisons calcinées compte tenu du risque d’effondrement. "De toute façon, on nous a dit de ne toucher à rien, pour les assurances", abonde Malika, dont le logement n’est plus que suie.
"Ce n’est que du matériel, le plus important c’est qu’on soit tous sains et saufs, mais ce qu’on redoute maintenant, c’est qu’on nous sépare", confie Eric, son voisin. "On a tous grandi ensemble, on est une grande famille installée ici depuis des décennies, mais on est locataires, notre propriétaire va en profiter pour tout refaire et augmenter les loyers", craint aussi Sandrine.
Pour accompagner ces sinistrés, la Ville de Marseille a concentré dans le centre social de l’Estaque un guichet unique, réunissant médecins, psychologues, mais aussi services municipaux pour refaire ses papiers et aider les sinistrés dans leurs démarches auprès des assurances. Dans la nuit de mardi à mercredi, 99 personnes ont déjà passé la nuit sur des lits de camp aménagés dans le centre social, pris en charge par la sécurité civile et les bénévoles de la Croix-Rouge. Kits d’hygiène, nourriture, café et écoute y resteront fournis le temps qu’il sera nécessaire.
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