"La Côte d’Azur n’échappe pas à cette volonté d’expansion": Dominique Abbenanti, directeur de la PJ décrypte les rouages et le fonctionnement de la DZ Mafia

Dominique Abbenanti, directeur zonal de la police judiciaire, décrypte le fonctionnement et les rouages de l’organisation criminelle marseillaise qu’il connait bien, et sa stratégie de conquête de territoires. Jusque sur la Côte d’Azur et dans le Var.

Article réservé aux abonnés
Propos recueillis par Eric Galliano Publié le 24/07/2025 à 04:30, mis à jour le 24/07/2025 à 08:00
Dominique Abbenanti, directeur zonal de la police judiciaire. OLIVIER ARANDEL/PHOTOPQR/LE PARISIEN.

Dominique Abbenanti est le directeur zonal de la police judiciaire. Depuis le siège de l’Évêché à Marseille, cet ancien patron de la PJ de Nice suit de près l’évolution du narcobanditisme et, tout particulièrement, la montée en puissance de la DZ Mafia. une organisation criminelle dont les caractéristiques intrinsèques sont, pour ce professionnel, "proches des organisations terroristes ".

La DZ Mafia est-elle implantée sur la Côte d’Azur et dans le Var ?

Il faut bien comprendre que la DZ Mafia fonctionne comme une entreprise du crime. Et comme toute entreprise, elle cherche à étendre ses activités. À la fois géographiquement, depuis qu’elle est devenue quasi hégémonique à Marseille, son fief originel, mais aussi en se diversifiant. Certaines affaires récentes le démontrent. La Côte d’Azur n’échappe pas à cette volonté d’expansion. Cette stratégie de conquête de territoires est d’ailleurs l’une des caractéristiques de la DZ Mafia. Mais ce n’est pas la seule…

Qu’est-ce qui distingue cette organisation criminelle des autres ?

On constate que les femmes jouent un rôle prépondérant au sein de l’organisation. Là où elles n’exerçaient traditionnellement que des tâches purement logistiques, de nourrice par exemple, on les retrouve désormais jusque sur les lieux de règlements de compte. L’hyper violence de la DZ Mafia est aussi l’une de ses caractéristiques. Elle s’exerce jusqu’au sein de ses propres troupes avec des actes de barbarie, des viols ou des enlèvements contre rançon dont les membres du clan peuvent devenir eux-mêmes la cible. Et cette violence est revendiquée, signée par la DZ qui n’hésite pas à apposer son sigle ou à s’afficher sur les réseaux sociaux. Alors que les organisations criminelles recherchent habituellement la discrétion, la DZ Mafia, elle, cherche la lumière.

Comme lors de cette conférence de presse clandestine diffusée en octobre 2024 ?

Cette vidéo, en mode FLNC, est un événement majeur. Historique même. Car unique dans l’histoire du crime organisé français. Elle marque un tournant. Pas seulement parce qu’il s’agit d’une démonstration de force au cours de laquelle des individus cagoulés se revendiquant de la DZ Mafia expliquent qu’ils peuvent frapper qui ils veulent et où ils veulent. Pas seulement, non plus, parce qu’ils cherchent à donner une image positive d’eux en niant leur implication dans le meurtre d’un chauffeur VTC à Marseille, dommage collatéral d’un tueur de l’organisation âgé d’à peine 14 ans. Mais bien parce qu’au travers de cette mise en scène la DZ Mafia se présente comme un interlocuteur direct, y compris de l’État. Cette conférence de presse marque pour moi un glissement du narcobanditisme vers le narcoterrorisme.

Narcoterrorisme ?

La DZ Mafia n’hésite pas à défier directement l’État ou ses représentants. Au-delà de cette conférence de presse, on l’a vu au travers des attaques menées contre les prisons françaises au printemps. C’était sa riposte à la décision des pouvoirs publics de créer des prisons spéciales pour empêcher les narcotrafiquants de continuer leurs activités depuis leur cellule. Ces attaques simultanées étaient une nouvelle démonstration de force. La DZ Mafia cherche clairement à instiller la terreur au sein même de la société. Y compris en menaçant directement des magistrats, des directeurs de prison, des journalistes, des membres des forces de l’ordre… Mais aussi, au travers du racket, des acteurs économiques. Des commerces, des restaurants, des boîtes de nuit et jusqu’à des personnalités publiques, comme on l’a vu avec le rappeur SCH. Or, semer la terreur c’est la définition même du terrorisme.

Vous faites donc un parallèle entre cette structure criminelle et les organisations terroristes ?

On retrouve beaucoup de caractéristiques communes entre les deux. Le fait que la DZ Mafia soit sortie de l’ombre depuis 2023 pour revendiquer directement ses actions, comme les organisations terroristes. Le fait qu’elle utilise, comme elles, les réseaux sociaux pour enrôler de nouveaux soldats de plus en plus jeunes. Le fait que les membres de ses "équipes feu", ses commandos, vivent dans la clandestinité la plus totale, allant d’Airbnb en Airbnb, comme les djihadistes…

Le nom DZ Mafia vient de “Dzaïr”, qui veut dire Algérie en arabe, peut-on imaginer du coup qu’il y ait derrière une forme d’ingérence d’une puissance étrangère pour déstabiliser la France ?

Je n’ai pas, à mon niveau, d’éléments qui permettent d’étayer une telle hypothèse. Mais il est vrai que l’on peut s’interroger sur le fait que les pouvoirs publics algériens ne dénoncent pas avec plus de fermeté l’utilisation du nom de leur pays par une organisation criminelle.

Quelle est la menace aujourd’hui ?

C’est que cette organisation devenue extrêmement riche grâce au trafic de drogue, par la terreur qu’elle peut exercer aussi sur des décideurs publics ou par le blanchiment de ses avoirs criminels, réussisse à s’infiltrer directement dans l’économie réelle. Comme d’autres mafias ont réussi à le faire avant elle. Nous sommes très vigilants sur ce point.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.