"Une avancée historique": 57 ans après le crash de la caravelle Ajaccio-Nice, des recherches vont être menées en mer pour percer le mystère

57 ans après le drame qui fit 95 victimes, le 11 septembre 1968, la perspective d’une campagne sous-marine se précise autour des débris de la caravelle Ajaccio-Nice Deux scénarios se dessinent, pour fin 2025 ou courant 2026. Objectif: confirmer ou infirmer la thèse du missile.

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Christophe Cirone Publié le 05/09/2025 à 12:14, mis à jour le 05/09/2025 à 13:08
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Objectif principal? Examiner les réacteurs de la Caravelle. Et constater un potentiel impact de missile. Illustration Chloé Woirgard

C’était une promesse, c’est désormais une perspective. Plus concrète que jamais. Dans les mois qui viennent, d’ici Noël ou courant 2026, la justice devrait mener une campagne de recherches sous-marines hors norme: approcher la carlingue de la Caravelle Ajaccio-Nice qui s’est crashée en mer, le 11 septembre 1968, avec 95 occupants à son bord.

"Une avancée historique", pour les avocats des familles de victimes. L’ultime étape, potentiellement décisive, pour percer un mystère vieux de cinquante-sept ans.

Cette perspective donne le vertige. Tant pour l’ancienneté de l’affaire et sa dimension humaine que pour la profondeur d’une telle opération. Ces recherches sous-marines devront être menées par près de 2.300 mètres de fond. C’est dans ces eaux-là, au large du cap d’Antibes, que reposent les débris de l’avion affrété par Air France. Et avec eux, peut-être les réponses aux questions qui hantent les familles des 95 victimes.

Ce mercredi-là, il fait grand beau sur l’aéroport Campo dell’Oro quand la Caravelle décolle d’Ajaccio.

10h09: 89 passagers, dont 13 enfants, s’envolent avec 6 membres d’équipage.
10h30: alors que la terre est en vue, la tour de contrôle reçoit un alarmant "On a le feu à bord".
10h32: "On va crasher si ça continue!"
10h33: les radars perdent toute trace du vol AF 1611.
11h20: des débris et une nappe de kérozène sont repérés. Il n’y a aucun survivant.

L’explication officielle contredite

Fin 1972, la commission d’enquête rend son rapport final : elle impute l’accident à un incendie survenu à bord des toilettes de l’appareil. La faute au chauffe-eau, ou à un mégot mal éteint. En 1973, l’instruction pour homicide involontaire conclut à un non-lieu. Mais dès les premiers jours après la catastrophe, une autre thèse a émergé : un missile français aurait atteint par erreur le réacteur gauche de la Caravelle, à l’occasion d’exercices militaires. Et l’Armée aurait passé sous silence cette erreur fatale.

Le temps qui passe n’érode pas la conviction d’un certain nombre de familles de victimes. Bien au contraire. Témoignages concordants et éléments troublants s’accumulent, nourrissant le combat des frères de Mathieu et Louis Paoli, devenus orphelins à la suite du crash. Ce combat, voilà bientôt vingt ans qu’ils le portent sur le terrain judiciaire.

Mathieu et Louis Paoli devant le mémorial à Nice. Photo Frantz Bouton.

L’épilogue d’un marathon judiciaire

Leur plainte déposée en 2006 se heurte à la prescription. La citation directe de l’Armée pour homicide involontaire, en 2011, ne conduira pas davantage à un procès. Mais en 2012, avant de quitter Nice, le procureur Eric de Montgolfier relance la machine judiciaire: il ouvre une enquête pour dissimulation de documents et recel de preuves. Son successeur classe sans suite. Mais les frères Paoli et leurs avocats, Mes Paul Sollacaro et Stéphane Nesa, ne lâchent rien. Ils obtiennent l’ouverture d’une information judiciaire en 2014. Les gendarmes de la brigade de recherches de Nice mènent l’enquête avec pugnacité. Jusqu’à cet épilogue tant attendu : ces recherches en mer.

Modalités en discussion

Les familles de victimes les réclamaient de longue date. L’Elysée s’y était déclaré favorable, en octobre dernier, lors d’une rencontre avec le conseiller spécial du chef de l’Etat. Le procureur de la République de Nice Damien Martinelli était au diapason. La juge d’instruction Maryline Nicolas aussi. La magistrate niçoise vient de passer la main sur ce dossier. Mais elle a tracé la voie.

Le 10 juin, le procureur et la juge se sont réunis avec les services de la préfecture maritime de la Méditerranée pour évoquer les modalités de recherches sous-marines. "A cette occasion, deux calendriers ont été fixés en fonction des options de recherches envisagées par la Marine nationale et des moyens déployés", annoncent Mes Stéphane Nesa, Paul Sollacaro et Philippe Soussi, dans un communiqué commun diffusé ce vendredi. Une information aussitôt confirmée par le procureur Martinelli.

Deux scénarios, un espoir

Premier sécnario: des recherches sont menées dans un périmètre restreint - 8 km2 tout de même - « dans le but de localiser les débris de l’épave de la Caravelle et, le cas échéant, de réaliser des photographies sous-marines ». Et ce, d’ici fin 2025. Le coût incomberait au ministère de la Justice. Fourchette estimée: entre 100 000 et 150 000 euros. Potentiellement plus si des débris devaient être remontés.

Second scénario: la première mission se solde par un échec. La Marine engage alors de nouvelles recherches dans le cadre d’un programme plus large, dans une zone élargie "et à l’aide d’importants moyens techniques". Cap alors sur mi-2026. Dans tous les cas, ces recherches seront financées par l’Etat. Et resteront pilotées par la juge d’instruction.

Objectif principal? Examiner les réacteurs de la Caravelle. Et constater un potentiel impact de missile. Ce scénario "devait être pris très au sérieux", avait estimé l’ancien juge d’instruction Alain Chemama. Pour les avocats des familles, depuis bien longtemps déjà, ce n’est plus un scénario mais une certitude. Et pour les victimes qu’ils représentent, c’est désormais un immense espoir.

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