"J'avais honte": victimes du chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec, ils brisent le "tabou dans le tabou" du viol des garçons

L'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, 74 ans, a su dissimuler pendant plusieurs décennies ses déviances sexuelles, qui l'ont amené à agresser environ 300 jeunes patients.

La rédaction avec AFP Publié le 16/05/2025 à 07:14, mis à jour le 16/05/2025 à 07:14

"J'avais tout pris sur moi, tout intériorisé". Pendant des années, Nicolas Gourlet, n'a pas dit un mot de son agression à l'âge de 13 ans, par le chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec, s'enfonçant dans la colère et le mal-être.

"J'avais honte... Honte de m'être fait agresser", confie l'homme de 31 ans, qui a tenu à témoigner publiquement lors de son audition devant la cour criminelle du Morbihan.

Nicolas refusait d'apparaître dans les médias au début du procès avant de se résoudre à en devenir un des "visages" masculins, inspiré par le procès des viols de Mazan.

"Il y a vraiment un côté libération de la parole, raconte Nicolas, une fois qu'on se résout à aborder le sujet, on entend "ah, moi aussi j'ai vécu ça"... mais personne n'en avait parlé."

Gabriel Trouvé, 34 ans, autre partie civile, a quant à lui renoncé au huis clos, qu'il estimait au départ "plus sécurisant" et devait lui éviter "d'être réduit à ce statut de victime".

C'est en voyant les autres témoigner qu'il change d'avis. "Je me suis dit que je devrais être là, m'associer à toutes ces personnes qui ont le courage de venir avec ce qu'elles sont, ce qu'elles vivent, et de le déposer à la barre", confie-t-il, dans l'espoir "qu'il y aura quelqu'un, quelque part, qui va se reconnaître dans ce qui est dit et qui va parler, à son tour".

Sur les 299 victimes du chirurgien, pour la plupart mineures au moment des faits, plus de la moitié sont des garçons.

En France, ils représenteraient 5 à 6,5% des victimes de violences sexuelles dans l'enfance, selon les sources, des chiffres probablement très sous-estimés car plus encore que les filles, ceux-ci tendraient à taire les sévices qu'ils ont vécus.

"Fort mais sensible"

Agressé par Le Scouarnec à 5 ans lors d'un passage à l'hôpital de Vannes, Gabriel résume le poids de ce silence: "le tabou dans le tabou". "On pense tout de suite aux femmes quand on parle de viol car elles sont plus souvent victimes et sont souvent sexualisées", estime le jeune homme de 34 ans, qui a longtemps travaillé dans la formation pédagogique, "alors qu'à l'inverse il y a cet imaginaire collectif de l'homme puissant, à qui il n'arrive rien, qui subvient aux besoins de sa famille..."

Pour Joanna Smith, psychothérapeute spécialisée dans la prise en charge des traumatismes complexes, "le viol, l'agression est particulièrement taboue chez les garçons et les hommes (...) car ils sont confrontés à des stéréotypes qui les empêchent de dévoiler ce qu'ils ont subi."

Cette crainte "d'être perçu comme quelqu'un qui n'est pas à la hauteur, qui n'a pas su se défendre" s'ajoute à une éducation qui "n'aide pas les hommes à se connecter à leur détresse", ou à verbaliser leur souffrance, ajoute-t-elle.

Il n'existe pas, en France, de structures spécifiquement dédiées à la prise en charge des hommes victimes de sévices sexuels comme il en existe par exemple depuis quelques années au Québec, où le sujet a bénéficié plus tôt d'une prise de conscience.

"Il y a une vraie difficulté en termes d'offres de soins et de réseaux de soutien, d'aide aux victimes", estime la psychothérapeute: "Un certain nombre d'associations font ce qu'elles peuvent, mais ne proposent pas par exemple de groupes de parole spécifiques" aux victimes masculines.

Malgré des parcours de vie irrémédiablement marqués par l'affaire Le Scouarnec, les deux jeunes hommes gardent espoir que leur récit contribue à changer le regard porté sur les victimes masculines de violences sexuelles.

Des témoignages pour montrer "qu'on n'est pas seulement ce qui nous est arrivé", résume Gabriel, "qu'on peut être un homme fort mais sensible, qui sait bien communiquer et exprimer ses émotions."

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