Plus d'un million de signataires pour la pétition contre la "Loi Duplomb": quelles suites pour cette loi si controversée?

Plus d'un million de personnes ont signé la pétition demandant l'abrogation de la loi Duplomb, adoptée le 8 juillet dernier. Alors que le Conseil Constitutionnel doit statuer le 10 août prochain sur celle-ci, que peut-il advenir de ce texte massivement rejeté par de très nombreux Français?

Amandine Rebourg Publié le 22/07/2025 à 05:00, mis à jour le 22/07/2025 à 05:00
Les députés saluent l'adoption de la "loi Duplomb" sur l'agriculture qui vise à réintroduire pour certaines cultures le pesticide acétamipride de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe, à l'Assemblée nationale à Paris. Photo: GUILLAUME BAPTISTE/AFP

Un loi controversée et une pétition recueillant plus d'un million de signataires en quelques jours... La "loi Duplomb", qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France mais autorisé en Europe, est loin de faire l'unanimité. En témoigne l'immense  mobilisation populaire contre cette loi adoptée au début du mois de juillet. 

Une pétition lancée par une étudiante, deux jours après l'adoption de la loi sur le site de l'Assemblée Nationale a été très largement relayée sur les réseaux sociaux et atteint désormais des sommets. Ce lundi 21 juillet, la pétition recueillait 1.308.404 signatures. Un chiffre qui pourrait changer la donne concernant cette loi et la faire revenir en débat au Parlement. Pour autant, peut-elle être abandonnée comme le souhaitent plus d'un million de signataires? 

Vers de nouveaux débats parlementaires?

Ce samedi, le seuil des 500.000 signataires a été largement dépassé, offrant à cette loi un avenir... chaotique. En effet, si les signataires sont issus d'au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut décider d'organiser un débat en séance publique. Un bon début pour la gauche qui promet que le "combat ne fait que commencer" mais la loi ne sera pas réexaminée sur le fond et encore moins abrogée. La présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet s'est dite dimanche "favorable" à l'hypothèse d'un débat mais il "ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée" qui va, selon elle, "sauver un certain nombre de nos agriculteurs". 

Saisi le 11 juillet dernier, par les députés de gauche, le Conseil Constitutionnel doit rendre sa décision d'ici le 10 août prochain. Ces derniers espèrent évidemment une censure mais la loi a toutefois peu de chances de l'être entièrement. L'étape du Conseil Constitutionnel passée, Emmanuel Macron devra promulguer cette loi, tout comme il peut demander une seconde délibération au Parlement, ce que souhaitent les parlementaires de gauche. "Le chemin de cette loi n’est pas terminé puisque le Conseil constitutionnel a été saisi. Le président (Macron) ne peut dès lors pas s’exprimer tant que les Sages n’ont pas rendu leur décision", a indiqué à l'AFP l'entourage du président. 

La justice administrative pourra être saisie en cas de recours

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, si la loi est promulguée, "la réintroduction de l’acétamipride supposera des décrets d'application. La loi prévoit simplement une clause de revoyure à l'issue d'une période de trois ans, pour s’assurer que les conditions d'utilisation sont toujours remplies. On voit bien que le législateur marche sur des oeufs. Les décrets d'application vont certainement faire l'objet de recours devant la justice administrative. Elle peut se prononcer sur le principe de précaution ou décider qu'il y a une inégalité de traitement entre les agriculteurs - par exemple entre ceux qui ont le droit d'utiliser le pesticide et ceux qui n'ont pas le droit. Tant que les décrets sont attaqués en justice, la loi n'est pas applicable."

La gauche se mobilise 

Quoiqu'il en soit, côté gauche du Parlement, on a sonné la mobilisation. La députée écologistes Sandrine Rousseau a prévenu que "lors des prochaines niches parlementaires (journées réservées aux textes des groupes politiques, NDLR), chaque groupe du Nouveau Front populaire aura comme texte l'abrogation de la loi Duplomb", a-t-elle assuré. Corinne Lepage a annoncé saisir le Conseil d'Etat pour "violation de l'indépendance de l'Anses". Quant à Gabriel Attal, il a indiqué souhaiter que l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) soit saisie et donne son avis sur ce texte. Pour lui, qu'une pétition qui recueille autant de signataires est la preuve qu'il y a "un malaise chez une partie des Français". Et pour y répondre, "c'est très bien si ce débat peut se tenir à la rentrée parlementaire".

Le sénateur LR, Laurent Duplomb, à l'origine de ce texte, dénonce une pétition "instrumentalisée" qui serait destinée à "mettre la pression sur le Conseil constitutionnel", qui doit se prononcer celui-ci, d'ici le 10 août prochain. "Je ne suis pas sûr que, si elle n'avait pas été instrumentalisée par l'extrême gauche et par les écologistes, les Français se seraient saisis de cette pétition de façon spontanée et auraient autant signé", a-t-il dit. "Ce système de pétition, il est fait pour mettre de la pression au Conseil constitutionnel et espérer qu'il ne valide pas la loi", a dénoncé le sénateur sur RMC, ce lundi. 

Pour l'heure, l'avenir de cette loi semble donc plus qu'incertaine entre ses défendeurs et ceux qui espèrent son abrogation ou en tout cas, à l'entrée d'un labyrinthe législatif. Mais une chose est sûre: la rentrée politique s'annonce chargée. 

Mais au fait, que contient cette loi?

Adoptée par 316 voix, contre 223 dans un dernier vote à l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier, la "loi Duplomb" vise à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur". Elle contient toutefois des plusieurs mesures controversées. La plus critiquée par ses détracteurs est la réintroduction encadrée et à titre dérogatoire de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit depuis 2018 en France mais autorisé en Europe jusqu'en 2033. Elle était réclamée par l'alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale, les premiers syndicats agricoles, notamment pour les producteurs de betteraves sucrières qui affirment n'avoir aucune solution pour protéger efficacement leurs cultures. 

Autre mesure décriée, celle qui vise le rôle de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), mandatée depuis 2015 pour évaluer la dangerosité des pesticides, mais aussi autoriser leur mise sur le marché. Le texte prévoit que l'Agence, lorsqu'elle examine la mise sur le marché et l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, devra tenir compte "des circonstances agronomiques, phytosanitaires, et environnementales, y compris climatiques qui prévalent sur le territoire national". 

Le texte vise également à faciliter le stockage de l'eau pour l'irrigation des cultures, dans un contexte de raréfaction de la ressource liée au dérèglement climatique. Avec le texte, il y aura désormais une présomption d'"intérêt général majeur" pour les ouvrages de stockage, dans l'intention de faciliter les procédures pour obtenir des autorisations de construction. Du côté de l'élevage, la loi facilite l'agrandissement ou la création de bâtiments d'élevage intensif. Il relève également les seuils de cheptel au-delà desquels les élevages doivent être enregistrés ou obtenir une autorisation: de 40.000 poulets actuellement à 85.000 avec la loi et de 2.000 cochons à 3.000.

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