"Une multiplicité d’acteurs réunis dans leur diversité": le regard d’une spécialiste des mouvements sociaux sur le mouvement "Bloquons tout"

L’historienne Danielle Tartakowsky, professeur émérite à l’université Paris 8, est spécialiste des mouvements sociaux. Auteur de nombreux ouvrages, elle explore les questions de démocratie directe dans son prochain ouvrage, « Les cahiers de doléances des états généraux de la renaissance française de 1945 ». Elle porte son regard sur la mobilisation de ce mercredi 10 septembre.

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Christophe Cirone Publié le 11/09/2025 à 07:00, mis à jour le 11/09/2025 à 07:00
Les manifestants ont bravé l’orage, ce mardi à Nice. Photo Jean-François Ottonello Crédit photo pour le Web uniquement

Une multiplicité d’actions mais pas de blocage majeur: peut-on dire que la mobilisation a été en-deçà des attentes?

Cela n’aurait pas vraiment de sens! Comme il s’agit d’une journée inédite dans ses formes d’organisation, de mobilisation et ses acteurs, aucun précédent ne nous permet de quantifier. Ce qui est intéressant, c’est d’observer une multiplicité de formes d’action, qui appartiennent au répertoire de chacun des groupes ou individus qui y participent.

Cette forme d’action était-elle véritablement inédite?

Oui, pour deux raisons. Déjà, l’appel a été lancé deux mois avant, ce qui crée une attente, d’où peut-être une déception. Ensuite, chacun fait comme il veut et comme il peut! Cela m’évoque un précédent il est vrai bien lointain: le premier 1er-Mai, en 1890. Les organisations socialistes inventent alors cette journée internationale de lutte pour la journée de 8 heures sans donner de consigne d’action. L’objectif, c’est: chacun fait comme il peut, mais en même temps.

Au-delà du rejet des mesures d’austérité, que traduit ce mouvement protéiforme? De la désespérance sociale? Du dégoût de la politique?

Il y a quand même, centralement, le sentiment des inégalités sociales et la disparition des services publics. Fondamentalement, il y a là un fil rouge dans ces mouvements récents. D’autant que ces inégalités sociales se doublent d’un dégoût des politiques - mais pas du politique, dont ces mouvements sont une déclinaison.

La chute du gouvernement et la nomination d’un nouveau Premier ministre ont-elles pu freiner les velléités contestataires?

Si j’avais dû faire un pari la veille au soir, j’aurais plutôt pensé que ça les aurait stimulées! Bien malin qui pourrait le dire. Cela a pu jouer sur des individus qui sont venus s’adjoindre ou non au mouvement, mais pas sur les collectifs engagés. Mais je ne pense pas que ç’ait été déterminant.

Ces nouveaux modes d’expression répondent-ils à un déficit démocratique?

Ce sont d’autres formes d’expression démocratique qui traduisent la crise de deux structures majeures: la démocratie sociale et la démocratie politique, ces modes d’interaction entre les institutions et le peuple qui peinent à l’être aujourd’hui.

Cette journée peut-elle amorcer un mouvement de longue haleine?

Ça, je n’en ai pas la moindre idée! Ce que je sais comme tout le monde, c’est qu’il y a une journée intersyndicale le 18. Pour partie, ce sont les mêmes acteurs, pour partie d’autres. On entre dans une séquence qui, quoi qu’il arrive le 18, va être marquée par le vote du budget. Or elle cristallise l’ensemble des mécontentements qui s’expriment.

Était-ce "l’apéritif citoyen" de la mobilisation syndicale du 18 septembre?

Ce qui me paraît très intéressant dans cette mobilisation, c’est qu’elle a réuni une multiplicité d’acteurs dans leur diversité, alors qu’ils avaient à tout le moins quelque mal à s’entendre au moment des "Gilets jaunes". Je ne les opposerais donc pas. Que feront les acteurs autres que les syndicats le 18? Cela dépend aussi de ce qui va se passer d’ici là...

Quelles conséquences politiques peut avoir ce mouvement citoyen?

Ça, bien malin qui pourra vous le dire. Les calendriers ne sont pas les mêmes. On va à nouveau faire le point au moment du vote du budget.

Dans tous les cas, les politiques doivent-ils le prendre en compte?

Cela a eu lieu. Cela dit quelque chose sur la multiplicité d’acteurs aujourd’hui mobilisés. Et il serait mieux que les politiques le prennent en compte.

Légende Web uniquement. Crédit photo Web uniquement.

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