Il a ravagé 4.000 hectares dans les Maures, quel est ce papillon qui attaque les chênes varois?
Autour de 4 000 hectares du massif des Maures, qui court du bord de mer au centre du Var, ont subi l’attaque d’une chenille mangeuse de feuilles. Si les arbres vont reverdir, cela accentue les pressions sur la forêt.
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Sonia BonninPublié le 03/07/2025 à 18:01, mis à jour le 03/07/2025 à 18:36
Sur ce chêne-liège entièrement attaqué, les feuilles sont en train de repousser.
Photos ABJPhoto ABJ
Ça y est, on est en hiver. Il fait plus de 36°C au thermomètre de la voiture, dans les virages étroits au-dessus du col de Gratteloup, à Bormes. Soudain, la forêt semble fantomatique. Les arbres sont nus, grillés. "Ils ont été consommés", corrige Alexandre Girardot, correspondant et observateur santé des forêts, en même temps qu’agent de l’ONF (Office national des forêts).
"C’est spectaculaire, commente-t-il, on croirait être dans la forêt en hiver. C’est vraiment une grosse attaque, tous les feuillus ont été consommés." Le festin, pour les chenilles du bombyx disparate, ce sont les feuilles des chênes-lièges.
Des arbres, il ne reste que la silhouette décharnée. La voracité du bombyx est telle que, "même s’ils sont moins prisés", des arbousiers sont aussi défoliés. Jusqu’à l’âpre bruyère habitée de nids duveteux, où sont visibles chenilles rabougries et chrysalides.
En Corse, 20.000 hectares
Bienvenue sur les terres du terrible bombyx. En Corse, ce début d’été 2025 restera cauchemardesque. L’invasion "tout simplement incroyable" a pris plus de 20.000 hectares de forêts, détaille Julien Goullier-Lagadec, responsable du pôle santé des forêts Sud-Est (ministère de l’Agriculture). "La présence du bombyx est quelque chose d’habituel, de cyclique, qui s’exprime tous les cinq, dix, ou quinze ans, sans qu’on en comprenne bien les facteurs déclenchants", poursuit le spécialiste.
Dans le Var, les premiers signes sont apparus près du littoral de Bormes-les-Mimosas, début juin. Grand connaisseur du mimosa, Julien Cavatore témoigne "d’une présence phénoménale" qu’il n’avait jamais vue. Heureusement, les végétaux de sa pépinière sont indemnes.
Œufs dans une gangue, larves, chrysalides, puis chenilles… Pour se transformer en papillon, le bombyx mange beaucoup, beaucoup.Photo ABJ.
"Les papillons volaient partout, comme les crottes des chenilles. On pouvait croire qu’il pleuvait en plein jour." Le Borméen en a ramassé à la pelle.
"Cela intrigue les touristes, qui voient les arbres sans feuille et font l’amalgame avec la canicule", rapporte-t-il. Des versants entiers sont touchés. "Ce n’est pas du tout la forêt qui est en train de mourir, confirme Alexandre Girardot, sur le terrain. Dans quelques semaines, elle va reverdir et plus rien ne laissera deviner le passage du bombyx."
Dans le Var, la dernière attaque remonte à 2019 (5.000 hectares). Grâce à des observations par satellite, le relevé le plus récent fait état de 4.000 hectares, une superficie qui sera confirmée, ou corrigée sur le terrain.
Que peut-on faire?
Des appels de propriétaires forestiers pour demander conseil. Au bureau de l’ASL Suberaie varoise, le bombyx n’est pas passé inaperçu. "Nous rassurons en expliquant que les arbres ne sont pas morts, détaille Florian Henneau, ingénieur forestier dans cette association experte du chêne-liège. L’insecte est endémique. Là, on est sur un pic."
Lui aussi est membre de ce réseau d’observateurs pour la santé des forêts. Il existe, explique-t-il "un cortège de prédateurs naturels". Il leur faut "le temps de réguler". Des oiseaux, mangeurs de chenilles, un scarabée dit calosome qui poursuit ses proies dans les arbres, et un redoutable virus parasite, capable de se répandre à vitesse grand V, dans un "cluster" de bombyx.
Le mécanisme du vivant est bien connu. Grâce à une nourriture abondante, "les prédateurs se multiplient, mais avec un décalage". Puis le nombre de chenilles chute et l’essor des prédateurs aussi. Pour l’an prochain, si une autre invasion reste possible, après les fortes pontes de l’été, elle n’est pas certaine non plus.
Un faux air de chenille processionnaire
Poilue, avec des verrues colorées. Oui, la chenille du bombyx disparate a de quoi dérouter. Avec ses airs de chenille processionnaire, elle est impressionnante, mais pas dangereuse. "Ces grosses chenilles ne sont pas urticantes, mais elles peuvent être grattantes pour les personnes sensibles", souligne Julien Goullier-Lagadec.
Elles se déplacent entre les arbres, jusqu’à monter sur les murs des maisons pour chercher de la nourriture. Abomination autour des villas nichées dans la verdure et inquiétude des loueurs de résidences de vacances. Mais on peut se rassurer, le plus gros est bel et bien derrière nous.
Avec la sécheresse et la canicule, la forêt mise sous stress
La forêt peut supporter une attaque de bombyx. Si les feuilles sont bien en train de repousser, la question est quel en est le coût sur des arbres déjà soumis à de multiples stress.
"Ce qui nous inquiète est cette entrée dans un été très chaud et très sec, illustre Alexandre Girardot de l’ONF, en arpentant un versant. Il fait plus de 35°C tous les jours, l’évaporation est énorme. Les plantes puisent dans le sol." Refaire toutes ses feuilles à la période la plus chaude impose à l’arbre de "tirer dans ses réserves". C’est un facteur négatif supplémentaire auquel il doit s’adapter. "Le bruit de fond global sur l’état de la forêt n’est pas au top, estime aussi Julien Goullier-Lagadec. On n’avait pas besoin de ça."
Par chance l’année 2024 et le printemps 2025 ont été pluvieux, "les chênes-lièges se sont quand même refaits sur les derniers mois", note Florian Henneau d’ASL Suberaie varoise. C’est dans le temps et à moyen terme que la résilience est mise à l’épreuve.
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