"Rouler en soirée revient à jouer à la roulette russe": les sangliers, un danger sur les routes du littoral varois

Le 10 juillet dernier à La Croix-Valmer, un motard était grièvement blessé après une collision avec un sanglier. Cruel rappel des dangers que font peser les suidés sur les usagers des routes varoises.

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V.W. Publié le 13/08/2025 à 04:15, mis à jour le 13/08/2025 à 04:15
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Les collisions avec les sangliers sont souvent fatales pour l’animal comme pour le véhicule. Photo Ph. A.

Matthieu est un "miraculé". Le 10 juillet dernier vers 22h30, après un dîner en amoureux à La Croix-Valmer, le jeune homme de 24 ans et sa compagne rejoignent à moto la résidence secondaire familiale à Cavalaire. Le couple roule à 40km/h sur le boulevard du littoral quand, au carrefour avec le boulevard de Tabarin, il croise un sanglier. Malgré une allure modérée, Matthieu ne parvient pas à éviter le choc. Il est brutal. Presque fatal.

"On est passé à un rien du drame, en tremble encore sa tante trois semaines après l’accident. Outre cinq côtes fracturées et une clavicule en vrac, Matthieu a souffert d’un traumatisme crânien sévère avec formation d’un œdème."

La prise en charge rapide par les médecins du Smur (Structure mobile d’urgence et de réanimation), alertés aussitôt l’accident survenu, lui a sauvé la vie. Plongé dans un coma artificiel durant une semaine à l’hôpital Sainte-Anne de Toulon, Matthieu se remet aujourd’hui doucement, "la boîte crânienne ouverte en attendant que l’hématome se résorbe", au centre de rééducation Georges-Sand à La Seyne.

Sa compagne Lily, elle, en est quitte pour quelques brûlures et surtout une grosse frayeur.

"Rouler en soirée revient à jouer à la roulette russe"

"Rouler en soirée sur les routes du littoral varois revient à jouer à la roulette russe, constate, impuissante, la mère du jeune Lyonnais. Les habitants nous disent que les sangliers sont omniprésents désormais. Que faut-il faire pour éviter de telles situations?"

Depuis plusieurs années en effet, pas un été ne se passe sans que des touristes publient sur les réseaux sociaux leur rencontre avec une famille de suidés. Plage de Bonporteau à Cavalaire, de Pampelonne à Ramatuelle, des Sablettes à La Seyne-sur-Mer... Pas quinze jours non plus sans qu’un véhicule heurte un sanglier. Y laissant le plus souvent un moteur. Parfois la vie.

Les pouvoirs publics n’ont néanmoins pas attendu ce drame pour prendre le problème à bras-le-corps. "C’est une évidence, les sangliers sont bien plus présents qu’auparavant dans nos agglomérations, constate René Caradante, premier adjoint à la mairie de La Croix-Valmer, en charge de la sécurité, validant ainsi les propos du président de la Fédération départementale des chasseurs du Var Laurent Faudon (lire par ailleurs). Ils sont chassés par les loups dans les massifs et viennent se réfugier sur la côte. En ce moment, il est avéré qu’une meute de loups est répertoriée dans le secteur du cap Lardier par exemple."

Afin d’éviter les mauvaises rencontres, plusieurs mesures ont donc été prises par la municipalité. "Il est formellement interdit de les nourrir. L’amende sanctionnant le non-respect de cette interdiction est, à La Croix-Valmer, de 450 euros. Nous appuyons aussi fortement sur le débroussaillage. Oui, cela permet d’éviter les incendies, mais donne également aux sangliers moins d’endroits pour se réfugier. Nous avons également placé plusieurs panneaux routiers prévenant du danger potentiel de traversée de gibiers. Il faut savoir enfin que la période de chasse sur la commune s’étend aujourd’hui pour le sanglier sur 9 à 10 mois par an. C’est énorme."

Battues administratives

Des règles strictes encadrent toutefois la chasse aux sangliers quand ils se trouvent en zone urbaine. Durant la période estivale, des battues administratives sont régulièrement organisées par des sociétés de chasse avec l’assentiment de la préfecture afin de protéger les cultures et notamment les vignes.

Une solution préconisée dernièrement par la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pour la commune de Saint-Martin-de-Pallières, qui a vu le 22 juillet la préfecture autoriser par arrêté "des battues administratives aux sangliers [...] dans la limite de deux par semaines pour une durée de deux mois [...] en tous lieux à l’exception des terrains clos et attenants à une habitation". "Les dégâts sur les cultures sont très importants, notamment sur les tournesols, explique le maire Bernard de Boisgelin. L’intervention du lieutenant de louveterie devrait permettre de les limiter."

Lorsque des dégâts importants sont constatés dans les jardins des particuliers et des collectivités, l’administration peut missionner des lieutenants de louveterie. Ce qui a été le cas le 6 août dernier par exemple au Val, "compte tenu des dégâts commis" sur la commune par les sangliers, "entre les quartiers La Jouberte, le château de Jean Val et l’avenue Jean Moulin". En 2024, 547 sangliers avaient été ainsi "prélevés" sur l’ensemble du département.

"Ils peuvent représenter un danger"

"Nous organisons plusieurs de ces battues durant l’année à La Croix-Valmer mais bien souvent les sangliers se réfugient dans des lotissements et les habitants refusent qu’on les abatte, regrette pour sa part René Caradante. Les tuer choque le grand public mais il faut savoir qu’ils peuvent représenter des dangers. Je ne vous cache pas que le soir, sur la route, en croiser est une hantise. Il faut connaître les endroits de passage et être très prudent."

La riveraine primo-intervenante sur l’accident de Matthieu ne dit pas le contraire. "Pendant longtemps, comme beaucoup de gens, je trouvais ça marrant de voir des sangliers sur le bord de la route. Mais quand on doit venir en assistance à un jeune homme couché sur le bitume, j’avoue que ça remue les tripes et ça m’a fait changer d’avis... C’est dangereux. Je me pose la question de savoir si on peut cohabiter avec eux. Avant l’accident je vous aurais dit oui. Aujourd’hui je ne pense pas. Je les regarde d’un autre œil désormais."

Une semaine après ses vacances varoises, Matthieu et Lily devaient s’envoler pour l’Australie, où le couple comptait s’installer. Un projet de vie désormais entre parenthèses. Les médecins ont estimé que le jeune homme mettra entre un à deux ans avant de récupérer l’ensemble de ses facultés. "Le sanglier doit rester un animal sauvage"

"Le sanglier doit rester un animal sauvage"

Laurent Faudon est le président de la Fédération départementale des chasseurs du Var. Le sanglier? Il connaît. Ses dangers aussi.

La chasse du sanglier a-t-elle été productive cette année?

Le nombre de bêtes prélevées connaît une baisse énorme. Il était d’environ 20.000 il y a deux ans, et de seulement 12.000 pour la saison 2024-2025.

Quelles en sont les raisons?

Le sanglier descend vers le littoral car il s’y sent moins en danger par rapport au loup qui le chasse toute la journée. Dans les agglomérations et proches des lieux d’habitations, il peut alors se reposer. Et sortir la nuit pour partir en quête de nourriture, souvent en s’attaquant aux poubelles.

L’impression de croiser plus de sangliers qu’auparavant dans les villes et villages n’est donc pas une vue de l’esprit?

Pas du tout. C’est une réalité. Et une réalité qui amène de nouveaux dangers, comme un risque de collision plus important que par le passé, de se faire attaquer dans son jardin ou sur la plage par une laie qui défend ses petits.

Comment éviter ces dangers?

La première règle est de ne surtout pas les nourrir. Le sanglier doit rester un animal sauvage et avoir peur de l’être humain. C’est un animal très intelligent. S’il voit son intérêt à être quelque part, il va revenir. Dans notre région, les touristes peuvent parfois trouver pittoresque de croiser un sanglier sur la plage et être tenté de le nourrir ou de le caresser. J’ai moi-même été témoin d’une scène de la sorte à Ramatuelle il y a quelques jours après un concert. Sur la plage, des gens donnaient de la nourriture à une famille de sangliers. C’est d’abord dangereux pour les personnes, et c’est ensuite leur donner envie de revenir et de s’installer dans nos villes.

Quelles solutions pour faire "remonter" le sanglier vers les massifs?

Des battues administratives existent et ont déjà prouvé leur efficacité. Tout comme l’agrainage dissuasif. Mais face à la crainte du loup, de véritables troupeaux de sangliers migrent. Et quand des marcassins naissent près ou dans des agglomérations, il est très difficile de les faire remonter en forêt. En revanche, quand le nombre de loups baissera, les sangliers retourneront dans les massifs. Il y aura donc moins d’accidents sur les routes. 

Des ultrasons pour éviter les collisions?

C’est, à en croire les vendeurs d’un magasin auto aux Arcs-sur-Argens, un succès commercial depuis plus de dix ans: les avertisseurs à ultrasons pour animaux sont souvent en rupture de stock dans les rayons des magasins spécialisés dans la vente de pièces automobiles. De là à affirmer que ces sifflets sont d’une efficacité redoutable, il y a un pas que nous ne franchirons pas (1). Mais l’objet a le mérite d’exister, son coût est relativement faible - environ 5 euros les deux avertisseurs - et les conducteurs nombreux à choisir de "prévenir au lieu de guérir".

Cet accessoire de forme cylindrique est censé émettre des ultrasons afin d’éloigner le gibier du bord des routes. Et donc d’éviter une collision. Car si l’oreille humaine perçoit des fréquences sonores comprises entre 20 et 20.000 hertz (Hz), les animaux peuvent capter bien au-delà. Jusqu’à 40.000 Hz environ pour le chien et 160.000 Hz pour la chauve-souris ou le dauphin. Le gibier, lui, possède un champ auditif capable de percevoir les fréquences de type ultrasons, donc au-delà de 20.000 Hz.

Ces sifflets, placés face au vent sur le véhicule roulant, émettent donc au-delà de 50km/h un son inaudible pour le conducteur mais désagréable pour le sanglier, qui serait dissuadé de s’approcher de la route au passage du véhicule.

Difficile pour autant de savoir si ce dispositif est véritablement efficace. Car rien ne permet de savoir si l’absence de collision serait le résultat du sifflet ou d’un simple hasard. Voire d’une plus grande prudence du conducteur induite par la présence des sifflets. À noter néanmoins que certains utilisateurs affirment, sur Internet, avoir percuté un sanglier alors que leur véhicule était équipé d’avertisseurs...

Malgré l’absence de test scientifique, le principe de précaution prévaut toutefois pour quelques compagnies de gendarmerie dans la Manche, la Seine-Maritime ou l’Eure qui ont reconnu équiper leurs véhicules de ce type de dispositif.

En attendant la démocratisation dans les années à venir de la "vision de nuit", assistance à la conduite utilisant la technologie infrarouge afin de retransmettre sur un écran dans l’habitacle les différents obstacles apparaissant dans le champ d’une caméra placée sur le pare-brise (piétons, animaux...) avant qu’ils n’entrent dans la zone des phares.

"Ces sifflets restent un gadget, conclut Laurent Faudon, président de la Fédération de chasse du Var. Rien ne vaut la prudence sur les routes. Quand on connaît les coins de passage, il vaut mieux ralentir. Le sanglier est présent chez nous, et pour un bon moment encore."

1. Contactée, la Sécurité routière a indiqué n’avoir "aucune information sur le sujet".

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