"Ce sera un sommet de combat": les enjeux de la conférence des Nations Unies sur l’Océan, qui se déroule à Nice en juin, décryptés par Olivier Poivre d’Arvor

Olivier Poivre d’Arvor, envoyé spécial du président de la République pour l’organisation de la troisième conférence des Nations Unies sur l’Océan, qui se tient à Nice du 9 au 13 juin prochain, fait le point sur l’organisation de ce sommet.

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Stéphanie Gasiglia Publié le 28/04/2025 à 17:00, mis à jour le 28/04/2025 à 17:00
Une visite express à Nice ce week-end pour Olivier Poivre d’Arvor, avant de s’envoler, encore, pour New York. Photo justine meddah Photo Justine Meddah

Olivier Poivre d’Arvor navigue entre Nice, Paris... et les Nations Unies. L’ambassadeur des Pôles est l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour l’organisation de la troisième conférence de l’Onu sur l’Océan. Le Sommet se tient à Nice du 9 au 13 juin prochain. Il était à Nice ce week-end, en compagnie d’une délégation de l’Onu. Les derniers calages pour les chefs d’État, la sécurité, le protocole. Avec des réunions de travail en mairie et en préfecture... Mercredi, les clés du Palais qui recevra le Sommet seront remises à Olivier Poivre d’Arvor et à la délégation onusienne. Un symbole.

Dans un mois et demi, tout commence. Nice sera la capitale mondiale de l’Océan. Est-ce que tout se profile comme l’État français le souhaitait?

Le président de la République avait voulu, en faisant ce sommet ici à Nice avec Christian Estrosi, organiser la plus grande conférence jamais organisée sur l’océan, mais surtout un sommet très utile. On sait maintenant que ça va être, en effet, le plus grand sommet jamais organisé.

En termes de délégations?

187 sont déjà annoncées. Donc 187 pays vont être présents sur les 196 que comptent les Nations Unies. Des délégations qui peuvent aller de 5 personnes à des centaines. Il y aura 187 drapeaux. Ça en fera, de loin, la plus belle représentation.

À Lisbonne, il y avait 11 chefs d’État...

Là, à ce stade, on sait qu’il y aura 70 chefs d’État ou de gouvernement, donc soit des premiers ministres, soit des présidents. Et il y aura les grandes organisations internationales, comme le patron de l’Unicef, le patron de l’Unesco, etc. On sera à une centaine de chefs d’État et de grandes organisations internationales. C’est-à-dire autant que la COP21, la COP climat en 2015. Cela veut dire que pendant 5 jours, on ne sera plus à Nice, on sera plus en France. Mais sur un territoire bien donné, il y aura une souveraineté des Nations Unies dans laquelle toutes les expressions pourront s’exprimer. Et ça arrive en plus à un moment où le multilatéralisme est quand même très challengé, au meilleur sens ou au pire sens du terme.

Cela veut dire qu’il y a une attente encore plus forte sur ce sommet?

Oui, y compris sur des grands sujets, sur lesquels d’ailleurs les États-Unis ont attiré l’attention du monde. Je pense à la question des scientifiques, de la science. Je pense à la question de l’exploitation des grands fonds marins, sur lequel par exemple il y a eu des annonces du président Trump qui ont créé, comme ça, un sentiment de dramatisation de ce sommet...

Ce ne sera pas un sommet tranquille?

Ce sera un sommet de combat. Avec de nombreux enjeux particulièrement importants, comme le traité de la haute mer... Si tout va bien, je croise des doigts, à Nice, on va régler positivement ce sujet-là, oui. 60% de la mer...

Vous approchez les 60 ratifications nécessaires?

C’est ric-rac.

C’est-à-dire?

Pour le moment c’est insuffisant, ce n’est pas gagné, mais on lutte et c’est jouable. D’autant qu’il y a le temps du sommet encore, jusqu’au 9 juin au matin. Un traité des Nations Unies, ça doit être déposé aux Nations Unies, à New York. Les pays pourront déposer leur ratification sur place à Nice. C’est assez rare. Ça n’a jamais existé, d’ailleurs. Donc ce sujet de la haute mer, normalement, devrait être traité. Enfin! 60% de la mer, 50% de la surface du globe va enfin bénéficier de règles, de protections des espèces, protection de la pêche, des règles de transport. Mine de rien, c’est un des plus grands traités au monde qu’on puisse imaginer.

Il y a aura aussi le sujet de l’exploitation des fonds marins?

Ce sera je pense celui sur lequel il va y avoir de très grandes oppositions. Faut-il aller exploiter les grands fonds marins ou pas? C’est aussi géré par une autorité des Nations Unies. Les États-Unis ont dit qu’ils allaient s’affranchir de cette instance, et qu’ils allaient y aller. On va faire en sorte que le droit l’emporte. Mais cela va être un combat difficile.

Le président Trump a-t-il prévu de venir à Nice?

À ce stade, non. Mais nous n’avons pas les réponses de tous les pays. Je crois que jamais un chef d’État américain n’est venu à une COP. On verra, quoi qu’il en soit il est invité, comme tous les chefs d’État. Et même s’il ne vient pas, les États-Unis seront représentés.

Qu’il soit là, ce serait un atout ou une difficulté pour faire gagner l’Océan lors de ce sommet?

C’est un pays qui n’est anodin, c’est vrai, mais je dis, d’abord, qu’il faudrait que les scientifiques américains soient là. C’est très important, parce que c’est quand même eux qui donnent le "la". Ils ont un pouvoir considérable. Les scientifiques américains nous renseignent sur la météo, sur beaucoup d’éléments de la mer... J’espère qu’ils pourront voyager, mais ce n’est pas garanti. Donc, j’espère que les États-Unis seront là pour porter une voie qui soit une voie de consensus par rapport au reste de l’humanité.

La Chine, l’un des plus grands pollueurs de la planète sera présente?

Elle sera même très bien représentée, mais je ne peux pas en dire plus.

Et la Russie?

Il y aura une délégation russe et elle est bien évidemment la bienvenue. Vous savez la plupart des décisions de chefs d’État pour venir dans ce genre de grand moment, se prennent dans les jours avant le début. Ce sera quoi qu’il arrive un sommet qui va être très concluant sur la question de la pêche illégale, sur la question de la lutte contre les pollutions, sur les nouveaux outils scientifiques pour pouvoir prévoir l’océan... C’est ça le sujet, au-delà de la démonstration politique.

Ce sommet a aussi été une sacrée aventure, il a fallu le "construire", avec Nice, dans tous les sens du terme d’ailleurs, jusqu’à l’infrastructure qui va l’accueillir...

Ça, c’est une expérience passionnante. Il y a plus de deux ans qu’on travaille avec Christian Estrosi lui-même, avec ses équipes, ses services. Nous n’allions pas faire ce sommet au Palais Nikaïa ou au Stade Allianz. On voulait le mettre au bord de la mer, donc au bord de la Méditerranée. On voulait célébrer la Méditerranée puisque ce sera les 50 ans de la convention de Barcelone, qui est la grande convention qui régit l’ensemble de la Méditerranée. Le 10 juin, il y aura une journée spéciale consacrée à cela.

Un parking transformé en palais des congrès...

La transformation est magnifique. On a conçu ce sommet comme le sommet d’une ville-port avec des bateaux qui vont venir du monde entier. Il y aura à peu près 90 bateaux qui seront entre Monaco, Villefranche, Nice. Des bateaux scientifiques qui vont faire le trajet entre les différents ports et qui vont notamment défiler le 8 juin. Ça va s’appeler les merveilles de l’océan. Ce sera un très beau moment qui va être filmé et retransmis en direct sur France Télévisions. Il y aura aussi une grande émission de France Télévisions en direct de Nice, le 10 juin.

Passionnant à construire, mais pas toujours simple. Vous avez eu des sueurs froides?

Oui (sourire)...

On parle d’un sommet extrêmement onéreux, la facture aurait explosé?

Non, j’insiste là-dessus, c’est un sommet qui coûtera quatre fois moins cher que la COP 21 qui coûtait 200 millions d’euros. Il coûtera 52 millions d’euros, en tout cas du côté de l’État. Moins cher que prévu d’ailleurs. C’était 54 au départ... Ce ne sont pas les Nations Unies qui financent, c’est toujours le pays qui organise qui finance. Les Nations Unies n’ont pas d’argent. Il y a eu une mobilisation extraordinaire du dernier ministre, Jean-Noël Barrault, qui s’est pris de passion pour le projet, qui est venu d’ailleurs à Nice, il y a maintenant quelques mois.

100% l’État. Rien de la Ville?

Nice apporte quand même. Déjà, depuis deux ans les services de la ville travaillent. Et la ville a quand même investi dans le bâtiment provisoire qu’elle construit, mais sur lequel on va apporter, nous-mêmes, un financement. Cela va coûter un petit peu d’argent la ville, mais un minimum. En tout cas, beaucoup moins que prévu. Christian Estrosi s’est battu! Déjà pour que sa ville l’organise. À New York aux Nations Unies, il s’est battu comme un chef d’État pour aller parler de sa ville. Nice, c’était le centre du monde.

Nice vit au rythme de ce sommet depuis plusieurs mois, avec le Carnaval sur ce thème, la venue de Paul Watson, etc.

Je n’ai jamais vu ça dans une COP, cette espèce de continuité... C’est important l’acceptabilité de ces grands sujets internationaux par les citoyens d’une ville, d’une région, d’une métropole. Ça donnera ce que ça va donner, je pense notamment en terme de circulation, mais avant même l’aspect "tracas", l’appropriation, à travers le nombre de manifestations qui vont avoir lieu, les invitations des Niçois, la Ville a réussi ça! Et ça va continuer, notamment dans la zone verte.

Elle est au palais des expositions...

Elle sera ouverte à tous, pendant 12 jours, donc il a fallu qu’on négocie avec les Nations Unies. Et ceux qui connaissent le palais ne vont pas le reconnaître puisqu’on a décidé d’en faire le ventre d’une baleine. Et ça va être un objet absolument magnifique, un endroit magique. Il y aura des pavillons, des ateliers. On pourra découvrir des espèces marines, ou encore le jumeau numérique de l’Océan... Et ce lieu va recevoir aussi des sommets régionaux. Comme le forum des îles du monde. Le premier forum jamais organisé qui va rassembler 30 chefs d’État des grandes îles du monde. Le premier ministre du Vietnam, on peut le dire, sera là, par exemple.

On va aussi parler beaucoup d’économie bleue pendant ce sommet...

Et ça va commencer à Monaco, les 7 et 8 juin, où le président Macron sera d’ailleurs en visite d’État. On parlera aussi beaucoup de sciences, puisqu’à partir du 3 jusqu’au 6, pendant 4 jours, il y aura ce grand sommet scientifique qui aura lieu en avant-première, dans le bâtiment du port.

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