Comment après le "faste" du 80e anniversaire du débarquement de Provence et de la Libération repasse-t-on à l’ordinaire un an après?
La Mission de la Libération mise en place pour les commémorations du 80e anniversaire a apporté des choses nouvelles. On a depuis réalisé un sondage pour savoir comment les commémorations de l’an dernier avaient été vécues et, on ne peut que s’en réjouir, la jeunesse souhaite qu’on continue. Cette jeunesse qui aime l’Histoire de France, qui a envie d’être actrice des commémorations, a particulièrement apprécié les fêtes populaires organisées autour du 80e anniversaire du débarquement de Provence et de Libération. Des fêtes qui ont réuni habitants et touristes. Ce n’est pas parce que le 80e anniversaire est passé qu’il faut arrêter. C’est la raison pour laquelle je serai à nouveau dans le Var ce vendredi 15 août, pour commémorer le débarquement.
Le nombre de vétérans de la Seconde Guerre mondiale diminue inexorablement d’année en année. Sur quelle piste travaillez-vous pour continuer de transmettre la mémoire aux générations futures?
On a collecté énormément de témoignages vivants. On a également récupéré de nombreuses archives qui permettront aux historiens d’écrire sur certains pans de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale encore assez peu traités. Pour ce qui est de la transmission aux nouvelles générations, les jeunes d’aujourd’hui savent, par les images de l’Ukraine par exemple, ce qu’est la guerre. Ce qu’ils veulent pour s’intéresser davantage à l’Histoire, c’est du vivant. Il faut donc que l’on s’adapte à leur façon d’apprendre, en recourant par exemple aux podcasts. J’encourage également les enseignants à se rendre avec leurs élèves devant les monuments aux morts de leurs communes. C’est là, en lisant le nom de chaque mort pour la France, qu’on se rend compte qu’on n’a pas combattu tout seul! Les tirailleurs sénégalais, les goumiers marocains, les tirailleurs indochinois, l’armée d’Afrique… En dépit de leur origine et de leur religion différentes, ils se sont unis, ont combattu sous un seul drapeau pour nous rendre libres.
Réfléchissez-vous d’ores et déjà à l’utilisation de l’Intelligence artificielle?
L’intelligence artificielle est un outil sur lequel il faudra sans doute s’appuyer, mais il faudra beaucoup de surveillance et de vigilance au démarrage pour éviter les erreurs. Dans le même ordre d’idée, on travaille avec les influenceurs présents sur Youtube pour que leurs contenus soient justes. On ne réinvente pas l’Histoire.
Vous risquez d’être interpellée par les représentants des associations patriotiques sur la suppression du 8 mai comme jour férié. Qu’allez-vous leur répondre?
Pour l’heure, ce n’est qu’une proposition. Le Premier ministre, ouvert à la discussion, a dit qu’il évoquerait ces dates avec les partenaires sociaux. Pour ma part, en tant que ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, je suis très attachée à cette date. Je me dois donc de faire remonter au Premier ministre les inquiétudes du monde combattant. Ceci étant dit, je rappellerai que jour férié ne veut pas dire jour de vacances. Le 8 mai, qui marque la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, est un jour à commémorer inscrit dans nos cœurs, mais également célébré au-delà de la France.
Si cette suppression venait à être confirmée, c’est quand même un drôle de message envoyé au monde combattant.
Je le répète: à ce stade, ce n’est qu’une proposition. Mais comme ambassadrice des anciens combattants, j’alerterai le Premier ministre.
Le 11 novembre, qui marque la fin de la Première Guerre mondiale, un conflit plus lointain, n’aurait-il pas été préférable?
Je n’ai pas eu de remontées du monde combattant en ce sens.
Vous serez ce vendredi matin à la nécropole nationale de Boulouris, ici même où Emmanuel Macron, pour le 75e anniversaire du débarquement de Provence, avait invité les maires de France à donner des noms de combattants d’outre-mer à des rues, des places ou des écoles de leurs communes. Sait-on dans quelle mesure cet appel a été entendu?
Sur la question des noms qu’on donne aux rues, aux places, ou encore aux gymnases… Il faut clairement qu’on ouvre un peu. Des élus, mais aussi des enseignants nous sollicitent régulièrement pour connaître les noms de combattants qui pourraient être mis à l’honneur. Des fascicules thématiques sur les enseignants et enseignants qui ont combattu, ou les sportifs qui ont participé aux deux guerres mondiales sont d’ailleurs à leur disposition. À l’occasion des Jeux olympiques de Paris, des professeurs d’éducation physique ont réussi à attirer les élèves vers l’Histoire en évoquant les sportifs qui avaient combattu. Mais là encore, utiliser de nouveaux noms pour baptiser une rue ne suffit pas. Si l’on veut toucher les jeunes, leur transmettre l’Histoire, il faut là encore recourir aux outils qu’ils utilisent au quotidien. Pourquoi ne pas ajouter un QR code sur les plaques de rues?
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