La Coco Chanel qu’on aime racontée au Nouveau Musée National de Monaco
L’exposition s’attarde sur les années 20 traversées par la créatrice, révolutionnant les codes de la mode, inventant un style et faisant de Monaco son port d’attache.
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Cédric VERANYPublié le 19/06/2025 à 11:00, mis à jour le 19/06/2025 à 15:51
Face au premier chapeau qu’elle a confectionné, le portrait que fait d’elle Kees Van Dongen dépeint parfaitement le style de Gabrielle Chanel dans les années 20. Photos Jean-François OttonelloPhoto Jean-François Ottonello
Comme une sculptrice travaillant à même le tissu, elle a façonné un style. Celle qui se targuait de ne pas savoir dessiner, gardait sa paire de ciseaux en collier, à portée de main pour d’un geste tranchant: tailler les étoffes, donner du volume. Un talent singulier.
Figure tutélaire de la mode, Gabrielle Chanel, née en 1883, morte en 1971, a traversé la première partie du XXe siècle en y laissant une trace indélébile et ambivalente. Créatrice libre redéfinissant le vestiaire féminin, habillant le mouvement, elle fut aussi une femme mystérieuse qui a construit sa légende, réécrit son histoire, en essayant d’en effacer les zones d’ombre.
"Les historiens sont en peine de savoir quelle est la véritable histoire de Gabrielle Chanel. Elle a brûlé beaucoup de choses, elle n’a pas laissé de traces", atteste Célia Bernasconi, qui s’est attachée à remonter le fil pour assurer le commissariat de l’exposition "Les Années Folles de Coco Chanel" qui ouvre ce jeudi au NMNM.
Sur l’affiche, la photo de 1923 signée Madame d’Ora capture d’emblée les facettes du personnage: le style assuré par sa coupe garçonne, son chandail à motif écossais. Le regard et la moue impassibles, ne se risquant pas à un sourire.
Elle habille la vie de plein air
Photo Jean-François Ottonello.
Dans les étages de la Villa Paloma, l’exposition très réussie raconte la Gabrielle Chanel des années 20. "À la fois artiste, patronne des arts, costumière pour certains ballets. Elle est aussi celle qui va procéder à un affranchissement de la mode pour les femmes", résume Björn Dahlström, directeur du NMNM.
L’atout le plus remarquable du projet est une trentaine de modèles Chanel des années 20 – prêtées par le patrimoine de la maison de couture – d’une fraîcheur exceptionnelle, d’un style exquis qui pourrait demain rejoindre les catwalks d’une Fashion Week
Ce vestiaire avant-gardiste, c’est à Deauville en 1910 que Coco Chanel le développe pour la "vie de plein air", première séquence de l’exposition. Elle efface les formes féminines, la garde-robe ampoulée de l’époque et taille sur elle des modèles en utilisation des textiles pauvres comme le jersey.
"Sa chance, c’est que ces vêtements qu’elle a fait pour elle ont plu à tout le monde", note Cela Bernasconi. "Ce que propose Gabrielle Chanel a cette époque, ce sont des coupes droites, des tissus souples qui permettent le mouvement. Et une recherche extrêmement sophistiquée des coutures et du confort."
Visionnaire, la créatrice taille même une blouse ornée de motifs floraux – présentée dans l’exposition – qui correspond à un tee-shirt d’avant l’heure.
À l’Hermitage, elle installe sa boutique en 1913
Artiste invitée de l’exposition, Chloé Royer a placé ses interventions, questionnant le corps.Photo Jean-François Ottonello.
Les premières ventes se font dans sa boutique rue Cambon à Paris, où elle commercialise d’abord des chapeaux. En 1913 au sein de l’hôtel Hermitage à Monaco, elle ouvre sa deuxième boutique. Les registres conservés dans les Archives nationales du pays l’attestent désormais fermement.
Un lien se tisse avec Monaco et ses princes. C’est en effet Gabrielle Chanel qui habille la princesse Charlotte en 1920 pour son mariage avec le prince de Polignac. Les photos de la noce conservées au Palais princier ont permis aux équipes de Chanel de retrouver dans leurs archives les détails de la tenue. Un choix fort pour la princesse héréditaire de l’époque, qui adopte les codes contemporains distillés par Coco Chanel, celui d’une femme nouvelle.
Le lien avec Monaco ne s’arrête pas là. Pour le ballet Le Train Bleu, écrit par son ami Jean Cocteau, qui ouvre la saison monégasque en 1925, Coco taille les costumes des danseurs. Audacieux, colorés, d’une modernité folle. Un premier contact avec les Ballets Russes et leur tête pensante, Diaghilev qui l’initie à la culture russe. Une découverte qui donne lieu à une collection de tenues aux broderies spectaculaires, rarement montrée. Les équipes du NMNM ont pris le parti aussi d’un parallèle avec le travail de Sonia Delaunay. Le dialogue entre les créations textiles des deux femmes – mais se sont-elles rencontrées? Mystère – est réjouissant. Une des salles les plus réussies de l’exposition.
L’atmosphère de La Pausa
Les tenues des années 20, en pleine avant-garde.Photo Jean-François Ottonello.
Cette folle Riviera des années 20, Gabrielle Chanel en fait son port d’attache, à La Pausa, la demeure qu’elle fait construire à Roquebrune. Photographiée au naturel avec des amis dans la maison, elle semble vivre ses plus belles années. La collection de robes de soirées qui accompagnent cette séquence donne une certaine idée de la qualité de son travail. La coiffeuse de sa chambre est exposée. Est-ce là qu’elle a imaginé son n°5?
L’exposition s’arrête à la fin des années 30. Pour ne pas noircir le portrait de la créatrice de ses errements collaborationnistes pendant la Seconde Guerre mondiale. Un regard sur la toile peinte par Kees Van Dongen en 1920 permet de l’évacuer. On la reconnaît, mains sur les hanches, chapeau enfoncé sur la tête. Tenue parfaite et regard espiègle, la Coco Chanel qu’on aime.
La coiffeuse de la villa La Pausa, achetée par une mécène du NMNM et exposée pour la première fois.Photo Jean-François Ottonello.La princesse de Hanovre et ses filles ont visité hier l’exposition qui ouvre au public ce jeudi et jusqu’au 5 octobre. Photo Axel Bastello/Palais princier.
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