Expo de l'été au Grimaldi Forum: Une immersion sensorielle et artistique dans les couleurs avec le Centre Pompidou

Avec "Couleurs!", l’exposition estivale de l’établissement du 8 juillet au 31 août, le public pourra apprécier des pièces maîtresses des collections du Centre Pompidou dans un voyage chromatique.

Article réservé aux abonnés
Propos recueillis par Cédric Verany Publié le 19/04/2025 à 09:52, mis à jour le 19/04/2025 à 10:01
La scénographie, signée William Chatelain sera toute en rondeur avec une couronne contenant en son cœur les sept salles chromatiques. Photo DR

Dans le monde de l’art français, il est un spécialiste respecté. Directeur adjoint du Musée national d’art-Centre Pompidou, Didier Ottinger est passé maître dans l’art du commissariat d’exposition organisé dans de prestigieuses institutions culturelles à travers le monde. Son travail l’a conduit déjà deux fois en Principauté. Récemment en 2023, pour assurer le commissariat de l’exposition consacrée à George Condo à la Villa Paloma. Mais aussi en 2012, au Grimaldi Forum, pour le projet Extra Large qui proposait déjà des pièces monumentales des collections du Centre Pompidou.

Cette fois, c’est par un autre prisme qu’il a pensé "Couleurs!". L’exposition estivale 2025 du Grimaldi Forum rassemblera une centaine de créations, chefs-d’œuvre du XXe siècle des collections de l’institution d’art moderne parisien qui ferme pour travaux. Ce sera probablement la première fois en 25 ans, que le Grimaldi Forum abritera pour l’été autant de toiles, sculptures et pièces de design signées de créateurs prestigieux : Dali, Bacon, Matisse, Picasso, Magritte, Warhol, Léger, Soutine, Klein, Modigliani.

Un casting impressionnant d’œuvres qui seront accrochées par gammes chromatiques. Une manière d’expliquer – ce sera le propos central de l’exposition – comment la couleur a pénétré l’art moderne et comment les artistes se la sont appropriée. Une entreprise riche et une expérience plurielle promise aux visiteurs du 8 juillet au 31 août, où tous les sens seront sollicités dans certaines salles avec des sons et des odeurs évoquant les sept couleurs du projet : le bleu, le rouge, le rose, le jaune, le blanc, le noir et le vert.

La scénographie elle aussi, promet de surprendre, avec une couronne centrale, immense structure ronde, construite dans l’espace Ravel contenant en son cœur les sept salles (une par couleur) où se plonger dans l’expérience chromatique.

Deux mois avant d’attaquer le montage, Didier Ottinger, commissaire de l’exposition, en explique donc les contours.

Ce sont les couleurs qui ont guidé la sélection des œuvres que vous emmenez en Principauté cet été ?
Le choix a été orienté, effectivement, par cette possibilité d'organiser l'exposition en fonction de chapitres colorés. Le paramètre couleur était déterminant dans cette sélection de chefs-d'œuvre des collections du Centre Pompidou. Les espaces auront la forme d’une très grande couronne où seront présentés des tableaux de grands artistes du XXe siècle. À l’intérieur de cette couronne seront créées des salles synesthésiques, dans lesquelles on fait sentir la couleur, on fait entendre la couleur. Il y aura sept chapitres, un par couleur. Et toute l'exposition est organisée en fonction d’un schéma de disques colorés. Au XVIIe siècle, dès l'instant où Newton théorise la couleur, il utilise un grand disque sur lequel il agence les différentes couleurs. Ça sera repris au XVIIIe siècle. Un autre disque fameux sera celui de Goethe, qui procède de la même façon. Et on retrouve dans toute l’histoire de la théorie physique de la couleur, des disques chromatiques. L'exposition s'inspire de ce schéma-là.

Didier Ottinger, commissaire de l’exposition. Photo Didier Plowy.

La valeur ajoutée sera, en plus des œuvres, la proposition d’un voyage sensoriel…
La première valeur ajoutée est d’abord que, bizarrement, une exposition qui traite de la couleur dans l’art moderne est assez rare. Cela a été ma grande surprise. Je pensais qu'il y avait eu cinquante expositions sur le thème, je n’en ai identifié que deux, c'est sidérant. Une en 1988 au Musée des Beaux-Arts de Lyon, l’autre en 2008 au MoMA de New York. Concernant le voyage sensoriel, le dispositif est une expérience totale qui offrira aux visiteurs quelque chose qu'ils n'ont pas l'habitude d'éprouver en ressentant et en entendant ces couleurs. Chaque salle monochromatique diffusera un son, conçu par des compositeurs de l’IRCAM, évoquant une couleur. Nous avons déjà fait, au Centre Pompidou, des blind-test avec nos agents en leur faisant entendre ces sons et en leur demandant quelle était la couleur associée. Et ça a marché ! C’est à peu près la même démarche qu’a suivie un nez, qui a fabriqué des parfums pour les sept couleurs. Ces sons et ces odeurs seront diffusés dans les salles, correspondant à chacune des couleurs, dans des dispositifs très sophistiqués, puisque le son doit être totalement enveloppant et le parfum doit être diffusé dans l'ensemble de l'espace.

Quelle est la finalité de l’expérience sensorielle ?
De rendre compte de différentes façons dont la couleur a été perçue au XXe siècle et comment les artistes, eux, ont utilisé la couleur. Et là, on pourra constater qu'effectivement, ils l'utilisent d'une certaine façon, arbitraire. En 1905, quand Matisse fait scandale en présentant un portrait de sa femme sur lequel il y a une grande marque verte, ça avait été très choquant. Et c'était peut-être l'amorce de ce qu'est l'usage moderne de la couleur, c'est-à-dire une couleur qui n'a pas de relation ni avec l'usage symbolique, ni avec la perception qu'on peut avoir de la réalité. La couleur a été relativement discréditée au XXe siècle. Ça paraît contre-intuitif et pourtant c'est le cas.

C’est un fait qui traverse toute l’histoire de l’Art ?
C’est un débat qui traverse toute la société ! La couleur est toujours suspecte, elle l'était déjà au XVIIe siècle, car elle est par définition instable, subjective. C'était la fameuse querelle au sein de l'Académie royale qui opposait les Rubénistes et les Poussinistes. Les coloristes se réclamant de Rubens étaient dans une sorte d'effusion sensuelle, là où les Poussinistes étaient dans une forme de raison. Et cette suspicion-là, elle a couru jusqu'au XXe siècle. La raison pour laquelle la couleur a été en particulier relativement minorée au XXe siècle, est qu'elle était qualifiée de décoratif. Et le décoratif, évidemment, c'était l'argument le plus rédhibitoire pour condamner un artiste moderne. Une vraie bonne peinture ne devait pas être décorative. C'est la raison pour laquelle Matisse a eu quand même pas mal de difficultés à s'imposer dans ce paysage-là. L'antithèse de Matisse, c'est la lignée qui s'enracine dans ce moment avec la naissance du Cubisme. Or, le Cubisme, les tableaux sont gris. Et c'est amusant parce que dès cette amorce de la modernité, que ce soit avec le Cubisme ou le Fauvisme, on retrouve d'une certaine façon le débat qui était celui du XVIIe siècle. Le Cubisme est intellectuel, et les Fauves des êtres qui sont dans l’effusion, dans le lyrisme.

Le design aura aussi une place de choix dans l’exposition…
Oui, nous présenterons une représentation très significative des collections design du Centre Pompidou. Il y a pratiquement autant voire plus d'œuvres de la collection design qui sont celles des grands designers contemporains. C'est aussi ça, la spécificité du Centre Pompidou, qui est à la fois une collection d'art, une collection de design, d'architecture, de cinéma. Donc, dans les expositions qu'on peut projeter hors les murs, on garde, cette culture maison qui est celle du croisement entre les disciplines. Ça fait partie de notre histoire.

Le projet "Couleurs!" construit pour Monaco a-t-il vocation d’être montré ailleurs dans le monde ?
Nous aurions bien aimé le faire voyager, mais c'est très compliqué. Pendant la période de travaux du Centre Pompidou, les collections sont très sollicitées. On organise des expositions un peu partout dans le monde et c'est difficile de garder un corpus. Les Matisse, les Miro, les Dali, les Malevich sont tout le temps demandés. C'est dommage parce que, c'est vrai, c'est une exposition qui aurait pu circuler.

Des chefs-d’œuvre et des installations ludiques, il faut selon vous aujourd’hui que les expositions, pour attirer le public, proposent ce côté grand spectacle ?
Ce qui me préoccupe, y compris au Centre Pompidou, c’est d’être capable idéalement – on ne réussit pas à tous les coups – de proposer des expositions qui soient lisibles à plusieurs niveaux. Un niveau immédiat, ludique si on veut. On va sentir le bleu, on va voir un environnement bleu. Tout ça, on le comprend très facilement. Mais en même temps, l'exposition renvoie à une théorie de l'art, à des expositions passées. Nous voulons une exposition accessible au plus grand nombre et toutes les installations prévues font partie de l’expérience de la couleur, du monochrome que nous voulons proposer.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.