"Derrière chaque histoire de ce livre, il y a une femme qui est menacée": Sarah Barukh présente son roman "De bleu, de blanc, de rouge et d’étoiles"

La romancière engagée Sarah Barukh nous livre avec "De bleu de blanc, de rouge et d’étoiles" un roman choral, qui bouscule nos croyances. Intense et nécessaire.

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Laurence Lucchesi Publié le 18/04/2025 à 15:30, mis à jour le 18/04/2025 à 15:30
De bleu de blanc, de rouge et d’étoiles est un livre brûlant d’actualité, inspiré par des proches de l’autrice, des rencontres ou des témoignages. Photo Julien Pelgrand

Lorsque survient la tuerie de Charlie hebdo, Jeanne, jeune femme juive, française, éprouve une peur irrépressible. Mais les manifestations qui s’ensuivent et ce souffle d’unité qui parcourt son pays suscitent aussi un immense espoir: et si le temps était venu d’en finir avec la haine et la division? Au destin de Jeanne se mêlent peu à peu d’autres vies, d’autres personnages, très différents et, pourtant, frappés par les mêmes guerres fratricides, sur fond d’obscurantisme et de déni d’humanité. De bleu de blanc, de rouge et d’étoiles est un livre brûlant d’actualité, inspiré par des proches de l’autrice, des rencontres ou des témoignages. Un roman où les émotions affleurent à chaque ligne.

Dualité de sentiments

"Ce livre, j’en ai eu l’idée lors de la grande marche républicaine qui a fait suite aux attentats de Charlie Hebdo, de L’Hyper Cacher et de Montrouge, nous a confié au téléphone l’autrice qui possède des attaches familiales à Nice. Comme beaucoup de Français juifs à ce moment-là, j’ai été habitée d’un double sentiment. Je me reconnaissais dans Charlie, dans la défense de la liberté d’expression, la liberté de la presse, la laïcité. Mais j’ai ressenti aussi un sentiment de solitude exacerbé par la mixité des personnes autour de moi. Car trois ans plus tôt, lorsqu’il y avait eu la tuerie à l’école juive Ozar Hatorah, avec cette petite fille tuée par Mohamed Merah, et avant cela encore l’affaire Ilan Halimi, personne n’était descendu dans la rue." D’où le titre de ce roman: "En déambulant parmi la foule, j’ai pensé, ils portent des drapeaux bleu, blanc, rouge, pour incarner ces valeurs menacées. Et ils ne se rendent pas compte qu’ils sont peut-être en train de brandir l’exact contraire de ce qu’ils dénoncent. Qui sait si ce petit objet n’incarne pas la maltraitance des humains, en ayant été fabriqué dans un pays où on exploite des gens."

La symbolique des étoiles

C’est à partir de ce postulat que l’autrice d’Envole-moi (2020, Albin Michel) a laissé courir sa plume: "J’ai imaginé le voyage de ce drapeau, depuis l’endroit où il a été produit jusqu’à cette petite fille qui le ramasse par terre. La fille de Jeanne, une juive laïque en couple avec un musulman laïque qui a cru échapper quelques années plus tôt à la menace islamiste en partant d’Israël et qui se reprend tout ça en pleine figure au moment des attentats de Charlie." Et de marteler : "Je voulais chercher à mettre en opposition les symboles qui tuent finalement, qu’il s’agisse des religions, des drapeaux, des nations, avec encore une fois ce que ça représente. Tout le livre, jusqu’au titre, m’a été inspiré par cette phrase de Robert Badinter: ‘‘Pour comprendre l’histoire, il faut traduire les faits en vérités humaines’’. Quant aux étoiles, ce sont les morts, mais c’est aussi ce qui nous lie, puisque nous sommes tous des poussières d’étoiles. Elles symbolisent également les trois grandes religions monothéistes, l’étoile juive, l’étoile auprès du croissant des musulmans, et puis l’étoile du berger que suivent les chrétiens. J’ai trouvé cela intéressant de les lier dans un titre qui, j’espérais, serait un peu poétique."

Invisibilisées et menacées

Quant à la couverture du livre, où le visage de celle qui a initié l’ouvrage collectif 125 et des milliers (1) apparaît effacé, elle est également riche de sens: "Le dénominateur commun à tous les systèmes d’oppression, c’est qu’ils touchent en priorité et en masse les femmes, qui sont systématiquement invisibilisées, menacées dans leur corps, dans leur capacité d’émancipation. Et derrière chaque histoire de ce livre, il y a une femme qui est menacée. Qu’il s’agisse de Jin qui a fui la Chine et qui espère, en acceptant des cargaisons pas tout à fait cachères, gagner assez d’argent pour faire venir ses parents et, surtout, la dépouille de sa petite sœur, victime de la politique de l’enfant unique. C’est l’histoire aussi d’Isaias qui erre, totalement perdu, parce qu’il est sans sa mère. Car elle était trop âgée pour prendre les risques que lui a pris, et qui avait peur aussi de s’exposer à la culture patriarcale de tant de pays africains. Avec Rima, on découvre ce que vivent bien des femmes au Pakistan..."

Destins liés

Si tous les personnages de ce récit sont en apparence très différents, leurs destins sont pourtant liés: "Ils cherchent tous la réponse au ‘‘qu’est-ce que je fous là? Sur qui puis-je m’appuyer? Qui est véritablement l’ennemi de cette humanité?’’ La conclusion de tout cela, c’est cette simple requête de ma part: que l’on soit capable de considérer le corps d’un autre, sa présence, sa vie. Même si on n’est pas d’accord."

1. Publié en 2023, 125 et des milliers: 125 personnalités racontent 125 victimes de féminicides (éd. Harper Collins) est un ouvrage collectif au grand retentissement médiatique, qui a donné lieu à la création de l’association 125 et au documentaire Vivante(s).

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