Cuisines du monde ou recettes locales... Emmaüs Roya lance son "Resto paysan" ce samedi

Une fois passé le portillon vernis, des marches confortables, presque des gradins, mènent à une belle terrasse en partie ombragée par une treille nouvelle. Ce vaste espace extérieur donne sur un jardin verdoyant où une bénévole, aidée par les enfants de la communauté, a créé un potager à visée pédagogique. 100 variétés plantées, dûment estampillées sont à découvrir.

La terrasse peut accueillir jusqu’à 40 couverts, "mais on n’en est pas encore là, explique Marion Gachet-Dieuzeide, cofondatrice et coresponsable avec Cédric Herrou de la communauté Emmaüs Roya. Il va falloir roder l’outil de travail et les recettes. Ce n’est pas pour rien que la plupart des restaurants utilisent les surgelés car les process sont plus faciles! Notre carte va évoluer en fonction de nos productions saisonnières et des produits achetés aux paysans de la vallée. Les gens s’attendent à avoir une cuisine multiculturelle, on aura donc des plats type yassa, maffé, couscous. Puis des recettes locales, ratatouilles, pissaladières, tartines, planches gourmandes, plats du jour qui s’élaboreront en fonction de la production de nos légumes. Une cuisine résolument méditerranéenne et paysanne avec notre huile d’olive. Une cuisine simple, comme chez Mémé, mais en mieux!"

"On a besoin de se rencontrer pour se comprendre"

Sur cet ancien moulin à huile de 1892 se sont rajoutés au fil du temps de nombreux étages qui donnent à la bâtisse une allure un peu bourgeoise. Le jardin, la rivière, le chant des oiseaux complètent ce havre de paix aujourd’hui plutôt industrieux… les compagnons butinent pour le grand jour. Pour Marion, le restaurant est un symbole de résilience face à la catastrophe Alex qui a littéralement fracassé la vallée et un aboutissement de leurs activités agricoles qui vient, pour ainsi dire, parachever l’édifice.

Depuis l’origine, l’accueil inconditionnel est le cœur de la communauté Emmaüs Roya et le projet de restaurant est là depuis le début. "En 2019, quand on était à la ferme, on se disait qu’il fallait absolument être au village pour s’ouvrir aux gens. On pensait déjà à un lieu sans bien savoir si ce serait un restaurant, une cantine… Mais on voulait nouer des liens avec les habitants qui ne voyaient de nous que ce que les médias ou les émissions TV leur montrait. On n’est pas une communauté hippy qui a choisi de vivre dans la montagne. Les gens qui sont là n’ont pas choisi d’être là. Ces personnes ont toutes un parcours de vie chaotique. Pour combattre les préjugés et les idées reçues, il faut pouvoir se connaître et se rencontrer. Le but du restaurant associatif c’est de créer un espace ouvert au public, un lieu d’échange entre les compagnons, les locaux et les gens de passage. Ce n’est pas un lieu de consommation à proprement parler mais plutôt un endroit où on pourra venir, avec une adhésion de 2 euros, prendre un café, déjeuner sous la tonnelle ou tout simplement donner un coup de main si le cœur vous dit."

De la graine à la plante, un pari un peu fou

Pour ces pionniers idéalistes, semeurs de solidarité, la graine serait-elle en train d’éclore? Car vivre de l’agriculture sur un territoire aussi difficile que la Roya n’était pas gagné d’avance. Pourtant, 4 ans plus tard, ils sont en passe de réussir leur pari en étant la première communauté agricole Emmaüs à vivre de son agriculture.

"On produit notre agriculture biologique, on vit de ça sans subvention publique, on cherche l’autonomie. Mais on n’y est pas encore tout à fait car on a beaucoup de charges de fonctionnement, beaucoup plus que dans un bric-à-brac(*). On doit acheter les plantes, le matériel, le terreau, la paille… c’est un défi sur un territoire aussi tourmenté que cette montagne! On a 1ha de maraîchage diversifié, 900 poules pondeuses bio, 700 oliviers et maintenant le restaurant associatif", ponctue fièrement Marion, qui vise à atteindre l’équilibre financier avec l’activité restauration. "C’est un peu un projet fou de créer un restaurant alors qu’on n’est pas restaurateur. On s’invente des capacités", rajoute Cédric Herrou. Pour professionnaliser le restaurant, une cuisinière salariée a été engagée pour la saison. Intéressée par l’aspect social et associatif, Salomé a rejoint la communauté il y a un mois pour parfaire les process en cuisine.

Côté vieilles pierres, côté donation

Trois ans de travaux et un investissement de 350.000 euros ont été nécessaires pour faire aboutir le projet. Structurellement, il a fallu consolider les canaux qui alimentaient en eau le moulin, et remettre aux normes contraignantes de la restauration cet espace autrefois dédié au pressage dont on a conservé les anciennes meules.

"On a fait travailler des entreprises locales mais tout le petit œuvre on l’a fait nous-même. Ce qui est très beau c’est qu’on est toujours en train d’apprendre ou d’expérimenter quelque chose de nouveau. Avec les compagnons, on a fait toute l’autoconstruction, les enduits, les meubles en bois, les coussins, les tables du restaurant. On est tous montés en compétence!", sourit Marion.

L’équilibre n’est cependant pas atteint pour la communauté Emmaüs Roya qui a besoin de faire appel aux dons privés pour financer les investissements importants tels que l’achat de la maison, l’achat de matériel agricole et bien sûr les travaux du restaurant rendus possibles grâce aux dons de particuliers ou des Fonds de dotation de fondations.

On pourra donc venir déjeuner au bord de l’eau à Breil-sur-Roya au Resto Paysan Emmaüs qui est ouvert tous les midis, du mardi au samedi, ainsi que le samedi soir jusqu’à fin octobre. Des événements culturels et artistiques sont en cours de programmation… mais pour l’heure il s’agit de réussir le coup d’envoi avec tous les compagnons sur le pont ce soir pour l’inauguration!

* – le bric-à brac est l’activité fondatrice du chiffonnier Emmaüs.

Le Resto Paysan, réservations au 06.18.11.14.34.401, promenade Georges-Clémenceau 06540 Breil-sur-Roya