Festival de Cannes: le "patriarche" Nicolas Seydoux publie ses mémoires, nous l'avons rencontré

L’ancien président de Gaumont, 84 ans, publie ses mémoires, "Le cinéma, 50 ans de passion". À Cannes, il présente "John Got His Gun", film anti-militariste restauré, et nous reçoit pour évoquer les combats actuels du 7e art.

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Alexandre Carini acarini@nicematin.fr Publié le 18/05/2024 à 09:45, mis à jour le 18/05/2024 à 09:45
interview
Photo Sébastien Botella

Chaque soir sur le tapis rouge, il vole parfois la vedette aux stars de la Croisette. La faute (ou grâce) à cette cape rose parsemée de marguerites, que Nicolas Seydoux endosse au-dessus du smoking. Un étendard symbole de Gaumont, la plus vieille société de cinéma en France, dont il fut P.-D.G. de 1974 à 2004.

"En réalité, c’est mon épouse qui a acheté cette cape pour le Festival, mais je lorgnais tellement dessus, qu’avec son autorisation, c’est moi qui la porte!" s’amuse-t-il, lui qui n’est pas de nature à faire le show. Pour le caméo hitchcockien, ne comptez pas sur lui. "Je ne suis jamais apparu dans l’un des films Gaumont, et mon nom n’est jamais apparu dans aucun générique."

Au cinquième étage d’un immeuble où la célèbre firme à la marguerite a installé son QG cannois, "le patriarche" contemple le Palais, comme on revoit un vieil ami. Pour Cannes Classics, Nicolas Seydoux a présenté la version remastérisée de John Got His Gun, plaidoyer vibrant contre l’absurdité de la guerre, Grand prix spécial du jury en 1971. Pas d’autres films Gaumont en sélection pour cette 77e édition, mais l’on n’a pas toujours La Passion de Dodin Bouffant en rayon.

"Gaumont ne fait pas des films pour les festivals, mais investit dans les films dans lesquels elle croit. L’an dernier, nous avions trois films sélectionnés, et Le Grand Bleu, Don Giovanni ou Illusions perdues, notamment ont une histoire avec Cannes", assure celui qui a passé la main à sa fille Sidonie, tout en restant directeur du conseil de surveillance.

Sa passion du cinéma, comme tout un chacun, est née des émotions procurées par le 7e art. Mais, pour lui, ce fut d’abord la peur!

"Ma grand-mère m’avait amené, avec mon frère et ma sœur à la gare Saint-Lazare afin d’y retrouver nos parents, mais leur train avait du retard. Nous sommes donc allés au cinéma voir La Belle et la Bête de Jean Cocteau. J’avais 7 ans, et j’étais terrorisé car j’ai tout pris au premier degré!" Ironie de l’histoire, c’est sa célèbre nièce, Léa Seydoux, qui a repris (fort justement) le rôle de la Belle face à Vincent Cassel, dans la version de Christophe Gans en 2014.

"Je ne peux être que fier d’avoir une nièce qui fait une telle carrière, qui a percé si vite sans rien devoir à son oncle ou grand-père." À la tête de Gaumont, Nicolas Seydoux s’était fixé deux lignes de conduite, qui restent valables à ses yeux.

"Avoir les meilleures salles de cinéma"

"D’abord avoir les meilleures salles de cinéma possibles, car il est évident, hier, aujourd’hui et encore plus demain, que pour le spectateur, ce doit être mieux de voir un film au cinéma plutôt que sur une plateforme, il doit y avoir une raison de payer sa place, estime-t-il. Ensuite, même si l’on ne peut pas être sur tous les créneaux, il faut diversifier son catalogue."

"À mon arrivée, Gaumont avait une présence majeure dans la comédie française de qualité, notamment grâce à Alain Poiré (Les Visiteurs), mais c’était trop restreint à mon goût. Cela dit, aujourd’hui, il est difficile de trouver une comédie populaire de bon aloi car ce n’est pas ce qui plaît aux critiques."

Une double stratégie suffisante pour garder foi en l’avenir du cinéma? Le voilà qui touche le bois de sa table basse.

"En cet instant, oui. Mais ceux qui œuvrent dans le cinéma doivent comprendre que, pour exister, un film doit garder l’exclusivité dans les salles sur une certaine durée. S’il est diffusé partout en même temps, ça n’en vaut plus la peine. Et je regrette à cet égard que les Oscars ou Venise priment des films qui ne sortent pas en salles. Une chose est sûre, pour rester vivant, le cinéma ne doit pas se croire immortel."

Faut-il s’inquiéter (ou se réjouir), également, des rumeurs et révélations qui bousculent le milieu du cinéma, dans le sillage de #Metoo?

"C’est un problème qui touche toutes les sociétés, le sport, la médecine, l’éducation nationale... On en parle beaucoup à Cannes, mais le cinéma, reflet d’une société dévoyée, est le seul secteur qui a pris des mesures dès 2017."

On l’interroge alors forcément sur Gérard Depardieu ou Alain Sarde, pris dans la tourmente des accusations alors qu’ils sont avantageusement cités dans son livre.

"Toute personne peut être condamnable, mais il appartient aux seuls tribunaux d’en juger, pas à la vox populi. Si Gérard est coupable, il sera condamné, probablement plus sévèrement qu’un autre…"

>> Le Cinéma, 50 ans de passion, de Nicolas Seydoux. Editions Gallimard). 27 euros.

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