"Oser et servir." Telle est leur devise. Sur le tourniquet le plus mythique de la Formule 1, aux yeux de la planète entière, les commissaires de piste sont aussi visibles que les vingt pilotes qui ferraillent sur le bitume, pour se frayer un chemin vers la victoire suprême.
Derrière les rails ceinturant le tracé princier, ils sont 572 hommes et femmes, bénévoles de l’Automobile Club de Monaco, à servir l’image de marque de la Principauté. Un corps d’élite, n’ayons pas peur des mots, reconnu dans le monde entier.
L’excellence se cultive, notamment grâce à une formation exigeante chaque année.
"On est fier de cette image, salue Jean-Michel Matas, commissaire général adjoint à l’ACM, en charge de ce corps. Pour nous, cela implique des obligations de sérieux et de réussite. Avec deux maîtres-mots: réactivité et sécurité. Pour nos hommes mais aussi pour les pilotes. En règle générale, d’année en année, les commissaires ne changent pas de poste. C’est l’une des spécificités de Monaco. Avec la connaissance de leur zone, du terrain, ils sont capables d’anticiper un accident."
En 1972, à sa prise de fonctions à la tête de l’ACM, Michel Boeri avait acté la création de ce corps très structuré. Lui qui, en 1967, avait été témoin direct, en tant que commissaire de piste, du tragique accident de Lorenzo Bandini. De décennie en décennie, les équipements de ces anges gardiens de l’asphalte n’ont cessé d’évoluer. Pour mieux servir.
Ce jeudi, ils sont intervenus 18 fois pour 5 drapeaux rouges.
Des casques dès 2002
Grand Prix de Monaco, 2001. Quand on replonge dans les archives de la course automobile, les commissaires de piste apparaissent en bord de piste vêtus d’une simple casquette blanche et verte.
"Cette année-là, on a eu un accident et un morceau de jante a volé, est passé au travers du grillage et a fini sa course sur une casquette qui s’est déchirée, raconte Jean-Michel Matas, commissaire général adjoint à l’ACM, en charge du corps des commissaires, en montrant les dommages sur l’objet, gardé en souvenir. On a montré ça au président Boeri. Il nous a dit ‘‘ Je ne veux plus voir ça, je ne veux pas que quelqu’un soit défiguré’’. L’année d’après, on passait aux casques."
Des accessoires dotés d’une visière d’un centimètre. "Ils sont utilisés pour du maintien de l’ordre et résistent à un morceau de jante ou autre. Si les pilotes touchent un rail, la pièce de voiture part comme une balle…" Les commissaires sont aussi équipés de surgants à risque électrique pour les protéger jusqu’à 7.500 volts. "Le risque n’est pas uniquement pour le E-Prix. Les F1 ont aussi des batteries."
Des règles d'or avant de se projeter sur la piste
La projection d’un commissaire sur le circuit, en cas d’incident sur l’asphalte ou d’une monoplace accidentée, est soumise à de stricts protocoles. A une hiérarchie quasi militaire.
"Uniquement sur l’ordre du chef de poste, en accord avec la direction de course, martèle Jean-Michel Matas. C’est lui qui analyse la situation et agit en conséquence. L’idée n’est pas de créer un suraccident, si un concurrent arrive derrière."
D’où l’importance des signaleurs brandissant les drapeaux puisque les pilotes évoluent souvent à l’aveugle. Le rouge signifiant, par exemple, l’arrêt immédiat des essais ou de la course.
D’autres règles d’or sont à respecter et rabâchées en formation, même aux plus expérimentés. "Ne jamais tourner le dos à une voiture, ne jamais mettre les mains ou les pieds sur un rail. Pareil pour les objets, comme un extincteur. Si une voiture tape un rail, celui-ci devient un projectile et peut casser les deux jambes. On a calculé qu’à l’impact, le rail peut avoir un fléchissement de trente centimètres."
La formation source d'excellence
Chaque année, le corps des commissaires "passe au recyclage", selon les mots de Jean-Michel Matas.
Une revue de l’état physique des troupes et une révision des acquis uniques dans le microcosme de la Formule 1. C’est, entre autres, cela qui a forgé la solide réputation de l’ACM sur la scène internationale.
"La formation, c’est notre force. Pour être sur le circuit, c’est obligatoire. Tout le monde est noté, y compris ceux qui ont des décennies d’expérience, y compris les chefs de poste et leurs adjoints."
Sur deux jours, les ateliers sont multiples: le parcours de la gazelle, la signalétique, le passage d’un rail, le grutage et la manipulation d’une monoplace sur un cric. Mais aussi le retournement du bolide.
"Il y a trois ans, une voiture s’était retournée avec un pilote dedans. Il faut la manipuler avec précaution."
Un atelier "incendie" avec une monoplace en feu fait aussi partie de la formation, ainsi que des séances vidéo. "On leur montre leurs interventions sur des accidents de l’année précédente pour qu’ils puissent eux-mêmes apporter des corrections et critiques."
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