"Le Malizia a été solidement construit pour le Vendée Globe": entretien avec le skipper Boris Herrmann à Monaco

Récents 3e de la course autour du monde The Ocean Race, Boris Herrmann et l’équipage du Malizia-Seaexplorer sont en Principauté.

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Thibaut Parat Publié le 06/07/2023 à 10:37, mis à jour le 06/07/2023 à 10:37
Devant le Yacht-club, le skipper allemand Boris Herrmann pose à l’avant du Malizia-Seaexplorer. Photo Sébastien Botella; Antoine Auriol/Team Malizia et Michaël Alési/Palais princier

Après six mois à ferrailler contre les éléments autour de la planète, l’occasion d’amarrer en Principauté était trop belle. Quelques jours après l’arrivée de The Ocean Race à Gênes - qu’ils ont bouclée à la troisième place avec deux étapes remportées sur sept - Boris Herrmann et le Team Malizia ont mis pied à terre sur le quai Louis-II au port Hercule.

Une venue inédite, dans le cadre de l’Energy Boat Challenge, pour la troisième mouture du Malizia-Seaexplorer, ce 60 pieds du Yacht-club de Monaco. Le navire battant pavillon monégasque a répondu à toutes les attentes en vue du prochain Vendée Globe.

Entretien avec le skipper allemand, Boris Herrmann.

Deux victoires d’étape, des records, une 3e place finale... Ce navire est bien né?
Il répond aux objectifs fixés après le dernier Vendée Globe durant lequel on a tous rencontré des problèmes. En mer agitée et avec vent fort, il enfournait ce qui le rendait dangereux. Cette nouvelle version ne le fait plus, ce qui la rend beaucoup plus contrôlable. Dans les mers du Sud, on a vu que nos concurrents galéraient. Impossible d’imaginer le Vendée Globe sur l’un de leurs bateaux. Ils vont un poil plus vite dans certaines fenêtres, certes, mais ils ne sont pas marins.

La coque en forme de banane est donc définitivement validée?
Oui! Le bateau a été solidement construit. Il est le seul qui a fini toutes les étapes de l’Ocean Race. J’en suis très heureux.

Sportivement, ça n’a pas été de tous repos avec des blessures et avaries (lire ci-dessous) mais l’équipe a su se montrer résiliente.
Depuis la mise à l’eau du bateau, on a navigué 50.000 milles nautiques et mes équipiers ont été impliqués dès la construction du bateau. On a grandi ensemble. Malgré les pépins rencontrés, je sentais vraiment que le Team pouvait y répondre et maintenir le cap.

Quel bilan tirez-vous de ces six mois de l’Ocean Race?
Je suis satisfait de cette aventure. Le résultat (3e) est correct mais ce n’était pas notre unique objectif. On voulait nourrir notre cabane scientifique, le projet éducatif, partager l’aventure avec le grand public et animer nos partenaires. On a promu nos actions pour protéger le climat avec des conférences à chaque escale.

Un moment fort à retenir?
C’est une réponse facile mais je dirai le Cap Horn. C’est le moment symbolique d’un tour du monde, le sommet de la montagne. Dès qu’on le franchit, les températures remontent, on s’abrite derrière l’Amérique du Sud et on met le cap vers la maison : l’Europe. Pendant le Vendée Globe, je n’avais pas pu le voir. Et puis, il y a toutes ces émotions, rencontres, cette réparation du mât et la victoire d’étape qui s’ensuit.

Vos bonnes sensations sur ce navire réévaluent-elles vos objectifs pour le Vendée Globe 2024 [5e en 2021]?
C’était déjà le cas mais je suis encore plus confiant. Cette campagne est un vrai pas en avant. On a imaginé et construit un bateau spécialement pour le Vendée Globe et on l’a validé lors de l’Ocean Race qui fut une énorme boucle d’entraînement pour moi.
On devrait être dans de très bonnes conditions pour faire une jolie épreuve.

Et viser la victoire?
Si on dit qu’on vise la gagne, c’est qu’on n’a rien appris du dernier Vendée Globe. Cela dévaloriserait cette course qui est la plus difficile au monde. C’est plus qu’une course, c’est une aventure. Tout dépend de la mer, si elle te laisse passer ou non. Comme l’Everest, il faut avoir beaucoup de respect pour elle. Autour de nous, il y aura quinze bateaux neufs ce qui promet une belle bataille. Une 15e place serait un très bon résultat sportif. S’il y a du vent fort et des vagues dans les mers du Sud, pendant une longue durée, alors on aura une bonne chance de prendre la tête. Mais rien n’est assuré.

Il reste 16 mois avant le Vendée Globe. Quelle sera votre préparation?
La plus intensive était l’Ocean Race. Après ça, je pourrais prendre un an et demi de vacances [rires], mais on a quatre transatlantiques prévues : la Jacques-Vabre, avec le retour à la base, et un aller-retour à New York. Certains des autres membres prendront la barre de temps en temps.

Paraît-il qu’aucune dispute n’a éclaté sur le bateau en six mois. Comment créer cette osmose?
Pour avoir une bonne entente, on a cherché des équipiers qui ont une vision sur le long terme pour faire grandir le Team Malizia, et pas seulement une envie de performer à un instant T. Cela veut dire s’impliquer dans le projet de A à Z: discussions sur le design, construction du bateau, organisation de l’équipe, vie en Bretagne, protection de l’environnement.

Assurer l’avenir, en somme?
Exactement. C’est important d’être fiable, de finir des courses, de ne pas vivre des drames. La sécurité est la priorité. C’est ce qui nous a amenés à ce choix osé avec un bateau différent des autres. On réfléchit déjà sur une nouvelle version. Un an pour dessiner le navire était trop court. Il faut au moins deux ans. C’est ce qu’ont fait certains qui ont fait l’impasse sur The Ocean Race.

Avez-vous eu des retours sur les données récoltées par votre labo scientifique?
Pas encore, cela prend des années. Les fluctuations dans les océans sont longues et complexes. On a toutefois constaté des niveaux de CO2 beaucoup plus élevés lors de The Ocean Race que lors du Vendée Globe. Je suis curieux de comprendre cette différence. J’espère qu’il n’y aura pas de mauvaise nouvelle.

Leurs 4 temps forts durant The Ocean Race

Les six mois de The Ocean Race n’ont guère été un long fleuve tranquille pour le Team Malizia. La preuve en quatre actes.

Avant la course 

A son arrivée à Alicante le 12 décembre, peu après la route du Rhum, l’équipage opère une « révision » du navire en vue de The Ocean Race, prévue un mois plus tard. Lors d’une inspection par ultrasons, le Team constate que les foils du bateau sont endommagés. C’est alors une course contre la montre pour les remplacer et s’aligner au départ de la course.

Étape 1

Peu avant l’arrivée au Cap Vert, Boris Herrmann se brûle gravement avec de l’eau bouillante utilisée pour la nourriture lyophilisée. Le médecin officiel de l’équipe lui conseille de ne pas prendre part à la deuxième étape en raison d’un risque considérable d’infection en mer. C’est Will Harris, le co-skipper, qui prendra la barre provisoirement.

Étape 3

 Près du Cap Horn, où les conditions météorologiques sont réputées houleuses, Rosalin Kuiper est éjectée de sa couchette dans son sommeil. Blessée au-dessus du sourcil droit, elle est en réalité victime d’une commotion cérébrale. Son état étant stable, ses camarades veillent sur elle. Une étape remportée contre toute attente alors que le Malizia SeaExplorer accusait un important retard après plusieurs avaries, dont une importante fissure en haut du mât. Des réparations de haut vol avaient été pratiquées dans des conditions épouvantables pour, ensuite, partir en chasse du peloton de tête.

Étape 7 

L’équipe termine en beauté en décrochant la victoire sur l’ultime étape, entre La Haye et Gênes, grâce à une manœuvre tactique en toute fin de course. Décision fut prise de s’éloigner du peloton et de se rapprocher des côtes pour attraper de la brise de terre puis un effet de brise de mer.

Rosalin Kuiper après sa blessure. Photo Sébastien Botella; Antoine Auriol/Team Malizia et Michaël Alési/Palais princier.

Deux trophées

40e Rugissants

Lors de l’étape 3, la plus longue de l’histoire de The Ocean Race, Boris Herrmann et ses équipiers raflent le trophée des 40e Rugissants qui récompense le passage le plus rapide entre le Cap de Bonne-Espérance, en Afrique, et le Cap Horn à la pointe de l’Amérique du Sud. Une distance avalée en 27 jours, 17h et 31 min.

Record de vitesse sur 24h

Lors de l’étape 5, le Team Malizia a battu un nouveau record du monde en monocoque en parcourant 641,13 milles nautiques en 24h. Soit une moyenne de 26,71 nœuds (50 km/h) sur ce laps de temps.

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