La différence est subtile. C’est ce que note David, gérant du Carrefour Express de Tende, depuis la réouverture du tunnel.
"On a un petit peu plus de clientèle, mais ça ne change pas nos journées. Les voitures passent beaucoup, mais s’arrêtent peu. C’était déjà comme ça avant [la tempête] Alex."
Pour autant, David ne cède pas au pessimisme radical de certains. "Un peu plus d’activités, ça reste positif pour le village et la vallée. Et j’imagine que ça va apporter aux activités touristiques aussi. Sans compter que c’est désormais plus pratique de se rendre en Italie. Ça permet à tout le monde de voir autre chose. C’est bête de dire que c’était mieux avant. Malgré certains problèmes de circulation, tout le monde est gagnant!"
"Beaucoup de gens vont faire leurs courses en Italie"
Chez le bazar Da Bruna, le premier bilan est moins positif. "Les gens qui s’arrêtent chez nous sont très peu nombreux. Mais en comparaison avec l’année dernière, beaucoup de gens vont faire leurs courses en Italie. On a plutôt tendance à perdre des clients qu’à en gagner. Mais ça n’est pas une surprise", expose Clotilde.
Le magasin n’a accueilli que trois clients le matin, contre une quinzaine habituellement au mois de juillet. "Mais les Italiens ont peut-être envie d’aller à la plage, et après l’été, ils s’arrêteront davantage."
Ce que redoute le plus la quadragénaire c’est la remise en cause de l’interdiction de passage des camions au-delà de 19 tonnes. "La pression va aller dans ce sens, avec la cimenterie côté italien et l’élargissement des routes à certains endroits."
20% de clientèle en plus aux Sorcières
Julie Lanteri, gérante du bar-boutique Les Sorcières, estime que sa clientèle a augmenté d’environ 20%: "Beaucoup d’Italiens et quelques touristes s’ajoutent désormais à ma clientèle d’habitués."
Ce qui ne l’empêche pas d’être gênée par les problèmes de circulation. Elle espère que cela s’améliorera lorsque le tunnel sera ouvert à 100%, sans alternat. "Mais on ne peut pas tout avoir. On est quand même bien contents qu’il soit ouvert. Ça fait revivre!"
Du côté de la boulangerie des Merveilles, la patronne estime qu’elle a gagné pas moins de 30% de clients. Et la boucherie de Tende affirme bénéficier "d’un peu plus de monde pour le moment".
À Fontan, le café et restaurant L’Étape travaille ni plus ni moins que l’année dernière.
Le Merenda, à Tende, travaille "très très bien" cette saison, mais ce depuis le 1er juin, soit bien avant l’ouverture du tunnel. Le patron de l’établissement, Luc Fioretti, estime bénéficier de la superbe météo, plus que du passage des automobilistes.
"On désenclave le Piémont, mais la plupart des Italiens ne font que passer. Ça fait longtemps qu’ils ne font plus vivre la Roya. Le gazoil et l’alcool sont plus chers ici que chez eux, il n’y a pas de pharmacie, il y a plus de boulangeries à Cuneo qu’à Tende…", énumère-t-il.
"On en reparlera en septembre"
Pour le restaurateur, ceux qui affirment que l’ouverture du tunnel fait revivre la vallée changeront peut-être d’avis. "Là c’est l’été, il fait beau, mais on en reparlera en septembre."
Il considère que les centaines de millions d’euros dépensés pour le tunnel auraient dû être investis pour le Train des Merveilles. Et le gérant du Merenda de conclure, non sans irone: "Mais on est à nouveau une vallée internationale…"
Enthousiasme à Tende, prudence à Fontan
"Le village revit, c’est certain. " Jean-Pierre Vassallo, maire de Tende, en est convaincu. "Si un restaurant est victime d’une panne de gaz, en une heure une entreprise débarque de Cuneo. Avant, il fallait appeler Nice et attendre trois jours. Et les éleveurs disposent désormais d’un abattoir facilement accessible. Sans parler du retour des touristes autrichiens, suisses, allemands… ça crée une animation vitale au village!"
Lorsqu’on lui dit que la très grande majorité des voitures ne s’arrêtent pas, Jean-Pierre Vassallo rétorque: "Évidemment qu’ils n’ont pas tous l’obligation de s’arrêter. La Roya est un cordon ombilical entre la Ligurie, la Côte d’Azur et Monaco. C’était aussi comme ça avant [la tempête] Alex. Il ne faut pas rêver!"
Élargissement des trottoirs et création de places de stationnement
Concernant les problèmes de circulation, le maire réfute tout danger. "Il y a des passages cloutés. Et le cœur du village, c’est à peine 500 mètres de distance. Pendant 5 ans, les gens avaient pris l’habitude de discuter au milieu de la route. Aujourd’hui, la route n’est pas plus dangereuse que le bord de mer mentonnais."
Son travail va désormais consister à "faire comprendre aux automobilistes qui transitent par cette route qu’ils ne doivent pas avoir une attitude agressive en traversant les villages".
Jean-Pierre Vassallo travaille, avec le programme Petites villes de demain, sur plusieurs projets d’aménagement de Tende dans le but de l’adapter à sa nouvelle réalité.
"On prévoit d’élargir les trottoirs, les terrasses et de réaménager la place centrale du village dès l’année prochaine. On va également démolir des maisons pour récupérer de l’espace de stationnement. J’ai déjà envoyé la police municipale à la sortie de Vievola pour contrôler la vitesse des véhicules. L’installation d’un radar sera peut-être nécessaire. On est dans un temps de réadaptation, à l’issue duquel toute la traversée du village aura été restructurée."
La sécurité au cœur des préoccupations à Fontan
De son côté, le maire de Fontan, Philippe Oudot, a adressé un courrier au ministre des transports, Philippe Tabarot. Il y énumère les difficultés subies par le village depuis la réouverture du tunnel de Tende, entre nuisances sonores et insécurité pour les riverains.
Certains automobilistes à la vitesse excessive allant parfois jusqu’à griller les feux de circulation. Les conséquences écologiques néfastes d’une telle intensité du trafic automobile sont également évoquées.
"Dans ce contexte, je m’interroge sur la pertinence du projet de percement d’un second tube pour le tunnel de Tende, alors qu’aucune solution de contournement ou d’aménagement cohérent pour les villages traversés n’a été sérieusement envisagée. Il semble que l’on ait bâti le toit de la maison sans en avoir posé les fondations. (…) Ne conviendrait-il pas de répondre d’abord aux enjeux locaux de sécurité, de circulation, et de préservation du cadre de vie et de l’environnement?", demande Philippe Oudot dans cette lettre, publiée sur la page Facebook de la mairie de Fontan.
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