Trop, c’est trop ! Ce mardi soir, le nouveau ministre d’État, Didier Guillaume, a vivement recadré la SNCF pour son manque de communication et d’anticipation à la veille de chantiers voués à améliorer son service, certes, mais particulièrement pénalisants pour la Principauté.
Jeudi dernier, les abonnés de la ligne Nice-Vintimille avaient en effet été informés par mail de la tenue imminente de travaux d’ampleur bouleversant la circulation des trains en soirée en gare de Monaco. "Alors que la SNCF vient d’informer les usagers que des chantiers vont significativement modifier l’offre de transport TER de Nice à Vintimille du 15 septembre 2024 au 26 juin 2025 inclus (suppression du service entre 21h et 6h du dimanche au jeudi), le gouvernement princier s’inquiète des répercussions significatives que ces changements vont avoir sur les déplacements de tous ceux, salariés en Principauté, professionnels des événements, visiteurs, touristes, qui souhaiteront rejoindre ou quitter Monaco dans la soirée pendant cette période", a recontextualisé l’exécutif hier, avant que le ministre d’État ne jaillisse sans gants en soirée.
"Je suis profondément choqué"
L’ancien élu local et sénateur en France démontrant, par une réplique cinglante, son expérience dans les bras de fer pour la défense des territoires.
Pendant sa première séance privée avec les élus du Conseil national, le ministre d’État n’y est pas allé par quatre chemins: "Je suis profondément choqué de lire que les trains ne s’arrêteraient plus à Monaco à partir de 21 heures. C’est inacceptable […] Nous devons être respectés avec une certaine qualité de services, et ne pas seulement être considérés comme des bailleurs de fonds."
Un positionnement déjà plus affirmé que son prédécesseur sur la question, et certainement apprécié de l’autre côté de la place de la Visitation. Plus tôt dans la matinée, le président du Conseil national affichait en effet une mine consternée après avoir appris "par voie de presse" la situation ferroviaire.
"À aucun moment nous n’avons été informés. Et on se pose des questions pour les travailleurs, pour la tenue de grands événements importants toute l’année en Principauté qui nécessitent que les gens se déplacent en train. Notre plus grand étonnement est qu’aucune mesure de substitution n’a été annoncée", déplorait Thomas Brezzo.
Et sur ce dernier point, la SNCF ne cesse de baisser dans l’estime des décideurs et usagers. Ce mardi d’ailleurs, une étude nationale de l’UFC-Que Choisir a épinglé la qualité de service et la ponctualité des trains régionaux. Résultat: près d’un TER sur cinq annulé, déprogrammé ou en retard en 2023.
Et en PACA, où la fréquentation des TER est la plus importante (hors région parisienne), le constat est encore plus critique. "Cela est dû à un manque de personnel, à des problèmes sur le matériel roulant", justifiait hier à France Info Lucile Buisson, chargée de mission transports UFC-Que Choisir.
Une demande de réunion en urgence avec la SNCF
Au manque d’informations récurrent des usagers, s’ajoute cette fois encore l’absence de plan B dénoncée par le gouvernement. "Concrètement, à part la mise en place d’un "car exceptionnel au départ de Monaco vers Nice" réservé aux abonnés SNCF, aucune solution n’est proposée en particulier aux salariés qui font chaque jour le trajet entre Monaco et leur lieu de résidence dans le cadre de leur travail."
C’est donc "une réunion d’urgence avec SNCF Réseaux et la Région PACA afin de débloquer la situation et d’assurer une meilleure qualité de service pour tous ceux qui font Monaco" que le gouvernement réclame aujourd’hui.
Des années de belles promesses... et maintenant?
Le coup de gueule de Didier Guillaume avait déjà un précédent récent en Principauté. En octobre 2023, lors des débats budgétaires au Conseil national, l’exécutif monégasque avait chargé publiquement la SNCF, mécontent du service rendu par l’entité ferroviaire à Monaco. "Ce n’est pas au niveau de ce que l’on paye (...) Nous nous battons face à une inertie assez difficile de la SNCF", avait déclaré Céline Caron-Dagioni, conseiller de gouvernement-ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme, avant de menacer de ne pas renouveler le financement annuel de 8 millions d’euros pour le développement du TER.
Si le financement est toujours actif, Monaco se veut inflexible sur ses besoins: bénéficier d’une meilleure desserte de la destination Monaco aux heures de pointe, avec des trains plus longs et plus fréquents, mais aussi une meilleure communication sur les travaux réalisés sur la voirie.
"Je reconnais qu’on a l’impression de jamais-fini"
Mais depuis des années, la SNCF, entre mea culpa et belles promesses, ne peut avancer de progrès significatifs. En 2017, son ex-président Guillaume Pépy, reçu par le ministre d’État de l’époque, Serge Telle, avait ainsi annoncé "des progrès dès 2019-2020" en s’inspirant du modèle du RER parisien... Et concédait volontiers peiner à concilier paroles et actes: "Il y a six ou sept ans, la Principauté a acheté cinq rames. Entre-temps, le trafic a augmenté de 2 à 3% par an. Donc, tout ce qu’on fait, et qui est bien, il faut le remettre sur le métier quelques années plus tard. Il faut élargir, renforcer, faire plus de maintenance, acheter des nouveaux trains... C’est une vraie course de vitesse (...) et je reconnais qu’on a l’impression de jamais-fini. Et c’est un peu vrai (...) on n’est jamais au bout."
Dernière promesse en date? Une augmentation de la fréquence des trains en gare grâce à des rames semi-neuves supplémentaires.
"À partir du 15 décembre 2024, nous aurons 4 trains par heure et par sens toute la journée, assurait Jean-Pierre Serrus, vice-président de la Région en charge des Transports, dans nos colonnes en avril dernier. Ce chiffre devrait être porté à 6 en 2028 grâce notamment au système ERTMS*. Au total, 130 TER circuleront dans les deux sens entre Nice et Monaco à partir de décembre ; contre 88 à ce jour." Rendez-vous est pris sur les quais de la gare le 15 décembre donc.
*Le système ERTMS (European Rail Traffic Management System) consiste à harmoniser la signalisation ferroviaire à échelle européenne en faisant disparaître des signaux lumineux le long des voix pour faire entrer la signalisation à bord des trains.
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