Après d’innombrables péripéties, il s’apprête à ouvrir enfin: on vous emmène découvrir en avant-première le nouveau tunnel du col de Tende

"Nice-Matin" a pu découvrir en exclusivité ce trait d’union entre France et Italie, qui sera inauguré vendredi après onze années de travaux et de nombreuses péripéties. Un ouvrage moderne, mais le chantier n’est pas fini.

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Christophe Cirone Publié le 25/06/2025 à 07:10, mis à jour le 25/06/2025 à 07:30
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À force, on n’y croyait plus trop. D’ailleurs, à Tende, beaucoup n’y croient toujours pas. Trop d’espoirs déçus, trop de promesses non tenues. Pourtant, il est bien là, sous nos yeux: le nouveau tunnel du col de Tende est enfin réalité, prêt à être inauguré.

"On était aux abois. Plus personne ne croyait en quoi que ce soit", confirme Jean-Pierre Vassallo. Le maire de Tende, 75 ans et cinq mandats au compteur, continue à batailler pour l’ouverture de ce tunnel transfrontalier, fruit d’un chantier XXL tourmenté. Là-haut, il est connu des ouvriers comme le loup blanc - "J’y viens tous les jours!". C’est à ses côtés que nous avons pu circuler dans la galerie souterraine, à quelques jours du couper de ruban prévu vendredi, et de la mise en circulation samedi. Une première pour un média.

Pour mesurer le chemin parcouru, il faut rembobiner quelques années en arrière et redescendre une poignée de kilomètres plus bas. À notre arrivée, ce matin-là, Tende distille l’impression d’un village bien vivant. Ce n’était pas gagné. La tempête Alex des 2 et 3 octobre 2020l’avait laissé meurtri et isolé. Plus d’accès routier. Plus de train. Et plus d’accès à l’Italie. Au col de Tende, sur la route de Limone (Piémont), une avalanche monstrueuse avait coupé l’accès au tunnel historique.

"Ça fait revivre toute la vallée"

Près de cinq ans plus tard, la dynamique s’est inversée. Plusieurs commerçants se sont installés, avec l’espoir de voir Tende se reconnecter à ses origines italiennes (le village n’est français que depuis 1947). Un souhait en passe d’être exaucé. La RD 6204, pulvérisée par Alex, est désormais un billard. Le Département des Alpes-Maritimes a aussi reconstruit tous les ponts désintégrés. Sur la route du col via le hameau de Vievola, la piste est redevenue une route asphaltée. Elle nous mène aux portes du chantier.

David et Noël ont coupé le moteur de leurs motos pour le contempler. Ces quinquas sont venus de Breil-sur-Roya et Sospel "voir comment ça avançait, et à quel moment on pourrait reprendre la route". Comme des milliers d’usagers, ils guettent le feu vert imminent. "La station de ski, Limonetto... a manque! Depuis la tempête, c’était mort ici. Là, ça va faire du bien au tourisme et au reste. Même si ça va reprendre avec un feu rouge, ça fait revivre un peu toute la vallée."

Quatre lacets qui font deux

Le feu tricolore est là, prêt à reprendre du service, un kilomètre en aval du tunnel. Des barrières habillées de filets orange délimitent le chantier, confié à l’Italie et cofinancé avec la France (à 58,35% / 41,65%, soit la distance de part et d’autre de la frontière). Le temps de laisser passer une pelleteuse, et la voie est libre.

L’ascension donne le ton. Celui d’un chantier loin d’être fini. Les ouvriers d’Edilmaco, le consortium turinois mandaté par l’Anas (l’agence nationale des routes italiennes), continuent de s’affairer. La route est bordée de séparateurs de voie rouge et blanc et de glissières en béton armé. Un mur imposant dévoile encore ses nervures de métal. Exit le "mur de la honte", cet ouvrage de soutènement haut de 11mètres qui menaçait de s’effondrer en 2017. Tout l’accès routier a été repensé.

"Le chantier en cours vise à supprimer les quatre lacets qui existaient pour n’en faire que deux. Ce travail aurait dû être fait dès le début... Mais on ne va pas continuer la polémique, évacue Jean-Pierre Vassallo, pragmatique. À présent, permettons aux deux États de sortir par le haut, et aux populations de part et d’autre du tunnel de pouvoir circuler."

Galerie moderne et sécurisée

À l’approche du tube, un élégant mur de soutènement, constitué d’une mosaïque de pierres, laisse entrevoir le résultat final. La route enjambe le vallon du Cà, via le tout nouveau pont de type "bow-string" ("en corde d’arc").

Face à nous, trois entrées béantes. À droite, la galerie historique, en sommeil. À gauche, l’ancien accès du nouveau tube, percé en 2014. Au centre, c’est la bonne. Un nouvel accès, repensé, incurvé pour rejoindre l’axe du pont.

Nous voici dans les entrailles de la montagne. Changement de tableau. Ce n’est plus un chantier empoussiéré, mais une galerie moderne dernier cri. Un décor bicolore, blanc sur les côtés, gris au plafond, éclairé par une rangée ininterrompue de lumières. Sur le côté gauche, une bande d’arrêt d’urgence. De part et d’autre, un trottoir. Vitesse limitée à 50km/h.

"Ce tunnel correspond vraiment aux prévisions faites pour une circulation unidirectionnelle. Il est terminé, totalement aux normes", salue Jean-Pierre Vassallo. À intervalles réguliers, on passe sous deux imposants ventilateurs. D’innombrables panneaux verts indiquent les issues de secours. On longe treize bypass - dix pour les piétons, trois pour les véhicules - qui relient la nouvelle galerie à l’ancienne. Ici et là, des ouvriers procèdent aux dernières finitions. Le mercure a dégringolé; remède anti-canicule garanti.

Exercice décisif mardi

Les sapeurs-pompiers vont et viennent, eux aussi. Hier, les préfectures des Alpes-Maritimes et de Cuneo ont orchestré un exercice de sécurité grandeur nature ici même. Une simulation d’incendie suivant un scénario catastrophe: un autocar scolaire qui percute un poids lourd. L’enjeu est majeur. À la lumière de ces tests, le feu vert définitif sera donné ce jeudi par la conférence intergouvernementale (CIG) franco-italienne. Lors de notre visite, Jean-Pierre Vassallo était confiant. Bien que partagé. "Le 27, on sera à la fête! a fait trop longtemps qu’on attend. On sera très heureux de pouvoir circuler à nouveau entre Côte d’Azur et Piémont, même si c’est un soulagement mitigé, confie l’édile local. L’essentiel, c’est de pouvoir passer. C’est vital pour l’économie, le tourisme, les artisans. Il fallait faire circuler dans ce tunnel un souffle de vie, pour oxygéner les deux vallées. C’est un cordon ombilical indispensable!"

Demi-tour. Retour à la lumière du jour. Jean-Pierre Vassallo salue un agent de l’Anas. "Le 24, c’est le grand jour!" "Non, le 27", rectifie son interlocuteur. Le maire, échaudé, songe à l’exercice sécurité décisif. "Incrociamo i ditti!", s’exclame-t-il en croisant les doigts. "In bocca al lupo!", lui répond l’homme en jaune, pour souhaiter "bonne chance" au nouveau tunnel.

"Le combat n’est pas fini"

Dans quelles conditions pourra-t-on circuler dans le nouveau tunnel dans un premier temps? La conférence intergouvernementale (CIG) le décidera jeudi, à la veille de l’inauguration. "Cet été, on va circuler dans des conditions particulières, prévient Jean-Pierre Vassallo. Nous, les maires de la vallée de la Roya, de la Carf et du Piémont, avons tous demandé une ouverture de 6h à 22h. Cela leur laisse huit heures pour travailler la nuit. S’ils n’arrivent pas à nous donner satisfaction, nous avons demandé a minima de pouvoir passer entre 6h et 10h, 12h et 14h et 18h et 22h."

Le débat porterait surtout sur le créneau de la mi-journée. Dans un communiqué, l’agence nationale des routes italiennes temporise, rappelant que rien n’est acté. L’Anas se dit "au travail avec engagement et détermination pour permettre une ouverture du tunnel immédiatement après l’inauguration".

Toujours à sens unique

Une certitude: on circulera en mode alterné, avec potentiellement une vingtaine de minutes d’attente. "En fin de compte, on sera retourné en 2013, mais en passant dans un tunnel totalement sécurisé, constate le maire de Tende. Le combat n’est pas fini. Il va falloir remettre en état l’ancien tunnel pour avoir, enfin, une circulation bidirectionnelle, qui ne soit plus gérée par un feu."

Le retour des poids lourds italiens inquiète de nombreux habitants de la Roya, soucieux de préserver leur vallée. Mais ils ne pourront dépasser les 19 tonnes. Jean-Pierre Vassallo l’assure: "L’arrêté pris par les cinq communes de la vallée de la Roya et le Département [en 2017, ndlr] sera toujours en vigueur. Hors de question de l’abroger! Et pendant la période des travaux, l’accès sera limité aux 3,5 tonnes.

Coups d’arrêt et coups durs en série

Mars 2007

France et Italie signent un traité visant à aménager une seconde galerie à côté du plus vieux tunnel d’Europe, ouvert à Tende en 1882.

Juillet 2014

Les travaux de percement du second tube débutent, menés par la Fincosit, géant du BTP italien, sous maîtrise d’œuvre de l’Anas.

Mai 2017

La guardia di finanzia interpelle seize personnes, de l’ouvrier au chef de chantier, dans les rangs de l’Anas et de la Fincosit. 200 tonnes de matériau ont disparu. Le chantier est stoppé.

Avril 2018

L’Anas résilie son contrat avec la Fincosit en raison des graves manquements constatés.

Mai 2020

L’Anas confie les travaux au consortium turinois Edilmaco, arrivé deuxième de l’appel d’offres.

2 et 3 octobre 2020

La tempête Alex emporte un pan de montagne et prive d’accès le chantier du col de Tende, alors en sursis.

Novembre 2021

Les travaux reprennent enfin. Objectif: ouvrir le nouveau tube en octobre 2023 et rouvrir l’ancien en février 2025.

Juin 2024

L’ouverture est encore reportée à décembre 2024, puis à l’été 2025. Edilmaco renonce à remettre en état le tunnel historique.

8 juin 2025

L’Azuréen Philippe Tabarot, devenu ministre des Trransports, annonce à Nice-Matin que le tunnel de Tende ouvrira le 27 juin.

27 juin 2025

La galerie transfrontalière doit être inaugurée en fin d’après-midi côté italien, puis côté français. Les usagers pourront l’emprunter dès le lendemain matin.

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