C’est une tradition bien ancrée. Depuis qu’il tutoie la limite sur la planète F1, avant chaque Grand Prix à la maison, Charles Leclerc répond aux questions des représentants des médias monégasques et régionaux. Ces dernières années, après le virage Covid-19, la rencontre se déroulait en mode visio, chacun chez soi derrière son écran. Ce mercredi, le rendez-vous était fixé sur une terrasse surplombant le paddock, quai Antoine-Ier, où le petit prince enfin devenu prophète en son pays l’année dernière a échangé durant 30 minutes chrono. L’occasion de revenir sur ce jour de gloire tant attendu, mais aussi d’évoquer un début de saison 2025 pas vraiment à la hauteur des espérances dans les rangs de la Scuderia Ferrari...
Charles, pour la première fois, vous abordez le Grand Prix de Monaco dans la peau du tenant du trophée. Ça change quoi?
Pas grand-chose, à vrai dire. Je ne me sens pas spécialement soulagé, libéré d’un poids. La seule différence va sans doute concerner la journée médias (ce jeudi, ndlr). D’habitude, ici, avant de démarrer, on me parlait beaucoup des éditions précédentes, des occasions manquées, des pole positions non converties en victoires. Là, je pense vivre un jeudi un peu plus positif à ce sujet (il sourit).
Si on vous demande de plonger dans vos souvenirs du 26 mai 2024, quel temps fort refait surface spontanément?
L’image qui revient tout de suite, c’est justement celle de notre plongeon dans le port avec Fred (Frédéric Vasseur, le patron français de la Scuderia Ferrari). Un moment assez drôle. Figurez-vous qu’on avait parlé de ça entre nous dès ma première saison (2018, chez Sauber, écurie alors dirigée par Vasseur). On devait faire un plouf dans le port si je marquais mes premiers points à Monaco. Bon, nous sommes restés au sec (abandon au 70e tour après un accrochage provoqué par une défaillance de ses freins). Il aura fallu patienter quelques années...
Après sept Grands Prix, vous occupez le 5e rang du championnat pilotes avec 61 points et un seul podium au compteur. Ça fait déjà 85 points de retard sur le leader actuel Oscar Piastri. Comment jugez-vous ce début d’exercice?
Le bilan, pour l’instant, il est mauvais, clairement. Inutile de se voiler la face. On n’est pas du tout satisfait du niveau de l’auto. L’an dernier, Ferrari s’est battu jusqu’au bout pour le titre constructeurs (2e derrière McLaren). Là, au départ, nous visions la même cible. Hélas, il a très vite fallu se rendre à l’évidence. La voiture n’est pas au rendez-vous. Mais notre motivation demeure intacte. On bosse dur pour tenter de récupérer la performance perdue par rapport à McLaren et Red Bull. Optimiser la SF-25 dans le but de jouer à nouveau la gagne prochainement, c’est notre devoir. Nous savons ce qu’il faut améliorer sur l’auto. Mais je ne peux pas vous dire combien de temps durera ce travail.
La Ferrari est surtout à la peine en mode qualif’ comme l’a démontré la double élimination en Q2 à Imola. Comment vivez-vous cette situation?
Je ne vous cache pas que c’est compliqué. Qualif’ et course! Décrocher une 3e, 4e, 5e place après avoir donné le maximum et tout bien exécuté, ça génère de la frustration. Normal. En 2024, on pouvait gagner. Et maintenant, non. Mais cela fait partie du boulot. Certaines années, tout se passe bien d’entrée. Et la saison suivante, il faut se retrousser les manches, se creuser les méninges pour remonter la pente. Vous devez l’accepter et redoubler d’efforts.
Un podium ce dimanche, c’est envisageable?
Moi, vous savez, je ne veux envisager que la victoire. Un podium, ça ne me fait pas rêver. Mais je suis réaliste. La voiture n’aime pas les virages lents. À Monaco, il n’y a que ça. Donc je m’attends à un week-end difficile. Mais ce circuit atypique, unique, peut aussi réserver des surprises. Peut-être va-t-on trouver quelque chose de génial. Qui sait? Je l’espère vraiment.
Qu’avez-vous appris ces derniers mois au côté de votre nouveau coéquipier septuple champion du monde?
Lewis (Hamilton) possède une grosse force de travail. Carlos (Sainz) bossait beaucoup, également, mais d’une manière différente. Là, c’est super intéressant de voir comment Lewis gère les problèmes, de regarder ses échanges avec les ingénieurs, d’écouter ses commentaires, ses pistes de développement pour la voiture. Et puis, comme il est extrêmement talentueux, j’observe son pilotage, bien sûr. De quoi me rendre compte que l’on a des points communs. Par exemple, lui et moi, nous poussons fort dans les entrées de virage. Style similaire, assez agressif. Et je pense que c’est tout bénef’ pour le team car nous avons défini ensemble une direction claire. Concernant l’évolution globale de l’auto, on tire dans le même sens.
Compte tenu du terrain perdu au printemps, avez-vous revu vos ambitions? Une saison 2025 positive, ça pourrait ressembler à quoi désormais?
Euh, je n’y ai pas trop pensé! (Rires). Impossible de parler d’une belle saison pour moi si on finit 3e ou 4e. Très honnêtement, j’y crois encore. Et j’y croirai jusqu’à la fin. L’an dernier, Red Bull avait démarré comme une fusée et puis McLaren est revenu très fort. Nous aussi. À partir de Barcelone (la semaine prochaine), où entrera en vigueur une modification de la réglementation sur les ailerons flexibles avant, j’espère qu’on progressera.
Un mot sur Oscar Piastri: êtes-vous surpris de le voir bousculer de la sorte Lando Norris?
Pas forcément... Il m’avait étonné lors de sa première saison chez McLaren. Très solide, ultra-constant, pour un rookie. Là, je pense qu’Oscar a eu un déclic au niveau de la compréhension des pneus. Aujourd’hui, il mérite sa place de leader. Irréprochable. Impressionnant, oui. Mais attention: si Lando semble un peu moins à l’aise avec sa voiture en ce moment, c’est toujours un pilote hyper-rapide. Il n’y a que 13 points d’écart. Entre eux, c’est serré et ça va le rester jusqu’au dernier GP, aucun doute.
Pour conclure, une question quiz: comment s’appelle le seul pilote qui a remporté le Grand Prix de Monaco deux ans de suite au volant d’une Ferrari?
Aïe! (il réfléchit) Allez, je dirais Michael (Schumacher). Ah non?! C’était bien avant? (nouveau silence) Niki Lauda (1)! (Il se marre parce qu’il a lu la réponse sur les lèvres du confrère bienveillant assis juste en face de lui).
1. En 1975 et 1976.
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