Des scientifiques niçois font une découverte qui pourrait révolutionner les traitements post-infarctus

Des scientifiques niçois viennent de révéler le rôle clé dans la régénération cardiaque d’une protéine déjà connue en cancérologie. Une découverte qui pourrait révolutionner les traitements post-infarctus.

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Nancy Cattan Publié le 08/09/2025 à 11:30, mis à jour le 08/09/2025 à 11:30
Photo istock

On a longtemps pensé qu’après un infarctus, il suffisait de rétablir la circulation sanguine pour que le cœur retrouve toutes ses capacités. On posait un stent, on débouchait l’artère… et l’affaire semblait réglée.

En réalité, le processus est bien plus complexe: le cœur doit former de nouveaux vaisseaux sanguins, réparer les cellules cardiaques (cardiomyocytes) endommagées, gérer l’inflammation provoquée par la crise cardiaque et éviter qu’une cicatrice rigide (fibrose) ne prenne trop de place.

Mais comment cette réparation s’opère-t-elle? Et qui en assure le bon déroulement? Retenez ce sigle: WT1. C’est la réponse qu’apportent deux scientifiques niçois, Kay-Dietrich Wagner et Nicole Wagner (1).

Une découverte majeure

Chercheurs à l’Institut de Biologie de Valrose (IBV), ces deux médecins de formation (l’un cardiologue, l’autre pédiatre) ont été parmi les premiers au monde à découvrir le rôle déterminant, en oncologie, de ce facteur codant pour un suppresseur de tumeur. Comment sont-ils parvenus à démontrer son implication dans un autre processus majeur?

"Le gène de cette protéine, naturellement présente dans notre corps, est altéré chez certains individus, notamment chez ceux porteurs du syndrome de Wilms (cancer embryonnaire du rein); or, ces mêmes patients présentent des anomalies cardiaques précoces", rapportent-ils.

Autre observation intrigante: "Le poisson-zèbre (zebrafish), qui possède deux copies du gène WT1, est capable de régénérer son cœur en une semaine après un infarctus. À l’inverse, les mammifères (comme la souris ou l’homme), avec une seule copie, ont une très faible capacité de régénération spontanée."

Partant de ces constats, les chercheurs niçois ont émis l’hypothèse que WT1 jouait probablement un rôle déterminant dans la réparation cardiaque. Et ils ont réussi à le prouver, après des années de recherches et des expériences particulièrement complexes.

"Nous avons utilisé un modèle de ligature coronaire chez la souris, reproduisant un infarctus massif. Deux groupes d’animaux (les uns exprimant WT1, les autres non) ont été suivis: à 48 heures, puis à 3 semaines post-infarctus. Grâce à des techniques d’imagerie médicale de haut niveau, d’histologie et d’analyse cellulaire (échocardiographie, cytométrie en flux, immunofluorescence), nous avons pu mesurer la fonctionnalité du cœur, la densité vasculaire, le taux de fibrose (tissu cicatriciel), l’apoptose (mort cellulaire) et la prolifération des cardiomyocytes et la réponse immunitaire locale."

Les résultats sont alors sans appel: "En absence de WT1 (dans des modèles de souris génétiquement modifiées), on observe: une fibrose massive du cœur après infarctus, une augmentation de l’apoptose des cellules cardiaques, une infiltration excessive de lymphocytes et une moindre régénération vasculaire. Pour résumer: sans WT1, le cœur ne récupère pas; il est au cœur même du processus de régénération cellulaire et vasculaire."

Une cible thérapeutique prometteuse

"Dans un avenir proche, on pourrait imaginer administrer des molécules ciblant WT1 immédiatement après un infarctus", expliquent Nicole et Kay Wagner, qui ont mené leurs recherches en étroite collaboration avec le Pr Jean-François Michiels, anatomopathologiste (à gauche). Photo N. C..

Alors que les traitements médicaux de l’infarctus n’ont guère évolué depuis 40 ans, cette découverte ouvre des perspectives fascinantes. "Des molécules capables de stimuler l’expression de WT1 existent déjà, et sont approuvées par la FDA (Food and Drug Administration, Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, Ndlr) dans d’autres indications, notamment en oncologie. Dans un avenir proche, on pourrait imaginer administrer ces molécules immédiatement après un infarctus pour booster la régénération et réduire les dégâts inflammatoires."

Les chercheurs anticipent même les effets indésirables potentiels: "Le traitement ne serait donné que pendant une courte fenêtre post-infarctus (2 semaines environ), limitant ainsi les risques liés à une activation prolongée du WT1, qui pourrait être cancérigène à long terme."

"L’âge, l’état du réseau vasculaire, les capacités de réparation diffèrent selon les patients. On peut dès lors imaginer, à terme, évaluer la capacité de production de WT1 chez chacun pour prédire la récupération et adapter le traitement."


1- Leurs travaux ont été publiés en juin dernier dans la revue Thranostics.

Améliorer la récupération

Chaque année, des milliers de personnes sont victimes d’une crise cardiaque (ou infarctus du myocarde). Cette urgence est provoquée par l’obstruction d’une artère alimentant le cœur en sang et en oxygène. Privées d’oxygène, les cellules musculaires cardiaques meurent rapidement sur une zone plus ou moins étendue et sont remplacées par une cicatrice permanente.

Résultat: le cœur se contracte moins bien, entraînant troubles du rythme, insuffisance cardiaque, voire arrêt cardiaque.

Aujourd’hui, on sait déboucher rapidement l’artère obstruée, et près de 90% des victimes survivent. Mais beaucoup conservent des séquelles durables, liées à la perte définitive d’une partie du muscle cardiaque.

Étudier et stimuler la capacité naturelle de régénération du cœur est donc crucial pour améliorer la récupération.

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