Grève dès lundi, manifestations mardi, fermetures de cabinets... Pourquoi la tension et la colère montent chez les médecins

Les restrictions d’installation envisagées comme les annonces du Premier ministre suscitent la colère et l’inquiétude des médecins, qui vont descendre dans la rue.

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Guilhem Ricavy Publié le 28/04/2025 à 06:30, mis à jour le 28/04/2025 à 06:30
Les restrictions d’installation envisagées comme les annonces du Premier ministre suscitent la colère et l’inquiétude des médecins, qui vont descendre dans la rue. Photo Jean-François Ottonello

Les médecins sont en colère et ils comptent bien le faire savoir. Un mouvement de grève, avec possibles fermetures de cabinets, est lancé aujourd’hui et jusqu’au 5 mai partout en France. Ce mardi, des manifestations sont annoncées dans plusieurs grandes villes, comme à Nice, où les praticiens sont appelés à se réunir place Garibaldi à 11h, et à Marseille pour une déambulation au départ de l’hôpital de La Timone.

La raison de leur colère? Les médecins et les internes dénoncent une proposition de loi adoptée à l’Assemblée début avril. L’article phare de ce texte, porté par le député Guillaume Garot (PS), prévoit de réguler l’installation des médecins, en leur imposant de solliciter l’accord de l’ARS. L’examen du reste du texte est prévu début mai.

Le but est de contraindre les médecins à s’installer dans les zones et les régions où il n’y a pas assez de praticiens. Les déserts médicaux sont cartographiés, avec une mention spéciale à la région Centre-Val de Loire. C’est la densité médicale la plus faible relevée par l’Ordre des médecins. Le département d’Eure-et-Loir y est ainsi passé de 117,3médecins généralistes pour 100.000 habitants en 2010 à 69,8 en 2025.

Le Sud plutôt bien doté

Dans ce classement, les départements du Sud-Est ne sont pas les plus mal lotis, avec plus de 150généralistes pour 100.000 habitants dans le Var, et près de 200généralistes pour 100.000 habitants dans les Alpes-Maritimes. "Il y a toutefois de fortes disparités sur un même département, pondère un spécialiste. Le littoral attire plus que les terres."

De façon générale, l’accessibilité "aux médecins généralistes se dégrade ", en raison de "la baisse du nombre" des praticiens libéraux conjuguée à "la croissance de la population ", note la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

Tout en s’opposant à la proposition de loi de régulation de l’installation des médecins, François Bayrou a cependant préconisé vendredi d’imposer jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation aux médecins dans les zones prioritaires du territoire. Ce qui constitue un autre motif de grogne de la profession.

"Chaque médecin généraliste ou spécialiste qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont les plus en difficulté", a annoncé le Premier ministre au terme d’une visite dans le Cantal. Près de 30 millions de consultations par an seraient ainsi réorientées là où il y en a besoin.

Les syndicats de médecins ne sont pas emballés. "On fait au quotidien vraiment le maximum de ce qu’on peut faire pour soigner les gens. Il faut nous protéger, il faut nous aider, il ne faut pas nous contraindre et nous menacer ", regrette Agnès Giannotti, présidente de MG France, syndicat majoritaire chez les libéraux.

"La coercition est un très mauvais message"

"Une pénurie de médecins, même potentiellement régulée, reste une pénurie"… Hervé Caël, président de l’Ordre régional des médecins, aime citer cette phrase de Yannick Neuder, le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins. Une phrase prononcée début avril qui veut tout dire, argumente le médecin urgentiste niçois. "Faut-il faire quelque chose? Oui. Par la contrainte? Non", lance Hervé Caël. "On ne peut pas dire de moi que je suis contre Bayrou, j’ai même conduit une liste de son parti à Nice, mais là, j’ai envie de lui dire: “François tu déconnes" », souffle le docteur, qui est également conseiller municipal à Nice.

Aujourd’hui, selon lui, il n’y a plus cette caricature d’une France urbaine d’un côté avec assez de professionnels de santé, et la France rurale de l’autre qui en manque cruellement. " Il n’existe plus de territoires surcotés", jure le docteur Caël. Il y a des territoires en difficulté et d’autres en grande difficulté. La faute, dit-il, à des décisions politiques qui datent des années 1990. Pour lesquelles il a été fait quelque chose depuis, mais on en verra les effets que dans "10 ou 15 ans". "Il y a quelque temps on formait 3.500médecins en France, aujourd’hui 11.000. À terme, la situation va donc s’améliorer, le système va s’autoréguler. D’ailleurs, en 2024, pour la première fois, le nombre de médecins a été stable", décrypte-t-il.

Mais en attendant, il faut bien évidemment, trouver des solutions. Le docteur Hervé Caël n’en manque pas. "Dans cette période, il ne faut pas en envoyer des messages de coercition, c’est un très mauvais message mais il faut travailler sur l’attractivité", avance-t-il. Pourquoi ne pas inciter des médecins partis faire leurs études à l’étranger, à revenir en France et travailler aussi sur l’attractivité des territoires? "Il faut être inventif, inventer de nouveaux systèmes", argumente Hervé Caël. "Par exemple, mettre à disposition un local, et un médecin peut venir assurer quelques demi-journées par semaine et, en même temps, développer la téléconsultation en accord avec le microcosme du territoire, afin de ne pas le fragiliser", propose le médecin niçois. Qui évoque aussi la place de l’infirmière. Elles peuvent prendre plus d’ampleur dans l’offre de soins, "sans être la porte d’entrée des soins, bien sûr", détaille-t-il. "En cas d’hypertension, le médecin pose le diagnostic et prescrit le traitement. Le suivi peut être réalisé par une infirmière, qui doit cependant toujours avoir la possibilité de se tourner vers un docteur en cas de doute", ajoute le docteur Hervé Caël.

Enfin, il pense aux médecins seniors, à la retraite. Pourquoi ne pas les autoriser à continuer à exercer en temps partiel? " Il faut autoriser le cumul emploi-retraite". Et pour les jeunes médecins, envisager la défiscalisation totale des actes s’il accepte d’aller dans les secteurs particulièrement tendus…

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