La greffe hépatique, entre défis, évolutions et espoirs
Elle reste l’un des gestes les plus impressionnants de la médecine moderne. Pendant que la transplantation hépatique voit ses indications croître, la pénurie de greffons reste réelle. Le point avec le Dr Rayar.
La rédactionPublié le 12/05/2025 à 15:30, mis à jour le 12/05/2025 à 15:30
Le Dr Michel Rayar, spécialiste en transplantation hépatique. Photo DR
Elle est considérée comme l’une des chirurgies les plus complexes, à la fois sur le plan technique et en raison de l’état souvent très grave des patients. La transplantation hépatique permet de traiter principalement les formes les plus graves de cirrhose, ainsi que certaines tumeurs malignes du foie. Le Dr Michel Rayar figure parmi les plus grands spécialistes français de cette chirurgie. Après avoir exercé plusieurs années au CHU de Rennes, pôle d’excellence dans ce domaine, il a rejoint récemment le CHU de Nice où il collabore notamment avec le Pr Anty et Mr Pascalet (infirmier de coordination) au sein de l’équipe médico-chirurgicale de transplantation hépatique. Interview.
La transplantation hépatique en quelques mots?
Techniquement, cette opération consiste à retirer le foie malade, puis à implanter le greffon en raccordant les principaux vaisseaux (artère hépatique, veine porte, veines sus-hépatiques) et la voie biliaire. En théorie, cela peut sembler simple, mais en pratique, l’exérèse du foie est une étape très délicate en raison des risques hémorragiques.
La majorité des patients que nous greffons souffrent en effet de cirrhose avancée, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux saignements. D’une part, leur foie ne produit plus correctement les facteurs de coagulation, d’autre part, ils présentent fréquemment une hypertension portale (pression anormalement élevée dans la veine conduisant le sang des intestins au foie, Ndlr) qui favorise les hémorragies dès l’ouverture de l’abdomen.
Enfin, le foie est parfois très adhérent à la veine cave, et la moindre erreur peut entraîner des complications graves.
La coopération avec les anesthésistes est alors essentielle pour gérer les pertes sanguines, maintenir la pression artérielle et éviter que le cœur ne s’arrête faute de sang.
Cette chirurgie a-t-elle connu des avancées récentes?
L’implantation du nouveau foie a bénéficié ces dernières années de nombreux progrès, notamment grâce à l’utilisation de machines de perfusion. Ces dispositifs permettent de conserver le foie dans de meilleures conditions, en le réoxygénant et en réduisant les effets délétères de l’ischémie [période où l’organe n’est pas irrigué, Ndlr]. Ces avancées ont permis d’améliorer significativement les résultats de la transplantation.
Combien de temps dure l’intervention?
Une greffe hépatique dure en moyenne entre cinq et six heures: deux heures pour retirer le foie, deux pour implanter le nouveau, et une dernière heure pour contrôler l’hémostase et refermer. Comme les greffes se font souvent de nuit, les chirurgiens sont parfois appelés à intervenir après une nuit blanche ou avec très peu de repos, ce qui demande une grande endurance physique et mentale.
Le foie fait-il partie des organes les plus rapidement prélevés sur les donneurs?
L’ordre de prélèvement des organes dépend des besoins. Lorsque des organes thoraciques comme le cœur ou les poumons sont aussi prélevés, ils passent en priorité, car ils tolèrent moins bien l’ischémie. En revanche, le foie est généralement prélevé avant les reins.
Les indications de la greffe hépatique progressent, notamment en oncologie. Le nombre de greffons est-il suffisant pour répondre aux besoins?
Malheureusement, la réalité est effectivement là: il n’y a pas assez de greffons. Face à la demande croissante, les équipes médicales sont soumises à une forme de tension permanente. Résultat: des choix difficiles, des listes d’attente qui s’allongent, et parfois des arbitrages douloureux, notamment en ce qui concerne les pathologies liées à l’alcool. Quand on sait qu’on ne pourra pas greffer tout le monde, on doit se poser des questions de priorisation.
De l’urgence à la super urgence
Les patients en attente de greffe sont inscrits sur liste d’attente, puis rappelés lorsque l’agence de biomédecine propose un foie compatible. La greffe s’organise alors très rapidement. Une équipe part prélever le foie pendant que l’autre prépare le receveur.
La transplantation hépatique est ainsi le plus souvent réalisée en urgence, voire en super-urgence. "Les causes qui amènent à une greffe d’extrême urgence ne sont pas toujours des cas de cirrhose, complète le Dr Rayar. Elles peuvent aussi être liées à des intoxications, notamment au paracétamol, ou à des infections qui décompensent brutalement une maladie hépatique préexistante. Dans ces cas extrêmes, le patient arrive dans un état critique et doit être greffé dans les 24 à 48 heures pour espérer survivre."
Refus de don, frein majeur
L’activité de transplantation hépatique reste stable, voire progresse légèrement. "Pendant la pandémie de Covid, l’activité avait chuté de manière significative, seules les urgences vitales étant alors prises en charge, en raison de la saturation des services de réanimation et de blocs opératoires. Depuis, elle est revenue à un niveau équivalent, voire supérieur, à celui d’avant la crise sanitaire. L’année dernière a même été une année record pour les greffes hépatiques à partir de donneurs décédés", résume le chirurgien.
Chaque année, sont ainsi réalisées entre 1.200 et 1.350 greffes de foie en France, un chiffre relativement constant. Car, un phénomène limite cette activité: le taux de refus de dons d’organes augmente. "C’est un frein majeur, alors même que le nombre de patients en attente de greffe ne cesse de croître."
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