"Aux urgences de Lenval, les consultations en pédopsychiatrie ont bondi" Un médecin niçois donne une photographie de la santé mentale des enfants azuréens

Alors qu’une étude, révélée ce mardi, dresse le constat que 13% des 6-11 ans présentent "au moins un trouble probable de santé mentale", Arnaud Fernandez, pédopsychiatre responsable du centre expert du psychotraumatisme de Nice, donne un éclairage local.

Aurélie Selvi - aselvi@nicematin.fr Publié le 21/06/2023 à 21:00, mis à jour le 21/06/2023 à 21:00
decryptage
Plus d'un enfant français sur 10 souffrent de trouble probable de la santé mentale. Photo d'illustration Istock

On savait que la crise sanitaire avait fait exploser le mal-être chez les jeunes, mais les données manquaient pour les enfants: mardi une première étude nationale révèle que 13% des 6-11 ans présentent au moins un trouble probable de santé mentale. Et localement, quel est le constat? "Tout cela n’est pas un effet d’optique, il a bel et bien une augmentation significative du recours à la consultation pour motif pédopsychiatrique", pose d’entrée le pédopsychiatre Arnaud Fernandez, qui oeuvre au sein du Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Pr. Askenazy.

Responsable du centre expert du psychotraumatisme du pôle pédiatrique niçois Lenval, le professionnel a des données tangibles sur lesquelles s’appuyer. "A Nice, les urgences pédiatriques sont, selon les années, les 3e ou les 4e de France en termes de fréquentation. Le lieu reçoit entre 60 000 et 65 000 enfants par an pour tout motif: médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. En 2011, on y comptabilisait environ 400 consultations annuelles d’enfants et d’adolescents pour des motifs pédopsychiatriques. On se situe désormais entre 2500 et 3000."

Les lourdes déflagrations de la pandémie de Covid-19

Dans ce constat implacable, la pandémie de coronavirus et les mesures sanitaires qu’elle a entraînées ont joué un vrai rôle de catalyseur. "Lorsque les mesures sociales de rétention, comme le confinement, ont commencé à tomber, on s’est tout de suite dit: mince, les enfants ne vont pas bien. Mais il y avait la possibilité que cela soit conjoncturel. Or, rapidement, nous avons eu face à nous des indicateurs qui ne trompaient pas: des facteurs de stress importants, une augmentation des idées suicidaires, des tentatives de suicides, des cas de dépression de l'enfant et de l’adolescent…", égraine Arnaud Fernandez.

Ainsi, pendant la première année de pandémie, les urgences de Lenval ont fait face à une équation révélatrice:

"En 2020, le recours aux urgences pour des motifs médicaux ou chirurgicaux a baissé de 30%. Dans le même temps, les consultations psychiatriques ont augmenté de 40%", Arnaud Fernandez, pédopsychiatre à Lenval

"Maintenant que nous avons un peu de recul et qu’une organisation nationale s’est mise en place pour mesurer tout ça, on se rend compte que ces marqueurs de détresse sont toujours très importants. Cela tient aussi au fait que les adultes ont été eux même fragilisés et font, du coup, moins bien face à la détresse des enfants, que ce soit dans la sphère familiale ou encore dans des lieux protecteurs comme l’école", ajoute le pédopsychiatre, qui travaille au quotidien en lien avec les 40 CHU de France et constate "une réalité qui est la même partout".

"On n’est pas là face à des maladies rares"

A l’échelle nationale, l’étude épidémiologique Enabee sur le bien-être et la santé mentale des 6 à 11 ans, révélée ce mardi, indique que 5,6% des enfants de cette tranche d’âge présentent un trouble émotionnel probable, 6,6% un trouble oppositionnel probable et 3,2% un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) probable.

"La tendance est la même dans nos consultations", éclaire le pédopsychiatre niçois, qui tient toutefois à préciser que "plus de 85% des enfants et des adolescents vont néanmoins parfaitement bien". S’adressant aux parents concernés, Arnaud Fernandez nuance: "il faut se dire qu’on n’est pas là face à des maladies rares mais à des conditions qu’on peut juger fréquentes car elles touchent plus d’1% de la population. Donc, on peut se documenter, se connecter à un tissu associatif spécialisé, à des groupes de parents, ne pas rester seul face à ça."

"Le système de santé n’est plus outillé face à la demande"

De retour du congrès national de Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines associées à Toulouse, le praticien niçois souhaite aussi alerter l’opinion. "Il y a en France 700 pédopsychiatres en exercice. Mais, que ce soit dans le secteur libéral comme dans le public, dans les Centres médico-psychologiques (CMP), la hausse du nombre de consultations et l’augmentation des délais d’attente est une réalité partout. Dans ce contexte, face à la nécessité de prendre en charge les patients les plus sévères, l’accès au soin pour des détresses émotionnelles plus modérées est difficile. Face à la demande, le système de santé n’est plus outillé."

Comme cette société savante qui a écrit à l’Etat pour réclamer un doublement des moyens en pédopsychiatrie, Arnaud Fernandez souhaite que l’urgence de la santé mentale des plus jeunes soit enfin regardée en face.

En attendant, au sein du pôle pédiatrique niçois, les urgences ont dû se réorganiser pour faire face à cette réalité: depuis près d’un an, un accueil spécifique est dédié aux urgences pédopsychiatriques. "C’était nécessaire. Car on ne parle pas là de bobologie psy mais de détresses majeures qui réclament un accueil immédiat", conclut le praticien niçois.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.