Lors du conseil municipal de lundi consacré au vote du budget – sur lequel nous reviendrons en détail dans le journal de demain – un chiffre n’a pas manqué de faire réagir les oppositions. 1,9 million d’euros. Soit la provision faite "pour le risque indemnitaire dédié aux exploitants de la DSP des bains de mer", comme l’explique l’adjoint aux finances, Florent Champion. Alors que quatre des sept concessions accordées au printemps 2024 viennent d’être annulées par le tribunal administratif de Nice.
Une somme qui, dit-il, "permettrait de couvrir la totalité du risque lié à la perte d’exploitation des exploitants concernés, ainsi qu’une partie conséquente d’une éventuelle reprise des biens de retour". Même si ces chiffrages seront logiquement affinés selon les décisions de justice qui devraient intervenir dans les semaines ou mois à venir.
5 présidents, 11 commissions
"Qui va rembourser les investissements de ces entrepreneurs? Qui va payer leurs crédits? Qui va payer les avocats?, questionne la cheffe de file d’Unis pour Menton, Sandra Paire. Il s’agit d’un désastre humain. Mais également d’une perte sèche pour la collectivité en termes de loyers, d’occupation du domaine public, de part variable, sans oublier une perte touristique. Une commune du littoral avec la moitié de ses plages fermées, bravo, c’est du jamais vu."
Son colistier, Cédric Monteiro, sort à son tour la sulfateuse. "Les plagistes, eux, n’ont fait que répondre à un appel d’offres. Le manque de clarté, de rigueur et de responsabilité dont vous avez fait preuve, en revanche, est flagrant", tacle-t-il à l’attention du maire et de sa majorité. Jugeant que le bureau d’études a coûté des dizaines de milliers d’euros "pour un résultat médiocre". Avant de pointer les responsabilités: "Trouvez-vous normal que 5 présidents se soient succédé à la tête des 11 commissions de DSP – Christian Tudès, Dominique Nicolaï, Patrice Novelli, Dominique Artieri, et vous, Monsieur le maire? Comment peut-on espérer une analyse cohérente dans ces conditions?", lâche-t-il.
N’oubliant pas au passage les anciens élus de la majorité Patrick Calvi et Isabelle Almonte, qui, observe-t-il, "se sont désengagés". Ainsi que l’opposante de Menton avec vous Isabelle Thouvenot. "Il est assez ironique qu’elle s’offusque, elle n’a rien fait sur le sujet durant son passage dans la majorité…"
L’un après l’autre, chacun des mis en cause répond. Isabelle Thouvenot, d’abord, qui indique ne pas avoir fait partie des commissions, mais avoir voté contre l’attribution des lots 1 et 9. Puis le maire, Yves Juhel, qui assure n’avoir jamais participé aux deux tours des commissions.
"Mais vous, M. Monteiro, vous étiez présent en tant que membre de l’opposition, et vous n’avez jamais fait la moindre remarque sur la méthode d’analyse proposée. Comme les services de l’État, d’ailleurs. Il y avait quelqu’un présent à chaque commission et qui pouvait parler!" Cédric Monteiro riposte, micro fermé, être intervenu à chaque conseil municipal depuis le lancement du dossier en 2023, dénonçant le fait que "la procédure et ses critères d’attribution étaient plus que subjectifs".
Le premier adjoint, Patrice Novelli, reconnaît avoir participé aux premiers travaux de la commission – principalement lors de l’élaboration du cahier des charges. Avant de demander à être démis de cette charge "pour qu’on ne me reproche pas un conflit d’intérêts par rapport à mes activités professionnelles".
L’élu, qui a fondé la Société mentonnaise de boissons, en profite pour informer qu’il ne travaille, à ce jour, qu’avec les délégataires avec qui il travaillait avant. La parole est à Isabelle Almonte: "Je suis partie de la DSP parce qu’on me l’a demandé: la mairie pensait qu’il pouvait y avoir un conflit d’intérêts du fait de ma profession [elle travaille aux impôts]. Mais du début à la fin, j’ai travaillé avec Cédric avec le même niveau d’information que lui donc je ne comprends pas ses attaques."
En appel avec deux plagistes
Où en est-on sur le plan judiciaire? Répondant à des questions écrites de Jean-Christophe Storaï et Stéphanie Jacquot, le maire retrace les faits: "Par des requêtes en date du 21 janvier, le préfet a déféré les lots de concession des plages 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 11 devant le tribunal administratif. Il demandait la suspension et l’annulation des contrats de sous-concession", lit-il. Glissant qu’au terme de la séance, qui s’est tenue le 3 février, les sept dossiers ont été mis en délibéré. Par ordonnances du 12 février, le TA a rejeté les déférés suspension du préfet pour les lots 2, 4, 10, 11. Pour les autres, il a suspendu l’exécution des sous-traités.
"La commune, dans une volonté de défendre la régularité des dossiers – considérant que les choses ont été faites parfaitement correctement, et qu’il n’y avait aucun favoritisme dans ces attributions – a décidé d’interjeter appel", poursuit-il. Deux plagistes – La French et la Pergola – accompagnent la Ville dans cette démarche. Mais Yves Juhel assure que la commune s’attachera à défendre la régularité pour les quatre sous-traités suspendus.
"Concernant l’annulation, les dossiers sont en cours de mise en état devant le TA de Nice", conclut-il. Tendant une dernière perche à Jean-Christophe Storaï pour le mot de la fin: "Sur ce dossier, le bilan est accablant. 57% des lots examinés par la justice ont été suspendus…"
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