Tribune libre. Vladimir Fédorovski: "Trump, Poutine et Ivan le Terrible"

Je suis persuadé que nous vivons la période la plus dangereuse de l’Histoire contemporaine. Alors que l’Ukraine manque d’effectifs et se retrouve dans une situation militaire critique, les Russes progressent. Ils ont de nouvelles armes terrifiantes, une fusée balistique Orechnik capable d’échapper aux systèmes de détection. Cette avancée significative change complètement la donne.

Les Ukrainiens pourraient tenter des actions spectaculaires, par exemple en Crimée, mais les Russes répliqueraient avec force. À dire vrai, nous sommes au plus proche du gouffre depuis la Guerre froide. Car cette fois-ci, il n’existe plus d’accords internationaux pour freiner le danger. Mais le Président Trump peut-il changer la donne grâce à ses contacts avec Vladimir Poutine?

J’explore dans mon livre trois aspects principaux: l’histoire unique de la Russie, la psychologie comparée des protagonistes, et leurs visions de la politique mondiale. Ce dialogue n’est pas inventé car il repose sur une longue enquête sur ce qu’a dit Poutine en petit comité, donnant un éclairage sur le passé, mais surtout des clés pour comprendre l’avenir.
Au couple hyper médiatisé Poutine et Trump, je rajoute d’une manière inattendue un troisième personnage -moins évident- venu des tripes même de la Russie éternelle, de l’époque très lointaine du XVIe siècle: le tsar Ivan le Terrible.

Dans sa récente action, Vladimir Poutine a tiré la morale de "l’histoire longue" de la Russie éternelle depuis Ivan le Terrible, qui fut le véritable fondateur du concept géopolitique russe actuel. Selon ce tsar, le destin de son pays est déterminé par "la géographie, l’histoire, la démographie sinon même par le climat".

Le message de ce monarque fut clair et sans aucune ambiguïté: la confrontation entre la Russie et l’Occident sera toujours inévitable, car ce dernier considérera cet immense pays orthodoxe (avec ses espaces et ses richesses minières infinies) comme une menace permanente existentielle.
Par conséquent, la Russie est obligée de "s’appuyer sur ses propres forces", de cultiver le concept "du château assiégé" et surtout s’orienter inévitablement vers l’Asie avec laquelle il est possible de trouver un modus vivendi…
Selon la formule d’Ivan le Terrible, "l’Occident, imbu de lui-même, nous méprise, et l’Asie nous traite avec respect…".

Il est incontestable que Poutine a parfaitement assimilé ce testament spirituel d’Ivan le Terrible. Au début de la guerre avec l’Ukraine, il a même démonstrativement fait le pèlerinage symbolique au monument dédié à deux figures emblématique de la Résistance à l’étranger de cette époque lointaine, Minine et Pojarski.

Poutine constate donc la perspective de la création de deux blocs opposés comme sous la Guerre froide, un Occident mondialisé-islamisé d’un côté, et, de l’autre, un bloc sino-russe nationaliste anti-Occident. Cette évolution-involution est comparable à celle de Pierre le Grand au début du XVIIIe siècle, mais en sens inverse: non plus une occidentalisation de la Russie, mais son asiatisation-désoccidentalisation selon les préceptes d’Ivan le Terrible, même si l’action de Trump face à Poutine, avec son caractère imprévisible, nous obligera sans doute à nuancer ces analyses. D’ailleurs, ils ont au moins un point commun: depuis longtemps ces deux leaders furent les personnages les plus diabolisés par le mainstream politico-mediatique occidental.

Quoi qu’il en soit, il est intéressant de se munir de ces clés au moment où on entend enfin un autre son de cloche au sein des élites américaines de plus en plus inquiètes pour l’économie nationale, la position chaque jour plus menacée du dollar, et leurs investissements en Ukraine.

Vladimir Fédorovski, écrivain d’origine russo-ukrainienne le plus édité en France, tient une conférence vendredi 26 septembre à 18 h au théâtre Alexandre-III à Cannes (19 boulevard Alexandre-III) autour de ses derniers livres "Trump, Poutine et Ivan le Terrible" et "D’Artagnan de Saint-Pétersbourg", parus aux éditions Balland.

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