Foires aux vins: comment les enseignes locales arrivent à rester compétitives et sortir du lot

Ces opérations promotionnelles sont soumises à rude concurrence. Pour rester compétitives et sortir du lot, les enseignes misent sur l’offre locale, sans renier les crus bordelais.

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Idelette Fritsch / ifritsch@nicematin.fr Publié le 21/09/2025 à 10:30, mis à jour le 21/09/2025 à 10:30
Photo Jean-François Ottonello

820 euros de carte de crédit laissés en caisse par un client, jeudi 11 septembre, pour la soirée inaugurale à Monoprix Cap 3000, à Saint-Laurent-du-Var. C’est moins que le montant déboursé en 2024 - 1.900 euros - par un acheteur passionné de vins.

Mais en ajoutant les 540 euros débités jeudi sur le compte bancaire d’un autre client, et l’invitation envoyée à 5.000 porteurs de la carte Monoprix, ces "petits ruisseaux" confortent le directeur, Philippe Falcone, dans l’idée qu’à l’arrivée, il aura une grande rivière: "Ces soirées, c’est un signe fort de la bonne santé de la foire. On a toujours de grosses ventes".

Prolongation, promotions…: des approches différentes

Les foires aux vins d’automne, qui s’échelonnent de fin août à mi-octobre dans l’ensemble des enseignes de la grande distribution - hypermarchés, supermarchés, discounters, etc. -, restent un temps fort pour les consommateurs. Pour les enseignes, c’est un moment clé pour faire marcher le tiroir-caisse.

En 2024, les bénéfices tirés de cette quinzaine promotionnelle représentent, pour le Monoprix Cap 3000, "30% du chiffre d’affaires annuel de notre rayon vins. Une bouteille sur trois vendues l’a été pendant l’opération", calcule Philippe Falcone, qui prévoit cette année une soirée de clôture (le 27 septembre).

"On le fait pour faire plaisir à nos clients, histoire de se retrouver une dernière fois pour dire symboliquement merci", précise-t-il. Et, il va sans dire, pour écouler les stocks.

L’enseigne urbaine de supermarchés joue donc les prolongations dans les quelque 433 magasins Monoprix en France. Une nouveauté de plus au cœur d’un système conçu pour devancer la concurrence, en se différenciant.

Ainsi, d’une enseigne à l’autre, les offres promotionnelles changent: pourcentage déduit sur la carte de fidélité, remise directe en caisse, deux cartons achetés - un offert, la deuxième bouteille à -50%…

Au cœur de cette logique différenciante, les vins doivent chaque année susciter l’envie, créer la surprise: belles cuvées, vins décalés, vins à moins de dix euros, vins labellisés bio, etc. Celui qui aura eu le nez creux pour flairer les nouvelles tendances de consommation raflera le gros des ventes.

Séduire la clientèle CSP+

Pour le Monoprix Cap 3000, la clientèle ciblée - "des CSP+ à fort pouvoir d’achat, connaisseurs, qui viennent reconstituer leur cave" - oriente forcément la construction du rayon.

Pour preuve, le succès rencontré cette année par les bordeaux dès les premiers jours de la foire: margaux, pomerol, pauillac, la totalité des cartons ont trouvé preneurs lors de la soirée inaugurale.

"On avait du lynch-bages, un client nous a pris tout le stock, sauf une bouteille que j’ai gardée pour moi, pour ma cave", raconte Philippe Falcone. Ce vin statutaire est devenu un emblème des foires chez Monoprix Cap 3000.

"Je suis rentré il y a 38 ans dans l’entreprise, et déjà, on l’avait en caisses de bois. Ça m’avait marqué, parce que tous les p.-d.g. du groupe voulaient cette référence et venaient l’acheter", se souvient le directeur.

Pour le patron, aucune raison de changer une recette qui gagne: parmi les 297 vins sélectionnés pour la foire, place aux rouges et aux blancs, avec en tête les bourgognes, les bordeaux et les champagnes.

Les vins "à ancrage local", fortement représentés le reste de l’année, passent au second plan. "J’ai cinq rosés et le blanc de La Sanglière. Jusqu’à il y a deux ans, je mettais les “locaux” en avant, mais ça faisait trop d’offres. Les clients savent qu’ils retrouveront ces références toute l’année, avec des réassorts réguliers. Ce qu’ils veulent pour les foires, c’est l’originalité."

Les locaux de l’étape d’abord

Au Carrefour de Puget-sur-Argens, le manager du rayon, Alexandre Verdoia, mise sur l’ultra-local pour séduire la clientèle. Photo Florian Escoffier.

Au Carrefour de Puget-sur-Argens, la logique est à l’opposé. Pour sa foire 2025, la centrale d’achat nationale de l’enseigne met en avant les crus classés de Bordeaux. On les retrouvera sur les rayons, mais l’offre locale (30 %) sera poussée dans les allées centrales.

"Notre volonté, c’est de démontrer qu’en grande distribution, on sait aussi jouer la proximité. Depuis un an, on a fait un gros travail de démarchage auprès des vignerons, pour accentuer nos références sur les vins de Provence", explique Alexandre Verdoia, manager du rayon depuis avril.

Son arrivée a été suivie d’un changement très apprécié de la clientèle: la pose de PLV (publicité sur le lieu de vente) dans le rayon vins.

Installés en juillet, ces supports, qui affichent la carte de proximité des vignerons, permettent de faire le tour du vignoble varois sans quitter les allées: domaine des Planes à 10 kilomètres du magasin, indique un panneau; château de Cabran à 8 kilomètres; ou encore château Rasque à Taradeau, à 29 kilomètres.

Un vin iconique, quasiment introuvable en grande distribution, qui a trouvé sa place au côté d’autres références prestigieuses: domaines Ott, cuvée "Lampe de méduse" du château Sainte-Roseline, ou encore la "Belle Poule" du château du Rouët, à Fréjus. On les retrouvera pour la foire, avec quelques effets de surprises spécifiques au Carrefour de Puget-sur-Argens.

"On est en pleine montée en gamme de notre offre vins, il va y avoir de très belles références sur la vallée du Rhône, l’Alsace, Bordeaux. L’ambition, c’est d’être vraiment différenciant", annonce Alexandre Verdoia.

Grosses promos pour les 50 ans de Super U

Gérant associé du Super U de Flassans-sur-Issole, Thibaut Dubus sélectionne les vins de Provence pour la centrale d’achat nationale de la coopérative U. Photo I. F..

"Je suis un petit magasin, j’ai donc un petit tract", annonce Thibaut Dubus, le propriétaire du Super U de Flassans-sur-Issole, dans le Centre-Var.

Pour la foire, ce passionné de vins "poussera" 148 références dont 29 Provence, en installant un îlot promotionnel à l’entrée du magasin.

"La difficulté pour des enseignes de notre taille, c’est qu’on n’a pas les moyens d’employer un caviste pour conseiller les clients. Or, le vin est un rayon compliqué pour les non-initiés. J’essaye, quand je le peux, d’animer la foire", confie-t-il.

Un détour dans les allées permet d’apprécier la curiosité affûtée de ce patron atypique. Avec 1.000 références à l’année, l’éclectisme est de rigueur: vin jaune du Jura, rares pouilly-fumé de Loire ou viré-clessé de Bourgogne, cuvées valorisées entre 10 et 15 euros et vins statutaires dorment à la même enseigne. Ou presque.

Les flacons les plus rares ont été sagement rangés dans une cave à vins, pour en assurer la conservation : billecart-salmon rosé à 69 euros la bouteille - "à mon avis l’un des meilleurs champagnes rosés", estime le patron -, Clos des fées Vieilles vignes 2021 à 29,50 euros (en rouge et en blanc), etc.

Avec des promos alléchantes pour les 50 ans de Système U: 15 à 25% de remise et jusqu’à 33% pour l’achat d’un carton (quatre bouteilles achetées, deux offertes). De quoi redynamiser le rayon, même sur les vins d’initiés.

La proximité pour faire baisser les prix

"J’ai très peu de clientèle pour ces vins-là, on n’est pas à Monaco! Mais ces clients sont précieux. Je ne trouve rien de plus frustrant que de rentrer dans un magasin et de ne pas trouver le vin qu’on cherche", défend Thibaut Dubus.

Son Super U cultive l’art du compromis: des vins rares, certes, mais surtout une politique favorisant les petits prix, grâce à des liens de proximité tissés avec les vignerons locaux.

"Ça permet de sourcer des vins qualitatifs avec des réapprovisionnements réguliers, c’est intelligent, écologique et ça donne du sens à ce qu’on fait", explique le patron.

L’expert, qui est aussi acheteur pour la centrale d’achat nationale de Système U, déguste, chaque année, les vins de Provence qui seront mis en avant pour la foire.

Comme ce rosé "Le Secret", un Côtes-de-Provence de la cave coopérative de Flassans-sur-Issole qui sort à 7,70 euros; ou, en IGP du Var, la cuvée "Entre amis", à 2,90 euros la bouteille. Un prix imbattable, négocié grâce à la proximité avec la même coopérative.

"Je travaille avec les viticulteurs toute l’année; j’aurai, sur cette offre spéciale foire, un réassort illimité. Leur cave est juste à côté", explique Thibaut Dubus.

Pour le patron, hors de question d’essorer les viticulteurs. En pleine crise des bordeaux, la polémique autour des vins bradés à 1,90 euro par le géant du discount Lidl lui hérisse le poil.

"On n’est pas sans foi ni loi. Détruire l’image d’un vignoble au creux de la vague, ce n’est pas notre came! Notre ADN chez Système U, c’est d’entretenir les liens avec les vignerons."

Chez Monoprix, un "Provence" à Paris

Pour la foire 2025, le blanc Signature d’Olivier, Pierre et Rémy Devictor a été sélectionné parmi les douze coups de cœur de Monoprix. Photo Luc Boutria.

Seul domaine de Provence sélectionné parmi les douze coups de cœur de Monoprix, La Sanglière sera mis en avant pendant toute la durée de la foire, dans la plupart des magasins de la chaîne. Une distinction qui a valu à Rémy Devictor de s’envoler pour Paris, pour la soirée inaugurale dans le 14e arrondissement.

Également à Paris pour ce traditionnel coup d’envoi des foires: les onze autres domaines distingués par l’équipe d’achat - 100% féminine - de Monoprix et les clients fidèles de l’enseigne, venus flairer la bonne affaire et faire leurs achats.

"On leur a fait déguster nos vins et raconté notre métier, ils ont écouté notre accent, on leur avait amené un peu de soleil et trois galéjades", rapporte Rémy Devictor.

Avec son frère Olivier et son fils Pierre, il dirige ce domaine familial à Bormes-les-Mimosas, dont les vins réputés poussaient déjà la porte des grandes et moyennes surfaces il y a trente ans.

"On a commencé par un magasin de proximité, très local, puis ça s’est agrandi à la région Paca. Mais on n’est pas vraiment présent au national, l’opportunité ne s’était pas présentée", explique Rémy Devictor.

Alors, quand la sollicitation de Monoprix arrive dans sa boîte mail, le 12 mars, il saute sur l’occasion. "Ils nous ont proposé de participer à la sélection, on a échantillonné nos vins qui ont été dégustés à l’aveugle, une première fois parmi 1.600 références nationales, puis une seconde fois pour les coups de cœur retenus (à l’unanimité du jury) sur les 297 vins de la foire. Ils jugent la qualité, le packaging, le positionnement prix."

La cuvée Signature blanc 2024 sort donc du lot, mais aussi sa version en rosé sélectionnée parmi les 297 références foire chez Monoprix. Un vin ensoleillé, enjôleur, pour offrir plus que trois galéjades aux acheteurs de l’enseigne urbaine.

La Douce 2024

Une cuvée qui porte bien son nom. Cette exclusivité du Carrefour de Puget-sur-Argens, développée avec la cave coopérative de Vidauban, joue la proximité et la qualité. Un blanc qui, à ce prix, réunit en sus la prouesse d’être travaillé en cave: élevage sur lies, apport de bois. Pour les amateurs de blancs opulents, il tient ses promesses : épices et vanille au nez, matière ronde et équilibrée en bouche.

Côtes de Provence blanc, 5,95 euros.

Signature 2024

Coup de cœur de Monoprix en 2025, cette cuvée Signature des frères Devictor, qui représente l’entrée de gamme des vins du domaine, séduit par son caractère enjôleur, typé Côtes de Provence, à un prix très abordable. "Il doit être frais et expressif au nez, rond et savoureux en bouche, avec une fraîcheur signée par notre terroir, des micaschistes de bord de mer", explique Olivier Devictor, le vigneron de la fratrie.

Côtes de Provence blanc, domaine La Sanglière, 8,95 euros.

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