"Mon dernier Dakar sur deux roues", on a rencontré le pilote David Casteu après son come-back dans le désert

De retour en piste neuf ans plus tard pour négocier le cap de la cinquantaine, David Casteu est allé au bout de son rêve dans le désert saoudien. Cette fois, le Niçois tourne vraiment la page.

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Gil Léon Publié le 27/01/2025 à 21:00, mis à jour le 27/01/2025 à 21:00
David Casteu: "On m’a remis un superbe trophée qui symbolise parfaitement le chemin parcouru". Photo ASO/DPPI

Il est revenu, il a vu, il a vaincu. Attention, n’allez pas croire que David Casteu est enfin parvenu à apposer son empreinte sur les tablettes du Dakar à 50 ans! Deuxième en 2007, leader malheureux en 2013, celui qui se battait naguère contre Cyril Després et Marc Coma ne visait rien d’autre que l’arrivée, cette fois, au guidon de la KTM 450 chevauchée pour un come-back lui tenant particulièrement à cœur. Après avoir coupé le contact durant près d’une décennie, le quinqua niçois a atteint sa cible: 64e position (54e de la catégorie Rally 2). Une semaine plus tard, il rembobine le film de cette première traversée en apnée de l’Arabie saoudite. La dernière à moto, sûr et certain.

David, peut-on dire que le challenge est réussi?

Oui. Pas seulement parce que je suis allé au bout de cette édition difficile, tellement longue. Aujourd’hui, je retiens surtout les grands moments de vie, de partage, enchaînés quotidiennement deux semaines durant. L’accueil reçu là-bas m’a vraiment fait chaud au cœur. Pilotes, équipes, organisation, médias: tout le monde était content de me revoir faire un bout de chemin au guidon. Je garde en mémoire de très belles rencontres. Quand un grand monsieur tel que Jacky Ickx vous prend dans ses bras, vous adresse des mots touchants, ça signifie que vous avez marqué les esprits, l’histoire du Dakar. C’est une marque de reconnaissance qui donne le frisson.

Et sportivement?

Challenge relevé aussi car j’ai énormément appris au contact de toute cette nouvelle génération de pilotes évoluant en Rally 2 avec l’ambition de décrocher un guidon d’usine au top niveau, dans la catégorie reine. Des jeunes loups qui roulent très vite, croyez-moi! Et par la même occasion, je me suis familiarisé avec la navigation de maintenant, hyper pointue, très précise, sur un parcours ô combien exigeant.

Justement, tout le monde dit qu’il s’agissait du Dakar le plus dur en Arabie saoudite. C’était aussi éprouvant que le Dakar africain de vos débuts?

Impossible de comparer parce que la discipline a changé, évolué. À l’époque, avec les grosses motos, ils ne pouvaient pas nous envoyer dans des endroits techniques. On tirait droit en mettant la poignée dans le coin, on naviguait comme des marins. Désormais, tout est super calibré. Les kilomètres défilent beaucoup moins vite. Le tracé tourne sans cesse. Ils vous font traverser des petits canyons, à droite, à gauche, des champs de caillasse casse-gueule, à 15 ou 20km/h! Mieux vaut suivre le roadbook à la lettre pour ne pas manquer un "way point". Bref, c’est un autre monde, un effort différent. Et franchement, pour répondre à votre question, ce fut l’une des courses les plus difficiles de ma carrière. Pas à cause de mon âge, attention!

Vous faites référence à la galère de l’étape 6?

Entre autres... C’est le seul jour où je perds beaucoup de temps. La faute à pas de chance. Au kilomètre 42, une pierre vient heurter ma chaîne. Un maillon part dans le carter moteur et endommage la boîte de vitesses. Droit devant, il y a 550 bornes de spéciales, des gros cordons de dunes, à engloutir sans les trois premiers rapports. Je roule la peur au ventre, en craignant de rester sur le carreau à tout instant. Finalement, j’arrive au bivouac à 2 heures du mat’. L’équipe remet la machine en état illico. Super boulot! Et je reprends la piste dans la foulée, à 6 heures...

Sans cette mésaventure, quel résultat auriez-vous obtenu?

J’aurais fini au milieu des pilotes avec qui je traçais ma route régulièrement. Aux alentours de la 25e place. Pas au-delà du top 30. Après neuf ans de coupure, à cinquante balais, bien entraîné, c’était la cible que je visais. Pas question de prendre des risques pour tenter d’aller un peu plus haut.

Séduit par l’étape "48h chrono"?

Concept incroyable... Et quel tour de force pour l’organisation! Il y a cinq campements établis en plein désert, au milieu de nulle part. À l’instant de s’arrêter, il ne vous manque rien. On vous fournit la tente, le duvet, la ration de survie. Pendant deux jours et une nuit, hormis la soirée entre pilotes autour du feu, vous êtes en tête à, tête avec votre machine. Vous devez gérer votre progression, la mécanique, sur une distance XXL (967km chronométrés, ndlr). C’est un vrai temps fort. Une idée géniale!

Et les parcours séparés pour les autos et les motos?

Pareil! Cette innovation va dans le bon sens. D’un côté, de nombreux pilotes moto se sentent plus en sécurité car ils ne sont plus rattrapés et dépassés. De l’autre, ça corse la difficulté pour les cadors de la course auto qui ne peuvent plus simplement suivre les traces des deux roues. Double effet positif! Moi, je salue le travail de David Castera et son équipe. On vient de faire un très beau Dakar. Bravo!

L’Australien Daniel Sanders a dominé la course moto de bout en bout. Impressionné?

Ah oui! Surpris de le voir transfiguré de la sorte. Je ne le pensais pas capable de gagner car il était un peu chien fou. Là, on a découvert quelqu’un d’autre, un pilote d’un calme olympien, maîtrisant tout de A à Z, au-dessus du lot. Le team KTM l’a très bien coaché. Et KTM lui a surtout fourni une machine de guerre. Une moto presque complètement nouvelle dont il est parvenu à tirer la quintessence pour maintenir l’armada Honda derrière lui et remettre la marque au sommet. Juste au moment où celle-ci traverse une crise financière. Ça fait plaisir.

Qu’est-il advenu des cinq autres membres du team Casteu engagés dans cette 47e édition?

Seul Peter Brabeck (l’ancien PDG de Nestlé) a vu l’arrivée. À 80 ans, il disputait son quatrième Dakar Classic au volant d’un Mitsubishi Pajero piloté autrefois par Jutta Kleinchmidt. Course magnifique! L’autre Pajero (Andres Brabeck) s’est arrêté après un tonneau. Quant aux trois motards (Alexandre Vaudan et les frères Arnaud et Bertrand Domet), ils ont tous abandonné durant la première semaine. Des chutes, des problèmes physiques... Sur un parcours aussi exigeant, ils savaient que le défi serait ardu.

Et maintenant? David Casteu a remis le doigt dans l’engrenage donc on doit s’attendre à le voir enchaîner une quinzième participation en janvier 2026, non?

Peut-être, mais pas au guidon. Sur le podium final, à Shubaytah, en présence de toute mon équipe, on m’a remis un superbe trophée qui symbolise parfaitement le chemin parcouru. De quoi dissiper les derniers doutes. Voilà, à cet instant, je me suis tourné vers ma femme et je lui ai annoncé que j’allais arrêter de lui donner du tracas. Ce 47e Dakar, c’est mon dernier sur deux roues. Sûr et certain.

Pourquoi?

Parce que je suis allé au bout du rêve. Ce retour, on l’a préparé ensemble durant un an et demi. Je me suis entraîné, j’ai perdu 15 kilos, on a enchaîné quatre rallyes en 2024 pour être prêt. Rallier l’arrivée, il s’agissait du but ultime. Objectif atteint. J’ai eu une belle carrière. À présent, je mène de front plusieurs activités liées à ma passion: la conduite du team Casteu, l’organisation du Casteu Trophy. Alors stop! Je n’ai pas envie de faire la course de trop.

Et le Dakar sur quatre roues, ça vous tente?

On y réfléchit. Pourquoi pas en SSV? Plusieurs pilotes moto, en particulier "Chaleco" Lopez et Xavier de Soultrait, ont choisi de bifurquer sur cette voie. Avec succès puisqu’ils se battent devant. Normalement, j’ai trois bons clients intéressés par le prochain Dakar en catégorie T4. Il n’est pas exclu que je tente l’expérience à leurs côtés. Sans prétention au classement. Juste pour assurer l’assistance rapide. En porteur d’eau, quoi!

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