Victime la veille, prévenue le lendemain.
Une jeune femme de 22 ans a comparu menottée à l’audience de flagrance pour s’être vengée.
En effet, le 8 septembre, son copain avait tourné une vidéo à caractère sexuel, à son insu. L’individu avait ensuite transmis intentionnellement ces images à un contact via Instagram.
Humiliée, la réaction de la victime ne s’est pas fait attendre.
Le jeudi 10 septembre, vers minuit et demi, après avoir bu exagérément et ruminé sa vengeance, la jeune femme se rend dans l’établissement où travaille l’offenseur. Elle saisit un verre à pied sur une table et frappe l’homme de 31 ans au visage. Comme il présentait des plaies importantes au niveau de l’arcade frontale, les services de secours l’ont transporté au CHPG. Bilan de l’opération : quatorze points de suture et cinq jours d’ITT.
« Il ne faut pas se faire justice soi-même »
En pleurs et traumatisée au moment de s’expliquer à la demande de la présidente Françoise Barbier-Chassaing, l’intéressée reconnaît les faits reprochés. Elle évoque une brève relation, suivie d’une rupture totale après l’épisode de la vidéo. Le plaignant est également présent. Le sommet de la tête entièrement bandé, il s’excuse d’avoir commis un acte odieux. Comme il a déposé plainte, il n’oublie pas de réclamer une provision de 1 500 e en attendant l’audience sur intérêts civils.
En feuilletant le dossier, la magistrate essaie de comprendre le contexte de l’affaire. Et de rappeler une condamnation à deux mois avec sursis en janvier 2019 pour conduite en état d’ivresse et outrages. « Vous n’êtes plus accessible à un nouveau sursis, annonce-t-elle à la prévenue. Et vous avez un problème avec l’alcool. Car dans l’affaire de ce jour, vous présentiez un taux de 1,14 mg par litre d’air expiré. »
L’analyse de la personnalité de la détenue est plus ciblée par le premier substitut Cyrielle Colle à l’heure des réquisitions. Elle est présentée comme une femme ayant eu une enfance difficile, dont le passé a été pris en considération. « Le fait de la filmer est une violation de la vie privée. Il lui suffisait de déposer plainte et d’être alors une victime. Il ne faut surtout pas se faire justice soi-même. Prononcez six mois d’emprisonnement avec liberté d’épreuve, obligation de soins pendant trois ans et indemnisation de la victime. »
« Elle devrait être de l’autre côté de la barre »
L’objectif de la défense ? Sauver la jeune Monégasque d’une éventuelle peine de prison, si les juges en décidaient autrement. Alors, Me Erika Bernardi plaide avec beaucoup de sensibilité. « Comprenez l’humiliation subie par ma cliente de se voir dans de telles postures avilissantes sur les réseaux sociaux, lance l’avocate avec conviction. Même si le viol de sa vie privée a été éphémère, évitez de la faire retourner dans les geôles du Rocher. Elle devrait être de l’autre côté de la barre… »
Le tribunal a entendu le message du ministère public et appliqué la sanction requise, et ordonné également le versement de la provision de 1 500 e.
L’affaire n’est peut-être pas terminée pour autant. Dans l’hypothèse où la jeune Monégasque porterait plainte pour atteinte à la vie privée, en France, lieu de la commission de cette infraction, le parquet général de Monaco serait compétent pour ouvrir une enquête, la victime étant de nationalité monégasque.
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