Une partie de l’argent détourné sur les comptes en banque de la société publique locale des Ports de Menton (SPL) - quelque 700.000 euros selon deux audits sur la gestion des ports - a-t-elle circulé en liquide? Notamment pour un voyage en Corse datant d’octobre 2022, qui intéresse particulièrement les enquêteurs en charge de l’affaire Messina, ce dossier qui a fait l’effet d’une bombe à Menton?
L’ex-directeur de cabinet de Menton parmi les gardés à vue
Le 2 juillet, les Services interdépartementaux de la police judiciaire (SIPJ) de Corse et des Alpes-Maritimes opéraient un vaste coup de filet sur l’île de Beauté et le continent, sous la houlette du parquet de Marseille, au titre de la juridiction interrégionale spécialisée économique et financière.
14 personnes étaient interpellées et placées en garde à vue, à Nice ou encore à Bastia. Parmi elles, Mathieu Messina, l’ancien p.-d.g. de la SPL, et le maire de Menton Yves Juhel. Mais aussi l’épouse de ce dernier, le directeur des trois magasins Spar de la famille Messina, Sabine Guido, directrice administrative des ports, un prestataire, le patron d’une société d’élagage qui a travaillé pour la SPL, ou encore le comptable... Ainsi que Christophe Ettori (1) et sa femme, les patrons du KOS, ce restaurant de plage à Ajaccio qui ressort dans les audits sur la gestion des ports de Menton.
La SPL, sous la présidence de Mathieu Messina, a payé un « évènement » quelque 34 000 euros. Mais, l’évènement a été annulé en raison du temps. Le KOS aurait proposé de rembourser la SPL, selon une source proche du dossier. Qui assure que la nouvelle p.-d.g., Marinella Giardina, arrivée après le limogeage du Corse de 39 ans, n’a jamais donné suite.
Enfin, Franck Giovanucci, l’ancien directeur de cabinet d’Yves Juhel, a été lui aussi placé en garde à vue. Il est aujourd’hui conseiller auprès du maire de Grosseto-Prugna Porticcio.
Tous libérés
Tous sont ressortis libres de garde à vue, sans qu’aucune charge ne pèse contre eux, à ce stade de l’enquête. Mais les investigations sont loin d’être terminées, dans le cadre de l’enquête ouverte pour « détournement de fonds publics et recel, blanchiment en bande organisée et faux et usage de faux ».
Outre la campagne électorale de 2022 du candidat Yves Juhel, dont certains frais auraient pu, selon nos informations, être réglés par la SPL, les policiers sont sur la trace d’argent liquide, dépensé en Corse, alors que le maire était en vacances en famille.
1. Christophe Ettori et Mathieu Messina, anciens dirigeants du club de foot GFCA, Le Gazelec Ajaccio, ont tous deux été condamnés en mars 2023 à des peines de prison, ainsi qu’à une inéligibilité, pour "travail dissimulé" et "abus de biens sociaux". Mathieu Messina a fait appel de sa condamnation.
Billets d’avion, restaurants, hôtels: ces dépenses suspectes à Ajaccio et Calvi
Les enquêteurs ont réalisé un travail de fourmi pour tenter de comprendre comment a été dépensée une partie de l’argent détourné à la SPL. Outre les fausses factures, les vraies-fausses factures, les dépenses faramineuses en truffes, champagne, voyages, hôtels, produits de luxe, etc., un séjour en Corse en octobre 2022 les a interpellés.
"5.000 euros en cash"
Pendant une semaine, Yves Juhel et son épouse ont séjourné sur l’île de Beauté. Billets d’avion, voiture de location, hôtels à Calvi et à Ajaccio, restaurants : selon nos informations, tout ou partie de ces dépenses aurait été payé en liquide, sans que des mouvements financiers n’apparaissent sur les comptes en banque du maire de Menton. Selon une source proche du dossier, les policiers se sont rendus dans de nombreux commerces et auraient comptabilisé entre "5.000 et 6.000 euros" d’achats en cash.
Yves Juhel n’a pas souhaité réagir, renvoyant à son avocat, Maître Philippe Soussi. Ce dernier ne s’est pas exprimé sur ce point, mais a déjà à de nombreuses reprises rappelé "le principe de présomption d’innocence", affirmant que "tout dans cette affaire [lui] fait penser à un lamentable règlement de comptes politique".
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