Quand François Ier, prisonnier des Espagnols, longeait la Côte d’Azur à bord d’une flotte de 21 galères

Il y a exactement cinq cents ans, le roi de France capturé à la bataille de Pavie fut amené en Espagne en longeant nos côtes.

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André Peyregne Publié le 21/06/2025 à 15:00, mis à jour le 21/06/2025 à 15:00
Il y a exactement cinq cents ans, le roi de France capturé à la bataille de Pavie fut amené en Espagne en longeant nos côtes. Photo DR

C’était au début du mois de juin, il y a 500 ans, en cette saison où l’été s’approche et où la lumière tombe drue sur la mer. Ce matin-là, une étrange flotte se présenta au large de nos côtes. Vingt-et-une galères fendaient la Méditerranée dans l’éclat du soleil. Au centre, un vaisseau portait des voiles noires. Il transportait un prisonnier pas ordinaire: le roi de France François Ier. Il avait été fait prisonnier à la bataille de Pavie, en Italie, le 24 février 1525 – la fameuse bataille où il s’était écrié: "Tout est perdu fors l’honneur".

Venue de Gênes, la flotte se dirigeait vers l’Espagne. Les voiles du bateau de François Ier étaient noires en signe de deuil. Son épouse Claude était morte au mois de juillet précédent, à l’âge de 24 ans, après lui avoir donné sept enfants.

Ennemi de Charles Quint

François Ier était ennemi du roi d’Espagne Charles Quint depuis qu’en 1519 il était devenu souverain du Saint Empire romain germanique. En 1524, ses troupes venues d’Italie avaient en vain essayé de prendre la ville de Marseille. Lors de leur passage par notre région, elles avaient causé des ravages considérables dans les villes d’Antibes, Grasse, Fréjus, Draguignan, Brignoles, Saint-Maximin. Voyant Charles Quint en échec devant Marseille, François Ier avait pensé que le moment était venu de lui reprendre le Milanais. Mal lui en prit. C’est à cette occasion qu’eut lieu la triste bataille de Pavie.

Capturé, blessé au visage et à la jambe, François Ier fut contraint de remettre son épée à un traître, le Français Charles de Lannoy qui était passé du côté de Charles Quint et était devenu vice-roi de Naples. François Ier fut d’abord incarcéré dans la forteresse de Pizzighettone près de Crémone. Mais il fallait le transférer ailleurs. Lannoy envisagea de l’emprisonner chez lui, à Naples. Le transfert fut entrepris le 17 mai. Trajet humiliant pour le roi de France! Blessé, fiévreux, traînant le pas sous sa couronne abandonnée, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Parfois, il était même porté à dos de mule. Le roi de France!

Un transfert périlleux

Arrivé à Gênes, François Ier exprima le souhait d’être amené en Espagne pour retrouver son ennemi Charles Quint les yeux dans les yeux. Satisfaction lui fut accordée.

Il fallut donc organiser le transfert vers l’Espagne. Ce n’était pas chose simple. La Méditerranée était infestée de corsaires. On craignait une attaque de l’amiral génois Andrea Doria, qui était allié de François Ier. La marine française pouvait également décider d’assaillir la flotte espagnole. La mère de François Ier, Louise de Savoie, qui gouvernait la France pendant la captivité de son fils, en avait envisagé l’éventualité et donné ordre au conseiller du royaume le duc Anne de Montmorency (Anne, prénom masculin) de s’y préparer en réunissant une armée navale en Méditerranée. Sur le trajet, un seul état n’était pas hostile à l’Espagne: Monaco qui, depuis 1524, était sous tutelle espagnole, sous la protection de Charles Quint.

Au large de Villefranche- sur-Mer, Nice, Toulon...

La flotte espagnole ne disposait que de quinze galères. Elle n’était pas assez importante pour entreprendre une expédition aussi périlleuse. C’est alors que François Ier accepta de mettre à disposition six galères françaises supplémentaires. Six navires français allaient donc escorter la captivité de leur roi! Le nombre de navires fut ainsi porté à vingt-et-un. Les galériens étaient français mais, on s’en doute, la garde militaire chargée de surveiller le roi était espagnole.

La flotte largua les amarres le 9 juin à Gênes. Le 10, elle se présenta au large de Villefranche-sur-Mer puis de Nice. La nouvelle de son passage l’avait précédée. Tout au long du rivage, sur les balcons fleuris et les chemins bordés d’oliviers, les curieux regardaient au loin. Ce n’était pas leur souverain – Villefranche et Nice étaient terres de Savoie – mais c’était un roi tout de même, et les rois ne passaient pas tous les jours le long de leurs côtes! Le lendemain – cette fois-ci on était en France –, la flotte espagnole passa au large de Toulon. Du haut des remparts de la ville, on essayait d’apercevoir le bateau de François Ier. On imaginait le souverain affaibli, le regard perdu dans le sillage de sa gloire déchue. La mer le portait encore, roi sans sceptre mais roi toujours.

Puis, la flotte s’éloigna. Elle s’effaça à l’horizon, emportant avec elle un peu d’histoire de France dans la chaleur d’un nouvel été.

Le roi s’est-il arrêté à Villefranche?

Certains récits historiques anciens font état d’une escale du roi captif François Ier à Villefranche-sur-Mer. Mais ce fait n’est pas accrédité par les historiens modernes.

Après avoir longé nos côtes, le convoi maritime gagna Barcelone le 17 juin. François Ier y demeura prisonnier deux mois avant d’être reçu par Charles Quint à Madrid le 19 août. Le roi de France resta détenu en Espagne jusqu’à la signature, le 14 janvier 1526, du Traité de Madrid. Par ce traité, François Ier cédait à Charles Quint le duché de Bourgogne et le Charolais, renonçait à toute revendication sur l’Italie, les Flandres et l’Artois. De plus, le roi de France s’engageait... à épouser la sœur de Charles Quint, Éléonore de Habsbourg, afin de rapprocher l’Espagne et la France. François Ier fut libéré en échange de la captivité de ses deux fils aînés âgés de 7 et 6 ans, le dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II).

Les effets du Traité de Madrid durèrent dix ans. Après quoi la guerre reprit. En 1536, les troupes de Charles Quint traversèrent à nouveau notre région et la saccagèrent sur leur passage.

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