Quand Monaco s’intéressait à la Vuelta (Tour d’Espagne) dès le XVIe siècle
Petit rappel du passé espagnol de la Principauté, au moment où on apprend qu’elle accueillera en 2026 le départ de la course cycliste de la Vuelta.
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André PeyrègnePublié le 13/09/2025 à 17:05, mis à jour le 14/09/2025 à 11:28
Comme Augustin Grimaldi en voulait au roi de France François 1er, il se tourna vers le roi d’Espagne Charles Quint (notre photo).
photo DRDR
Tout a commencé le 22 août 1523, à la suite de l’assassinat de Lucien Grimaldi (voir notre édition de Monaco-Matin du 7 septembre).
Son fils Honoré étant âgé de... 9 mois, c’est son frère Augustin Grimaldi, évêque de Grasse, qui prit sa succession en tant que seigneur de Monaco. (On ne disait pas prince mais seigneur à l’époque).
Cela se fit en accord avec le pape Clément VII. Comme Augustin Grimaldi en voulait au roi de France François 1er d’avoir tout fait pour l’empêcher de mettre la main sur l’assassin de son frère, il chercha un nouveau protecteur en la personne du roi catholique d’Espagne Charles Quint, futur empereur du Saint Empire Romain-Germanique. Monaco se tourna alors vers Madrid et signa en 1524 le Traité de Tordesillas.
Base navale de Charles Quint
La vie va changer dans la petite seigneurie monégasque. Peuplée d’un millier d’habitants vivant de l’agriculture, de la pêche, de la cueillette et des arbres fruitiers, elle voit arriver une garnison espagnole qui s’installe sur le Rocher. Monaco devient une base navale pour Charles Quint.
Celui-ci s’en servira pour amener des troupes à la bataille de Pavie contre François 1er en février 1525. (La célèbre bataille où le roi français, vaincu, prononça la phrase "Tout est perdu fors l’honneur!").
Le 5 août 1529, alors qu’il se rend en Italie pour se faire couronner empereur par le pape Clément VII, il fait halte à Monaco et est accueilli en grande pompe pendant quatre jours.
Les protecteurs espagnols
Monaco apprend à vivre avec ses Espagnols. Le matin, dans les ruelles, les femmes qui sortent avec des jarres pour aller chercher l’eau à la fontaine croisent les soldats aux casaques rouges et aux moustaches cirées. Sur la place, devant l’église Saint-Nicolas (l’ancienne cathédrale), l’air sent le pain chaud, car les fours tournent à plein pour nourrir les familles et les militaires. Les boulangers se plaignent: la garnison consomme beaucoup, parfois sans payer. Les impôts et charges augmentent: il faut faire vivre les Espagnols!
À midi, les cloches appellent à l’angélus. On voit passer le futur prince Honoré, qui a pris de l’âge, mais est toujours un enfant. Il salue de la main quelques notables. Derrière lui se profile toujours l’ombre des capitaines espagnols, ces "protecteurs" qui rappellent à tous que l’autorité vient de Madrid.
Le soir, un coup de canon secoue le sommeil des Monégasques. "Une voile ennemie à l’horizon!" entend-on crier. Sont-ce des corsaires barbaresques venus d’Alger, une escadre savoyarde ou même française?
Les Espagnols accourent en armes dans les rues. Leurs ordres claquent: "Arriba! A las murallas!". Les habitants se terrent chez eux, éteignant les feux pour ne pas offrir de cible. Du haut du Rocher, on aperçoit au large une voile sombre. Et puis, au bout d’un long moment d’angoisse, la voile disparaît dans la nuit. Cette fois-ci, ce n’était qu’une fausse alerte!
Superbe affront!
Les années passent. La vie avec les Espagnols est de plus en plus pesante.
Lorsqu’Augustin Grimaldi meurt, en 1532, Honoré 1er n’a que 10 ans et n’est toujours pas en âge de régner. Le pouvoir revient donc à son cousin Étienne Grimaldi qu’on appellera le "Gubernant", le "Gouverneur".
Celui-ci est de moins en moins conciliant avec les Espagnols. Lorsqu’en 1538 Charles Quint vient à Nice pour signer une paix avec son ennemi François 1er en présence du pape Paul III, Monaco refuse de l’accueillir. Superbe affront! L’empereur espagnol, furieux, est obligé de stationner sa flotte dans la baie de Villefranche-sur-Mer. (Il y tombera à l’eau – mais ceci est une autre histoire!)
Hercule 1er assassiné.
La situation empire. Pour l’Espagne, les seigneurs monégasques successifs ne sont que des vassaux. C’est le cas d’Honoré 1er, qui a enfin pris le pouvoir en 1723, de son fils Charles II, de 1782 à 1789, et d’Hercule 1er, frère du précédent, de 1789 à 1604. Le peuple monégasque n’apprécie pas – mais pas du tout! - qu’Hercule 1er épouse Marie Landi, parente du roi d’Espagne. Le 29 novembre 1604, il est assassiné devant le numéro 15 de l’actuelle rue comte Félix Gastaldi.
Le fils d’Hercule 1er, Honoré II, n’ayant que 6 ans, le pouvoir est confié à son oncle Federico Landi. Lui, bien sûr, est acquis à la cause espagnole.
Monaco devient principauté
Mais lorsqu’Honoré II a atteint la majorité et prend le pouvoir, les choses changent. D’abord, il transforme la seigneurie de Monaco en principauté. Il portera désormais le titre de prince. Et ce prince en a assez du joug espagnol!
Seul, dans son palais, il ne supporte pas de recevoir des ordres des capitaines espagnols. Il engage alors des négociations secrètes avec la France. Louis XIII et le cardinal Richelieu se réjouissent. Un soir, Honoré II prend une incroyable décision: chasser lui-même, avec son fils et quelques domestiques, pistolet au point, la garde espagnole de son palais. Cela se passe dans la nuit du 17 novembre 1641 (lire ci-dessous).
La présence espagnole prit fin en 1641. Le Traité de Péronne replaça Monaco sous tutelle française. Les vieilles rancœurs espagnoles sont englouties depuis bien longtemps dans les oubliettes de l’Histoire. Les relations amicales ont été retrouvées. Et c’est ainsi que la Vuelta partira de Monaco le 22 août prochain.
Crédit photo Web uniquement.
La nuit du 17 novembre 1641
Dans la nuit du 17 novembre 1641, Honoré II et son fils chassèrent manu militari les derniers membres de la garde espagnole qui se trouvaient dans son palais. Vers minuit, Honoré II s’entretient à voix basse avec ses hommes de confiance: quelques gentilshommes, des serviteurs sûrs, et des officiers déjà gagnés à sa cause. Lui-même et son fils Hercule, 18 ans, s’arment de pistolets. Les Espagnols, sûrs de leur autorité séculaire, ne soupçonnent rien.
Les Monégasques se présentent aux postes de faction, prétextant une relève ordinaire. La surprise est totale du côté des Espagnols: au détour des corridors du palais, ils sont désarmés avant même d’avoir crié l’alerte. La garnison est neutralisée.
On rassemble les gardes madrilènes à la lueur des torches. Au matin, sur les remparts, le drapeau aux armes des Grimaldi remplace l’étendard espagnol. Honoré II rendra à l’Espagne la Toison d’Or dont il avait été décoré en 1625. C’en était fini du joug espagnol sur la Principauté. La France allait déployer mille fastes pour accueillir à nouveau Monaco dans son giron.
Dans la nuit du 17 novembre 1641, Honoré II et son fils chassèrent manu militari les derniers membres de la garde espagnole qui se trouvaient dans son palais. Vers minuit, Honoré II s’entretient à voix basse avec ses hommes de confiance: quelques gentilshommes, des serviteurs sûrs, et des officiers déjà gagnés à sa cause.
Lui-même et son fils Hercule, 18 ans, s’arment de pistolets. Les Espagnols, sûrs de leur autorité séculaire, ne soupçonnent rien. Les Monégasques se présentent aux postes de faction, prétextant une relève ordinaire. La surprise est totale du côté des Espagnols: au détour des corridors du palais, ils sont désarmés avant même d’avoir crié l’alerte. La garnison est neutralisée. On rassemble les gardes madrilènes à la lueur des torches.
Au matin, sur les remparts, le drapeau aux armes des Grimaldi remplace l’étendard espagnol. Honoré II rendra à l’Espagne la Toison d’Or dont il avait été décoré en 1625. C’en était fini du joug espagnol sur la Principauté. La France allait déployer mille fastes pour accueillir à nouveau Monaco dans son giron.
La rançon d'un roi de France
Après sa défaite face à Charles Quint lors de la bataille de Pavie, le 24 février 1525, François Ier est capturé et emprisonné à Madrid pendant un an. Il transmet alors ce mot à sa mère, Louise de Savoie: "De toutes choses, ne m’est demeuré que l’honneur et la vie sauve."
Pour recouvrer sa liberté, il signe le traité de Madrid dans lequel il renonce à ses ambitions en Italie et livre ses deux fils, le dauphin François et son frère Henri, duc d’Orléans, en otages comme garantie jusqu’en 1530.
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