Un sourire s’esquisse, les yeux se ferment, ses mèches rousses s’enivrent, ses doigts filent à mille à l’heure sur les touches… et la magie opère. Derrière son piano, Sarah Coponat improvise. Sa marque de fabrique. La Sanaryenne séduit des internautes du monde entier grâce à la plateforme Twitch. Trois fois par semaine, elle se connecte et propose des concerts ou des morceaux à ses abonnés, qui peuvent aussi échanger avec elle. Une notoriété qui lui permet également de remplir des salles, en France comme à l’étranger.
"Ce que j’aime avec l’improvisation, c’est que je trouve un chemin direct vers l’émotion. Ce n’est pas rationnel ni conscient", confie celle qui sera en concert à Paris, à la salle Cortot le 4 octobre. "J’imagine plein de choses quand je joue, ça peut être visuel ou sensoriel. Parfois, je me sens comme prise dans une tempête, dans un film. Quand je fais de grandes envolées, j’ai l’impression d’incarner les violons, les cordes, les voix", sourit la pianiste.
Quand elle se lance, elle compare cela à la sensation d’un enfant courant dans une pente. "On peut tomber, mais en même temps, pas vraiment, on ne contrôle plus tout à fait et il faut lâcher prise." Lors de ses représentations, elle s’assoit, sans partition. Un post-it, scotché au sol, lui sert de fil conducteur. Alors, quand on lui demande de définir son univers, la jeune femme précise: "Entre le néo-classique et la musique de film. C’est une musique qui suggère des images et des émotions. Il y a aussi une touche de musique du monde."
La liberté de créer
L’histoire d’amour entre Sarah et son instrument remonte à son plus jeune âge. Avec son frère, Sébastien, ils ont toujours été bercés par la musique. "Quand elle était enceinte, notre mère jouait des morceaux au piano en se disant “a doit bien sonner dans le ventre" », soufflent-ils en chœur. à 3 ans, elle prend ses premiers cours avec la professeure qui avait enseigné l’instrument à sa mère et sa grand-mère, du côté de Carnoux. Coup de cœur immédiat. .Très vite, Sarah compose ses premiers morceaux. "La pratique du piano n’a jamais été une contrainte. J’ai toujours eu envie d’aller plus loin." Elle poursuit ses gammes au conservatoire de Marseille mais peine à s’épanouir. "À 18 ans, je composais énormément. J’avais besoin d’exprimer cette partie de moi. Et le cadre classique du conservatoire ne m’a pas permis de le faire. Du coup, j’ai préféré faire cavalier seul et continuer dans mon univers. " Élève brillante, elle poursuit ses études en maths sup, puis en master en droit. Mais ce n’est pas sous ces sphères-là que Sarah se sent vivre. "Je composais plus que je ne révisais. Je n’étais pas à ma place, je voulais être sur scène…"
Alors, il y a quatre ans, elle plaque tout. Sans autre ambition que de jouer. Elle rentre au bercail. "J’ai dit: 'Salut maman, je reviens, je vais faire du piano dans ta cave'." Pourtant, il faut bien gagner sa vie. Mais guidée par sa seule envie de jouer, Sarah n’a aucune idée de comment s’y prendre. Heureusement, elle peut compter sur son frère.
Son frère pour l’épauler
"Il était en stage de fin d’études en Australie pour son école d’ingénieur. Quand il est revenu, il voulait monter sa boîte. Il m’a proposé de m’aider dans mon projet." Le jeune homme se lance avec une vision entrepreneuriale pour permettre à sa sœur de vivre de son art. Ensemble, ils montent leur société d’autoproduction et d’audiovisuel. Ils font tout de A à Z pour Sarah et accueillent aussi d’autres artistes dans leur studio, à Sanary.
"Au départ, on n’avait aucune idée de ce qu’il était possible de faire dans ce monde-là. Mais on a eu des opportunités rapidement et on s’est rendu compte qu’on allait pouvoir gagner notre vie. On a donc créé tout un écosystème autour de nous grâce à Twitch." Le numérique a ainsi été un tremplin. Le Covid aussi, mettant l’accent sur Internet plutôt que sur les concerts. Une fois la crise sanitaire terminée, Sarah connaît enfin ses premières scènes. Des festivals ou des premières parties d’orchestres jouant de la musique de films. En parallèle, sa communauté continue de croître sur les réseaux. Deux univers qui ne sont pas antinomiques et qui finissent par se croiser. "J’ai la chance d’avoir des gens qui me suivent sur Twitch et qui viennent me voir en concert…" Ils seront encore là à Paris dans quelques jours.
2 albums en 2 mois
Outre son concert salle Cortot, la "Mecque" des pianistes, Sarah Coponat connaît une rentrée chargée. Et sort deux albums. Le premier ce 17 septembre, We Are Incandescent. "Ce n’est pas que du piano, il y a aussi de la voix et d’autres instruments", souligne-t-elle. Enregistré dans son studio, avec son frère. "Je n’avais jamais eu l’occasion de chanter sur un album. Je le fais parfois en concert ou dans mes lives, mais jamais de cette manière. Je suis contente de l’avoir fait." On y retrouve son univers cinématographique, où le piano dialogue avec d’autres sonorités. Le deuxième album, Paris, accompagne le concert donné dans la capitale (sortie le 3 octobre). "Là, c’est du piano solo. J’avais beaucoup de pièces que je n’avais jamais enregistrées, c’est proche de ce que je vais faire sur scène." Quand on est la reine de l’impro, comment garde-t-on le cap d’un album et d’un enregistrement en studio? "Souvent, je pars de l’enregistrement d’une impro. Je réécoute, et ça me donne de l’inspiration pour ajouter d’autres choses et réenregistrer. Même si j’improvise tout le temps, certaines mélodies reviennent et finissent par devenir un morceau."
Sur scène, ce sera différent. Avec l’adrénaline du live, Sarah se laisse transporter. "Il m’arrive de m’octroyer des fins à rallonge, d’en faire des tonnes avec un côté dramatique, j’adore ça! Mais j’ai aussi appris à savoir m’arrêter. C’est une question d’émotion, il faut que je sente que j’arrive à une sorte d’extase." Pour ceux qui voudraient avoir un aperçu de ses performances, rendez-vous sur ses différents réseaux. Attention: aucune prestation ne se ressemble.
commentaires