Aurelia Spinola, une espionne chez les Grimaldi de Monaco ?

Le prince Honoré II expulsa, sous ce prétexte, sa belle-fille qu’il accusait d’intelligence avec l’Espagne. Elle avait épousé son fils, Hercule Grimaldi.

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André PEYREGNE Publié le 03/03/2024 à 11:01, mis à jour le 03/03/2024 à 11:21
Aurelia Spinola pourrait ressembler à ce portrait, peint par Rubens. DR

Nous sommes au XVIIe siècle. Monaco est depuis l’an 1524 sous le protectorat de l’Espagne. Mais le prince Honoré II et son peuple, qui ne supportent plus cette tutelle espagnole, souhaitent revenir sous protectorat français. Des tractations sont engagées en ce sens avec le roi de France, Louis XIII.

Or, voilà que survient un événement qui va contrarier ce projet. Le fils aîné du prince, Hercule, tombe amoureux d’une jeune femme, Aurelia Spinola, appartenant à une famille de Gênes qui soutient l’Espagne. Cette famille génoise est très influente : le père, Luca, qui possède de nombreux palais - dont celui connu aujourd’hui sous le nom de Spinola Pessagno - reçoit des princes et des papes.

À quoi ressemble Aurelia ? Elle a 24 ans. On n’a pas, avec certitude, de portrait d’elle, mais un d’une autre jeune femme de sa famille, Brigida Spinola, dû au peintre Rubens en personne. Si elle lui ressemble, elle a l’allure d’une vraie beauté de porcelaine.

Le prince de Monaco, furieux de cette relation amoureuse, se voit dans l’obligation d’envoyer un message secret au premier ministre de Louis XIII, le célèbre cardinal de Richelieu. Il y confirme que, quelles que soient les relations amoureuses de son fils, il continue à souhaiter un rapprochement avec la France.

Vis-à-vis de l’Espagne, il va, au contraire, en profiter pour faire croire à des relations renforcées avec ce pays et cacher les tractations secrètes menées avec la France.

Les reliques de Sainte Dévote

Le mariage entre Hercule et Aurelia eut lieu le 7 juillet 1641. Trois jours de célébrations grandioses. La Principauté fut en liesse.

Aurelia étant très pieuse, la famille Spinola fit un cadeau inattendu à la Principauté de Monaco : celui des reliques de sainte Dévote, patronne de Monaco, qui étaient en possession de la famille Spinola.

Les reliques arrivèrent le 22 juillet, furent momentanément entreposées dans la chapelle du Palais puis, après avoir été authentifiées par l’évêque de Nice, Monseigneur Marenco, furent portées en grande cérémonie, sous un baldaquin rouge, en l’église Saint-Nicolas (à la place de l’actuelle cathédrale). C’est en cette cathédrale que ces reliques se trouvent aujourd’hui.

Plus que jamais protégée par sainte Dévote, Aurélia Spinola commença sa nouvelle vie de princesse de Monaco.

Le traité de Péronne écarte l'Espagne

Deux mois plus tard se produit un bouleversement historique. Les Espagnols, qui ont pourtant été rassurés par ce mariage, apprennent qu’un traité a été signé le 14 septembre 1641 entre Monaco et la France pour placer le premier État sous la tutelle du second.

La signature s’est faite à Péronne, dans la Somme, où le roi de France Louis XIII et son ministre Richelieu se trouvaient dans le cadre de la Guerre de Trente ans pour faire tomber quelques places fortes espagnoles du nord de la France, dont la ville de Lens.

Par ce Traité de Péronne, la Principauté de Monaco abandonnait définitivement la tutelle espagnole.

Dans la nuit du 17 novembre suivant, le prince Honoré II armé d’un pistolet, et aidé par son fils et quelques soldats, acheva le travail et chassa du palais princier les derniers gardes espagnols qui s’y trouvaient encore et ne voulaient pas partir.

Tué en manipulant une arme à feu

Désormais, la situation d’Aurelia Spinola, toujours favorable à l’Espagne, va devenir difficile. On commence à se méfier d’elle. Elle est peut-être espionne. On la surveille. Elle n’en assume pas moins son rôle de mère puisqu’en dix ans, elle met sept enfants au monde - dont l’aîné, Louis, futur prince de Monaco, qui aura pour parrain le roi de France Louis XIV.

Un drame se produit en 1651. En manipulant maladroitement une arme à feu, Hercule Grimaldi se tue accidentellement. Aurelia est veuve. Que va-t-elle faire ? Contre la volonté de ses parents, elle décide de rester à Monaco - cela dans l’intérêt de ses enfants. Mais elle s’y trouve de plus en plus isolée. Elle reçoit pourtant le soutien de la régente de France, Anne d’Autriche - laquelle règne au nom de son fils Louis XIV qui n’a que 13 ans.

Les relations entre Aurelia Spinola et son beau-père le prince Honoré II se détériorent. Celui-ci n’a plus confiance en elle. N’est-elle pas favorable au retour de la garnison espagnole à Monaco ?

On la soupçonne et l’accuse d’intelligence avec l’ennemi. Finalement lassée de la situation, elle décide de quitter Monaco et de revenir avec ses enfants auprès de sa famille à Gênes. Elle laisse toutefois Louis à Monaco, en tant qu’héritier du trône.

Les choses se compliquent. Lorsqu’Honoré II apprend qu’Aurelia a l’intention de se remarier, il se fâche à nouveau. Cela ne lui plaît pas. L’argent pourra-t-il arranger la situation ? Le prince de Monaco propose un marché à sa belle-fille : lui attribuer une rente annuelle de 10 000 écus à condition qu’elle renonce à se remarier et qu’elle revienne vivre à Monaco. Aurelia accepte.

Expulsée de Monaco

Ce n’est pas pour autant que les affaires s’arrangèrent entre le beau-père et la belle-fille. Honoré II finit par accuser Aurélia de "trahir la loyauté due par Monaco à la Cour de France" et trouva là un prétexte pour l’expulser de la Principauté.

Il lui supprima tous ses titres dont, celui de duchesse de Valentinois. Aurélia partit alors à Paris dans l'intention de plaider sa cause directement auprès du roi de France. La mort d’Honoré II en 1662, à l’âge de 64 ans, mit fin à cette situation.

Son fils Louis Ier, âgé de 20 ans, ayant accédé au pouvoir lui permit de retrouver sa place à Monaco. Aurelia Spinola était redevenue princesse. On n’a jamais su si elle avait été espionne.

Hercule Grimaldi.
Un timbre de La Poste monégasque pour célébrer le traité de Péronne.

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