Quand Monaco faisait la publicité de ses bains de mer en 1874

Il y a cent cinquante ans fut lancée une grande campagne pour vanter la station balnéaire monégasque. Tous les arguments étaient bons pour minimiser la concurrence!

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André Peyregne Publié le 12/06/2024 à 08:00, mis à jour le 12/06/2024 à 08:42
Tableau de Ochoa sur les bains de mer à Monaco, reproduit dans de nombreux documents publicitaires de l’époque et sur un timbre de Monaco. Photo DR

Comment renforcer le tourisme balnéaire à Monaco? La question était à l’ordre du jour en 1874 - il y a cent cinquante ans - pour les autorités monégasques.

Une grande campagne de presse fut lancée à partir du 26 mai et tout au long du mois de juin dans le Journal de Monaco. Cette campagne était bien sûr soutenue par la Société des Bains de Mer, qui avait été créée une dizaine d’années plus tôt par le prince Charles III et le directeur du casino François Blanc.

Tous les arguments étaient bons pour vanter la station balnéaire monégasque, et parfois, comme on va le voir, à la limite de l’honnêteté et de la mauvaise foi!

Le Journal de Monaco avait pris pour caution morale et scientifique un certain docteur Gueirard, spécialiste du sujet, qui signait les articles.

Dans un premier article, sont passées en revue les stations balnéaires françaises concurrentes: "Dans certaines stations ce qu'on prend le moins, c'est le bain : les amusements constituent le principal attrait. Que serait Dieppe avec ses galets sans les fêtes qui en font le rendez-vous du monde élégant?... À Trouville, la plage sablonneuse est admirable mais il manque... l'eau de mer pour le bain, celle-ci étant à moitié dessalée par les eaux du Touquet!… Sur le littoral méditerranéen, on ne trouve que les plages de Marseille et de Nice convenablement aménagées, mais cette première voit ses établissements balnéaires fréquentés par les autochtones, point par les visiteurs étrangers."

Monaco, un environnement sain

L’établissement de bains de la Condamine au milieu du XIXe s. Photo DR.

Le Journal de Monaco se montre sans pitié pour la concurrence: "Nous avons cité les inconvénients de Trouville où l'eau du bain est un mélange d'eau douce et d'eau salée ; nous en dirons autant de Royan où les eaux de la plage sont souillées par l’égout de la ville. Dans la région du Languedoc, le voisinage des marais doit être soigneusement évité, surtout quand les chaleurs de l'été et de l'automne développent dans les terres marécageuses des miasmes qui peuvent atteindre les baigneurs... La moitié Ouest du littoral méditerranéen est coupée par des embouchures de rivières et entourée de marais très étendus tandis que la moitié Est, où se situe Monaco, est saine et très escarpée et formée par une succession de caps et de belles baies sablonneuses… Une des plus belles plages méditerranéennes est celle de Palavas. Il est malheureusement à regretter que cette portion du littoral soit environnée d'étangs et de marais au milieu desquels la locomotive se fait un passage durant la moitié du parcours de Montpellier à Palavas ; les fièvres intermittentes qui règnent pendant l'été dans cette localité en éloigneront les étrangers."

Des installations de qualité

Le touriste cherchant dans les stations balnéaires des établissements de qualité, il convient de comparer ceux qui existent à Monaco depuis les années 1860 dans le quartier de la Condamine, à ceux que proposent les autres stations balnéaires.

"Nous avons signalé Marseille comme une des stations marines les plus importantes de notre littoral. Deux des établissements ont été bâtis dans l'anse dite des Catalans et le troisième, un peu plus loin sur la côte de la Corniche. Mais à Marseille, nous l’avons déjà dit, les bains de mer ne sont guère fréquentés que par les personnes de la ville et des environs et ils n'attireront jamais les étrangers. En effet, le voisinage d'une grande ville est un inconvénient sérieux pour les établissements de cette nature. Dans les villes, partout où l'on se trouve, dans les rues comme dans les promenades, partout où l'on travaille, partout où l'on s'amuse, le milieu ambiant est toujours plus ou moins altéré par la poussière, par les émanations de toutes sortes… En matière d’établissements de bain, sur ce long parcours de la cité phocéenne à la frontière italienne, nous ne trouvons de bien que Monaco."

Efforts monégasques

Le Journal de Monaco concède que les progrès réalisés pour promouvoir la baignade sont récents: "Il y a quelques années, venir sur sa plage ne paraissait pas encore assuré; l'intelligente installation de l'établissement des bains de mer, le confortable et le bien-être que trouvent partout les étrangers, enfin, le nombre toujours croissant des baigneurs lèvent tous les doutes… La plage est située au fond de la jolie baie, admirablement protégée d'une part, par la chaîne des Alpes qui la défend contre les vents du Nord et de l'Ouest; de l'autre, par l'antique cité des Grimaldi, qui, perchée sur son nid d'aigle, la met à l'abri des vents du Sud-Ouest. Elle est garnie d'un sable uni et très fin que laisse voir la limpidité de l'eau, le fond, dont la pente est bien ménagée, est ferme et ne présente par conséquent aucun danger pour les baigneurs, avantage que sont loin d'offrir bon nombre de plages de l'Océan plus en vogue que la nôtre."

La série d’articles se termine sur une citation de Sénèque en latin, ce qui prouve que le Journal de Monaco s’adressait à un lectorat cultivé: "Le baigneur à Monaco éprouvera une sensation de force et de vigueur qui le fera s'écrier comme Sénèque aux bains d'Ostie : ‘Haud aliter quam mures qui ferrum edunt’."

Nous devons la traduction à nos lecteurs, qui ne maîtriseraient pas la langue de Sénèque.

Cela signifie: "Semblable aux rats qui mangent du fer". On l’avouera, il y a des comparaisons qui sont peut-être moins intellectuelles mais plus poétiques et glamour!

Une action de la Société des Bains de mer. Photo DR.

Conseils de baignade

Les articles du Journal de Monaco vantant les qualités de la baignade en 1874 s’assortissaient de conseils: "Le costume de bain doit être composé d'un tissu léger et non susceptible de se coller.

La tête doit rester découverte; les femmes ont l'habitude de la couvrir d'une coiffe cirée à laquelle on doit préférer un simple filet. Sur notre plage, on peut se baigner indifféremment le matin ou le soir ; nous donnons toutefois la préférence à l'intervalle qui sépare les deux déjeuners : de neuf heures à midi.

Le soir, à cause de la radiation solaire, il faut éviter de se baigner avant quatre ou cinq heures.

Il ne faut pas oublier qu'on ne doit, se mettre à l'eau qu'une heure ou deux après un repas léger et trois ou quatre heures environ, après un fort repas.

L'immersion doit être rapide. Les personnes faibles et impressionnables doivent être accompagnées d'un guide qui leur verse préalablement deux où trois seaux d'eau sur la tête et les conduise ensuite dans la mer assez loin pour qu'elles puissent s'accroupir ; ou bien, le guide prend le baigneur sur les bras, s'avance jusqu’à la ceinture et le dépose horizontalement entre deux eaux.

Une fois dans l'eau, il ne faut pas rester immobile; il faut nager pendant tout le bain, ou bien s'aidant des cordes tendues sur la plage s'enfoncer et se relever alternativement.

Le bain pris, il faut sortir et se mettre à l'abri le plus vite possible.

Si on n’arrive pas à retrouver la chaleur, il faut se mettre au lit ou se rouler dans une couverture pendant une heure environ."

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