"Qui va gagner l'Euro ? Ça ne se pose pas comme question : le Portugal, bien sûr !"
Fleur Mota affiche un sourire entendu. Née en France il y a quarante et un ans, cette Franco-Portugaise n'a pas hésité pour choisir son camp. Ce soir, elle accueille une cohorte de supporters rouge et vert à Mougins, au Glorioso, son association qui porte le nom des supporters de Benfica. « Ça va être chaud ! Les nerfs vont souffrir. Des deux côtés, d'ailleurs... »
Vendredi, Fleur a fait ses emplettes à La cave portugaise de Mougins. C'est la plus grande des quatre enseignes du nom (deux à Nice, une à Menton), dirigées par Helder Barbosa. « L'Euro stimule le chiffre d'affaires. Drapeaux, écharpes, maillots partent bien », se réjouit le gérant, 37 ans. Forcément, les couleurs lusitaniennes sont à l'honneur dans l'espace de 450 m2 où se presse la communauté portugaise, en quête d'une salade de poulpe, de morue séchée, de bacalhau a bráz ou de feijoada.
« La France, c'est mon deuxième pays. Celui qui me fait vivre, celui où sont nés mes enfants », salue Helder Barbosa. Il est arrivé en France il y a quinze ans, quand la crise a contraint à l'exil de nouvelles générations de travailleurs. Et il se réjouit de cette cohabitation harmonieuse. « Ici, dans la région cannoise, beaucoup de Portugais sont en couple avec des Français. »
Faites l'amour, pas la guerre... Mais ne plaisantez pas avec le foot ! Tel pourrait être l'adage du jour. Car ici, tout le monde supporte le Portugal et croit en la victoire finale. « Le Portugal n'a jamais gagné. J'espère que cette fois, c'est la bonne », sourit Manuela Barbosa, 48 ans, une employée. Même sa fille Denise, 7 ans, les yeux grands ouverts quand on évoque le beau Cristiano, rêve d'un « 10-0 ». Ou, à défaut, d'un petit « 5-0 ».
Certes, on est en droit de penser que le score sera plus serré. « C'est du 50-50. Ça ne va pas être facile du tout. Ce ne sera pas un match pour les cardiaques ! », s'esclaffe Anabela Montero, 42 ans. Elle pronostique 2-1 pour le Portugal.
« Ce serait une petite vengeance pour 2004 [le Portugal avait perdu la finale à domicile contre la Grèce, ndlr]. Je serai fière d'être portugaise ! Ça nous touche beaucoup, car on est loin de notre pays. J'espère vraiment qu'ils vont revenir avec le trophée. Ça fermerait la bouche des Français et des journalistes qui ont critiqué l'équipe. L'important, c'est de gagner ! Bon, pas sur une main quand même... »
Fair-play, Anabela reconnaît le mérite de l'équipe de France. Mais ne digère pas l'avalanche de critiques sur le style de jeu de la seleção. Tout comme Philippe Pereira, 38 ans. Amer, et narquois : « Regardez, on disait que la Croatie allait gagner l'Euro. Mais le Portugal, avec sa tactique de m..., il est quand même passé ! »
Le message est clair : le Portugal a une revanche à prendre. Contre ses détracteurs. Contre 2004. Et contre ce fichu sort qui a privé ses générations dorées de titre majeur, d'Eusebio à Cristiano Ronaldo via Luis Figo. Le triple Ballon d'or lui-même n'est pas épargné. « Mais au Portugal, Ronaldo est un dieu !, s'exclame Fleur Mota. Il aide énormément les associations caritatives. Là, il vient de financer l'opération d'un petit garçon... »
Des enfants, Dina Costa en a quatre. Et son petit troisième rêve d'être le prochain Ronaldo. Il vient de quitter les pitchouns de l'OGC Nice pour l'AS Monaco. Inutile de dire que sa maman « attend ce trophée avec impatience ».
Philippe Pereira, lui, était jusqu'ici « 50 % pour le Portugal, 50 % pour la France. Mais là, je serai entièrement portugais ! » Au passage, il rappelle les origines portugaises de Griezmann (son grand-père maternel). Comme un symbole du lien qui unit les deux pays.
« C'est un match important, mais ça reste un jeu, relativise Fleur Mota. Si on gagne, on va faire la fête. Et si on perd, on va continuer à vivre. Alors... que le meilleur gagne ! »
commentaires