On y marche à pas feutrés, dans un calme presque irréel, qui tranche avec l’agitation permanente du reste du Palais en cette période de Festival du Film.
À chaque virage, le silence — ou presque. Seuls quelques professionnels accrédités foulent la moquette grise, qui contraste avec le blanc - parfois fatigué - des murs.
Niché quelque part entre le Grand Théâtre Lumière et la salle Debussy, dans les coulisses techniques du Palais, ce lieu discret joue pourtant un rôle essentiel dans le bon déroulement de la manifestation.
Son surnom, affectueusement donné par celles et ceux qui y passent leurs journées pendant la quinzaine, évoque immanquablement de grands moments de cinéma: le "Couloir de la mort".
De La Ligne Verte de Frank Darabont à Dead Man Walking de Tim Robbins, en passant par Clair-obscur de Mahmoud al Massad (et ses jeux de lumière), et même jusqu’à Dans l’ombre de la peur d’Alan Parker (et ses tensions psychologiques), les références y sont aussi nombreuses que fascinantes.
Si la gravité de ces chefs-d’œuvre ne plane évidemment pas sur ce couloir emprunté uniquement par des projectionnistes, techniciens, et quelques hôtes d’accueil postés en vigie, sa situation à l’écart de l’effervescence des projections et du Marché du film suscite à coup sûr la curiosité.
Un couloir essentiel du Palais des Festivals
"Ah oui, il est bien connu entre-nous, ce couloir, confie Fabrice (1), un hôte d’accueil qui officie au Palais depuis quelques années. On m’en a parlé lorsque je suis arrivé, puis je l’ai découvert. C’est un couloir qui ressemble à un labyrinthe. De cet endroit, en prenant ce petit chemin, on peut traverser tout le Palais."
Un chemin long, parfois sombre, presque oublié. Un véritable entre-deux, suspendu entre le silence tranchant de la manifestation et la vélocité de ceux qui le traversent, Que d’ailleurs certains considèrent comme un havre de calme, une échappée bienvenue loin de la fourmilière cannoise et des 40.000 professionnels accrédités, quand d’autres s’y engouffrent à contrecœur, pressés d’en sortir.
"Plus feutré, plus intimiste"
"Il y a deux écoles, confirme Fabrice. Certains n’apprécient pas y être en poste parce que, pendant les 8 heures que dure la vacation, on n’y voit pratiquement personne. Et ça peut vraiment être long! En revanche, d’autres personnes apprécient la tranquillité du lieu, il y a moins de stress. C’est plus feutré, plus intimiste."
Une intimité silencieuse, empreinte d’une atmosphère à la fois intrigante, où l’on avance d’un pas assuré vers une armoire technique, une salle de projection ou des bureaux, pris entre le calme presque apaisant de l’événement et une sensation diffuse d’isolement. "C’est vrai que c’est un endroit particulier et intriguant. Mais il est aussi parfois reposant."
Loin de l’agitation du Festival, mais en son cœur, ce couloir méconnu fait donc partie de ces endroits qui donnent une autre image de l’événement mondial: plus calme, plus douce. Une facette discrète, mais essentielle, pour que ce grand rendez-vous du cinéma puisse continuer de briller de mille feux.
1. Le prénom a été changé
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