À quelques jours de l’ouverture du 78e Festival de Cannes, les policiers avaient anticipé le scénario. Un scénario vu et revu au retour des beaux jours.
Alors, quand une équipe de voleurs de montres napolitains passe à l’action, le vendredi 2 mai, chacun connaît son rôle. Ainsi les forces de l’ordre ont-elles réussi un coup de filet rare, en flagrant délit, sur la Croisette et à ses abords.
Il a permis de déjouer un vol de montre à 600.000 euros et envoyé cinq suspects en détention provisoire.
"Le prix d’un appartement"
Barcelone, Munich, Genève, Saint-Tropez, Cannes: même combat.
Quand le printemps bat son plein, la cité des festivals attire des visiteurs fortunés sur une plage de temps restreint, rappelle la direction interdépartementale de la police nationale des Alpes-Maritimes (DIPN 06). Voilà qui en fait "historiquement la cible d’équipes de malfaiteurs spécialisées dans les vols de montre de luxe dits à l’arraché, dont certains modèles représentent le prix d’un appartement".
"Nous étions préparés"
Dès lors, les policiers entendent être acteurs plutôt que spectateurs. Le commissariat de Cannes veille au grain, avec un plan de sécurisation adapté. Le service interdépartemental de la police judiciaire (SIPJ 06) aussi.
Sa division de la criminalité territoriale a élaboré "une véritable stratégie judiciaire avec le parquet de Grasse. Nous étions préparés, assure le commissaire divisionnaire Eric Antonetti, chef du SIPJ 06. Nous avons développé tout un réseau de renseignement avec les partenaires européens. Comme on commence à bien comprendre leur mode de fonctionnement, on détecte des signaux faibles."
À l’image de ce scooter avec une fausse plaque d’immatriculation italienne, garé près de la Croisette.
"Leur véhicule de guerre"
Le deux-roues est stationné en toute régularité. Mais pas pour de bonnes raisons. "C’est leur véhicule de guerre", illustre Eric Antonetti.
Une enquête est ouverte pour "association de malfaiteurs en vue de commettre des vols en bande organisée". La brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Nice place le deux-roues sous surveillance. Elle observe le manège suspect de deux hommes et une femme. Ils tournent autour du scooter, mais se gardent bien de s’en servir. Ils semblent attendre un signal qui tarde à venir.
Vers 19h, ils embarquent à bord d’un SUV haut de gamme immatriculé en Allemagne. Ils regagnent l’Italie... juste pour la nuit.
Il déclipse le bracelet, mais...
Le 2 mai en fin de matinée, les choses s’accélèrent. Le trio est de retour. Les deux hommes sont vêtus de noir. Ils reçoivent un appel. "Go!" Ils enfourchent le scooter et gagnent le boulevard de la Croisette. Le passager descend, masque chirurgical sur le visage. Il se cache dans un renfoncement. Il guette sa proie. Soudain, il bondit, agrippe son poignet et déclipse sa montre - une Richard Mille acquise 350.000 euros et estimée à 600.000, spéculation oblige. La victime appartient à la famille royale du Qatar. Or elle ne se déplace pas seule...
Interpellations coordonnées
Son équipe de sécurité tombe sur l’agresseur. La BRI aussi. Le pilote du scooter prend la fuite à pied. Il est interpellé sur la plage. La suspecte est rattrapée près du SUV. Manquent encore les physionomistes. Les policiers cannois les interceptent dans la foulée. Ils tentaient de filer avec un véhicule de location. Ils auraient suivi la victime durant une bonne dizaine de minutes, puis jeté leur téléphone dédié dans une bouche d’égout de la rue d’Antibes.
Jugés dans deux mois
Deux autres suspects sont interpellés, puis libérés faute de charges suffisantes. Quatre hommes âgés de 32 à 44 ans et une femme de 43 ans sont entendus en garde à vue. Tous sont connus des polices européennes pour des faits similaires. Déférés mardi dernier au parquet de Grasse, ils sont placés en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet, en attendant d’être jugés le 11 juillet.
Voilà le fruit "d’une très bonne coopération entre les services judiciaires et l’occupation de la voie publique, coordonnée par le commissariat de Cannes avec la police municipale et le centre de supervision urbain (CSU), salue Eric Antonetti. On maintient la surveillance. On n’a jamais gagné la guerre, il faut rester humble. Mais on a envoyé un signal."
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