Il a un sens quasi inné de la lumière selon Pierre-Jean Rey, directeur artistique de la Galerie 15, un œil formé au contact de Louis Stettner et ça se voit: le photographe Patrick Tordjman expose pour la première fois de sa carrière ses Terriens vagues, des personnes souvent isolées de leur environnement, capturées dans leur instant de vie. Du noir et blanc – seul le visage du photographe à l’entrée de la galerie, saisi par Eric Pineau est en couleurs – en 34 images qui font sens, au-delà des lieux et des époques. Car ces 34 photographies racontent aussi plus de 30 années de vie du photographe qui s’était détourné de l’objectif.
Patrick Tordjman est un artiste au parcours atypique. Des études de cinéma documentaire à Boston, avant de revenir en France pour le service militaire. C’est là qu’il se saisit pour la première fois d’un appareil argentique: "J’avais acheté un petit boîtier et j’ai fait un premier reportage sur ce que je vivais." Libération choisit d’en publier deux ou trois pour illustrer un de ses sujets... Puis, pendant deux ans, il sera assistant du grand photographe nord américain Louis Stettner. "Il m’a beaucoup influencé", confie l’artiste qui, choisit ensuite de prendre son envol. "Je me suis autoproduit alors, en faisant des sujets sur Israël et la Palestine… Mon père s’était remarié avec une Israélienne et j’allais souvent là-bas", résume-t-il. Sans être photographe de guerre, "je voulais montrer une vision différente du conflit".
Le passage à la couleur "pour répondre au marché", l’arrivée du numérique qui modifie les codes et la pratique de la photographie… Le photographe prend du recul, décide de faire une pause.
Une pause qui a duré 25 ans. Il mue en agriculteur bio dans l’Aveyron d’abord, passe un bac pro en horticulture, maraîchage, reprend l’exploitation de son père, du côté de Lorgues. Et renoue avec son appareil après 25 ans. Un argentique toujours, pour éprouver encore sa technique, son œil… "La photo n’a jamais été vraiment loin de moi mais pendant des années, j’ai été incapable de reproduire le travail que je faisais “avant" ». Les clichés ramenés de récents séjours à Madrid, Rome, témoignent de ce regard neuf et en même temps jamais perdu, lui qui ne recadre pas ses photos, n’utilise pas de mode "rafale", comme un hommage aux anciens et aux puristes. "Si on doit recadrer une photo c’est que l’on s’est planté qu’on n’était pas au bon endroit au bon moment… Du coup ça pousse à devenir meilleur. "
, jusqu’au 31 octobre à la Galerie 15 à Toulon. Contact: 06.12.11.04.33. ou 06.09.13.17.15. Rens.www.galerie15.com
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