"On assiste à une grosse déprise agricole ces dix dernières années": comment experts, communes et citoyens espèrent relancer des filières à Menton et dans les vallées

À l’occasion de l’acte II de l’événement « Un samedi à la campagne », une table ronde était organisée sur l’agroécologie, proposant plus largement un état des lieux de l’agriculture sur le territoire de la Riviera française.

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La rédaction Publié le 22/09/2025 à 10:30, mis à jour le 22/09/2025 à 10:30
reportage
La table ronde réunissait la Carf, l’APCM et Maison du vivant. Photo A.R.

Quel meilleur lieu qu’un terrain inconstructible destiné à accueillir des actions en faveur de la biodiversité pour parler agriculture et bonnes pratiques? À l’occasion de la deuxième édition d’Un Samedi à la campagne – organisé par la Ville... samedi – le terrain Boulard (futur Jardin des Barmes) accueillait une table ronde sur l’agroécologie. L’occasion de dresser le portrait de l’est des Alpes-Maritimes sur le sujet.

Spécificités du territoire

Chargée de mission agriculture à la communauté de la Riviera française, Laure Tariel évoque une diversité. La partie littorale se caractérise par l’agrumiculture et le maraîchage. Les villages perchés sont tournés vers le maraîchage et l’élevage. Quand le secteur Roya/Bevera propose de l’olive, de l’élevage, du maraîchage. Et la haute Roya, de la châtaigne. Avec en grande majorité, pour chacune des activités, de la culture en terrasses.

"Aujourd’hui, il y a environ 150 exploitations agricoles sur le territoire. Depuis dix ans, une moitié a disparu. On assiste à une grosse déprise agricole. Liée, sur le littoral, à l’urbanisation. Et, dans les vallées, à des terres en friche. Les agriculteurs qui façonnaient le paysage ne sont plus là et le milieu se referme", souligne la spécialiste. D’où deux gros enjeux: installer de nouveaux agriculteurs. Et accompagner les filières.

Le futur jardin des Barmes est à ce jour le plus grand parc de Menton. Photos A.R..

Agrumiculture: pari réussi

Localement, l’histoire du citron de Menton – labellisé IGP en 2015 – fait figure d’exemple. Stéphane Constantin, le directeur de l’association pour la promotion du citron de Menton (APCM), rappelle que cette aventure était un pari. "Quand nous avons fait appel à l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), nous n’avions pas de production. Mais l’antériorité de cette culture et son ancrage les ont convaincus que nous étions en mesure de relancer la filière. La première production après l’obtention de l’IGP était de 3 tonnes. Dix ans plus tard, nous en sommes à 100 tonnes."

L’association compte à ce jour près de 180 adhérents, dont cent opérateurs. "Le profil classique, c’est un particulier qui cultive une trentaine d’arbres sur un terrain familial. Ils sont peut-être dix à être des chefs d’exploitation. C’est à prendre en compte dans l’accompagnement: majoritairement ce ne sont pas des professionnels." Grâce au suivi, la production est en hausse. Les vergers, de mieux en mieux entretenus. Et la production, de meilleure qualité.

Intégrer l’agroécologie sans contraintes induites

Du côté du citron de Menton, une révision du cahier des charges est en cours. Avec la demande d’y adjoindre des mesures agro-environnementales. "On intègre des nouvelles notions, telles que l’enherbement, en veillant à ne pas bloquer la filière", résume Stéphane Constantin. Conscient que les particularités de cette culture locale la rendent déjà vertueuse. "Personne ne traite. Parce que ce ne sont pas des professionnels et qu’ils n’accèdent donc pas aux traitements phytosanitaires, mais aussi parce que le citron est plus considéré comme un fruit de jardin que de verger. En fait, on pratique encore comme au XVIII siècle."

Parmi les préoccupations, il y a bien sûr le réchauffement climatique. Synonyme de prolifération des parasites. "Cette année, nous avons fait de la lutte intégrée. Il n’est pas question de supprimer l’insecte mais de gérer son niveau de prédation. On aimerait par ailleurs intégrer dans le cahier des charges le retrait de la feuille, car c’est un vecteur disséminant." Pour une meilleure gestion de l’usage de l’eau, l’APCM a par ailleurs fait appel à des experts en vue de trouver des solutions. Couvert végétal, mesure du stress de l’arbre pour adapter l’arrosage…

Photo A.R..

La question du foncier

Dans un secteur où le foncier est (très) rare, la Carf mise sur un dispositif: l’espace test agricole (ETA). "C’est une réponse à la difficulté d’accès au foncier pour des jeunes qui ne seraient pas issus du milieu agricole. Cela permet à un porteur de projet de se tester pendant trois ans sur un lieu donné. Qu’il s’agisse d’un terrain communal ou privé. La collectivité, avec un réseau de partenaires, l’aide. Il est hébergé juridiquement et administrativement, ce qui est sécurisant. Le bail étant signé entre la coopérative qui héberge le porteur de projet et le propriétaire foncier, ça l’est aussi pour la collectivité", détaille Laure Tariel.

Au bout de trois ans, la personne peut rester sur le terrain, via un bail classique. Pour le moment, la Carf compte une porteuse de projet à Breil.

Photo A.R..

Outil de reconstruction

Créée après la tempête Alex, l’association Maison du vivant soutient l’agro-écologie. Elle émane du projet de recherche-action "Cultures en Terrasses dans la Roya" qui se termine cette année. La coordinatrice, Gwendoline Oddo, souligne qu’il a été proposé dès le début à la population de s’intégrer à la démarche sur des terrains familiers, pour reconstruire ensemble. Sur des canaux d’irrigation, via la plantation de haies fruitières…

La mission de Maison du vivant se décline en trois axes: l’action citoyenne, qui se traduit par des chantiers participatifs avec les week-ends solidaires et des associations bien ancrées telles que Curieux de nature ou la Fondation de Nice. La synergie avec les collectivités, via la coanimation et l’identification foncière pour les ETA. Et l’ingénierie de projet. L’association est peu à peu devenue un acteur majeur de la revégétalisation sur le secteur.

Travail en réseau

"Ce n’est pas suffisant d’activer un terrain avec juste un agriculteur par-ci par-là, il faut créer un réseau entre tous. Il y a le citron, l’olive, la châtaigne, les agneaux, le miel… Il est important d’interconnecter toutes ces activités agricoles et d’être solidaires. Car la profession est difficile", clame Angello Smaniotto, de Maison du vivant. Expliquant que pour la Carf, l’association est allée voir les communes pour demander si elles avaient du foncier disponible.

"Nous avons repéré douze terrains dans la Roya, ce qui a permis la création d’un marché public. Les parcelles vont être remises en état. Les consultations ont commencé pour savoir quoi mettre dessus. Oliveraies, vergers, châtaigneraies, sentiers botaniques…", complète-t-il. Soucieux d’étendre ce modèle au-delà de la Roya. "Il faut imaginer le territoire comme un grand jardin. Avoir une vision globale, permacole. Nous sommes en discussion avec Beausoleil et Menton pour des terrains agricolables – afin d’y mettre du beau qui se mange. Le Jardin des barmes pourrait d’ailleurs entrer dans ce réseau de jardins nourriciers."

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