Guillaume Néry, Alice Modolo, Jean-Pierre Dick... voilà ce qu'attendent nos 10 "vigies de l’Océan" avant le sommet de l'Unoc à Nice
Durant deux mois, dix personnalités liées au monde marin nous ont partagé leur passion, leur diagnostic, leurs solutions. Et leurs attentes avant la Conférence de l’ONU à Nice.
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La rédactionPublié le 05/06/2025 à 08:30, mis à jour le 05/06/2025 à 08:30
Guillaume Néry.Photo Franck Fernandes
Ils naviguent entre espoir et lucidité, sentiment d’urgence et crainte que rien ne change. Ils sont apnéiste, skipper, scientifique, photographe ou documentariste. Ils ont en commun la passion du monde marin, et relaient les SOS qu’il nous lance.
Durant deux mois, dix "vigies de l’Océan" ont livré à Nice-Matin des témoignages inspirants, édifiants, inquiétants.
Elles ont plaidé pour créer des aires marines protégées, lutter contre la surpêche ou enrayer la pollution plastique. Au terme de ces entretiens, chacun a confié ses attentes avant la 3e Conférence des Nations unies pour l’océan, qui se tiendra du 9 au 13 juin à Nice.
Une occasion à ne pas manquer pour protéger notre planète, et nous avec.
Guillaume Néry, apnéiste: "Prendre de réels engagements"
Guillaume Néry.Photo Franck Fernandes.
"Les sommets comme celui-ci ont deux fonctions. Ils permettent de parler le plus possible de ces enjeux auprès du grand public, pas seulement pour faire culpabiliser les gens, mais pour faire comprendre ce qui se joue. Et ils doivent amener à prendre de réels engagements, avec une très forte pression de la société civile sur les politiques et les industriels. On a vu ce qu’il s’est passé avec Paul Watson: c’est cette énorme mobilisation citoyenne qui a permis la libération de ce grand défenseur du vivant."
Luisa Mangialajo, professeure en écologie: "Augmenter la résilience des écosystèmes"
Luisa Mangialajo.Photo Q.L.
"Les actions visant l’augmentation de la résilience des écosystèmes sont primordiales. Par exemple la surpêche d’organismes clés dans les écosystèmes ou la pêche destructrice peuvent provoquer des changements abrupts et irréversibles dans les milieux. Ce phénomène impacte, et a impacté par le passé, fortement la mer Méditerranée. Des solutions à ce problème peuvent être trouvées dans la pêche durable."
Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS: "Tout le monde bénéficie d'un océan en bonne santé"
Jean-Pierre Gattuso.Photo JM.
"J’espère que des engagements ambitieux seront pris par les états sur les dix propositions soumises par des scientifiques internationaux. On a défini en amont dix thèmes qui couvrent tous les sujets d’actualité dans le cadre multilatéral: la biodiversité, le climat, la pêche, le transport maritime, les ressources génétiques, la recherche… Tout le monde bénéficie d’un océan en bonne santé. D’après l’OCDE, si l’océan était un pays, ce serait la 5e économie de la planète, alors, même si on n’est pas amoureux de la nature, ça a du sens de le protéger."
Jean-Pierre Dick, skipper: "Laisser la nature reprendre ses droits"
Jean-Pierre Dick.Photo JM.
"Ces journées à Nice vont être importantes. Il faut sanctuariser un maximum de zones pour que la nature reprenne ses droits. Dans les terres australes, il faut rendre inaccessible à l’Homme et à la pêche un certain nombre de territoires autour de l’Antarctique. C’est important que les pays s’entendent pour éviter que la situation ne se dégrade encore. La mer n’est pas un lieu de prise continuelle! Il faut des contraintes pour arrêter de vandaliser nos ressources."
Laurent Ballesta, photographe: "Atteindre 10% de réserve intégrale"
Laurent BallestaPhoto C.D.
"Si j’avais une seule chose à espérer de l’Unoc, c’est qu’on atteigne 10% de réserve intégrale. Ce qui reste dramatique, c’est que les zones marines strictement protégées sont trop peu nombreuses et couvrent des surfaces trop peu importantes. Le professeur Alexandre Meinesz a fait un travail sérieux d’inventaire de toute la Méditerranée pour les détecter. Il parle de 0,6%. C’est rien du tout. Il faudrait monter à 10, 20, 30%. Et là, en termes de production halieutique, si on avait 30% de la Méditerranée en réserve intégrale, on peut dire que la mer serait sauvée."
Alice Modolo, apnéiste: "Oublier cette croissance qui n'a aucun sens"
Alice Modolo.Photo DM.
"J’ai ce désir que les politiques redescendent un peu sur Terre. Qu’ils reviennent aux fondamentaux, à la raison. Qu’ils oublient cette croissance qui n’a aucun sens, écoutent les citoyens, les scientifiques. On peut rester compétitifs, productifs en faisant différemment ! On le voit bien dans ma discipline : je vais de plus en plus profond avec moins d’air…"
Alexandre Meinesz, biologiste: "Sanctuariser les petits fonds marins"
Alexandre Meinesz.Photo Franck Fernandes.
"J’aimerais que les états placent 10% des petits fonds marins en réserves intégrales, où toute forme de pêche est interdite. En s’inspirant, par exemple, du système italien. Leurs réserves sont collées à la terre et vont jusqu’à 100m de profondeur, longées, sur les côtés, d’espaces ouverts aux pêcheurs professionnels. Les amateurs sont, eux, relégués plus loin. C’est pertinent à condition d’effectuer une vraie surveillance. Dans les Alpes-Maritimes, 20%, de ces petits fonds sont détruits à tout jamais par les constructions. Or, cette zone est la plus fragile et la plus riche car les juvéniles et les larves s’y développent."
Jean-Vincent Vieux-Ingrassia, photographe: "Une réglementation sur la haute mer"
Jean-Vincent Vieux-Ingrassia.Photo JFO.
"Une des grosses attentes, c’est une réglementation sur la haute mer. Elle n’appartient à personne. Il y a de gros enjeux sur une politique internationale sur ces espaces, car ils sont le théâtre de pas mal de débordements, notamment de la pêche illégale dans certains endroits du monde. J’invite les états à se mettre d’accord sur des aires marines, réellement protégées, avec une même définition, un même cahier des charges et des moyens. Ça représente un coût, mais ça peut rapporter de manière indirecte par du tourisme éco-responsable. Il faut des équipes de surveillance, dresser des amendes, correctement baliser les zones. Les pêcheurs y trouvent parfaitement leur compte, par exemple au cap Roux [Var], le cantonnement de pêche a été créé à leur initiative, c’est une zone de protection bien gérée, qui pourrait être davantage surveillée mais ça va dans le bon sens. Les plongeurs voient des mérous énormes, c’est dû à la protection."
Maria-Luz Pedrotti, océanographe: "Faire de la protection des océans une priorité"
"L’Unoc 2025 représente pour moi bien plus qu’une simple conférence internationale. C’est une étape cruciale pour faire de la protection des océans une véritable priorité politique, scientifique et sociétale à l’échelle mondiale. à condition que l’ensemble des parties prenantes s’engage pleinement dans cette démarche. En tant que chercheuse engagée sur les questions de pollution plastique, j’attends de cette conférence qu’elle permette enfin de passer de la prise de conscience à l’action concrète. Bref, c’est une occasion unique d’adopter desengagements internationaux contraignants, ambitieux et mesurables, pour enrayer la dégradation de nos écosystèmes marins. L’océan n’est pas un paysage. C‘est un système vivant, fragile et vital. Ce que nous ne décidons pas aujourd’hui, l’océan nous l’imposera demain."
Jérôme Espla, documentariste: "Une prise de conscience"
Jérôme Espla.Photo DR.
"J’attends une prise de conscience au niveau politique, économique. Les citoyens savent agir, ils font des choses. J’aimerais que les personnes qui participent à ce sommet, les décideurs, agissent dans des champs plus vastes, sur lesquels, nous, citoyens lambda, n’avons pas forcément la main. Ce qui m’inquiète, c’est justement ce sur quoi je n’ai pas prise. Il faudrait que ces personnes aient l’audace d’aller sous l’eau, voir tout ce que cette faune et flore sous-marines peuvent nous apporter."
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