Comment observer le brame du cerf sans déranger? Suivez le guide dans la vallée de la Roya

Roya Entre mi-septembre et mi-octobre, la période est propice pour assister à ce spectacle de la nature. Mais l’équilibre est fragile et plusieurs règles de discrétion méritent d’être respectées pour ne pas troubler son déroulement.

La rédaction Publié le 21/09/2025 à 07:00, mis à jour le 21/09/2025 à 07:34
Les cerfs poussent ce cri pour séduire les femelles... ou faire décamper les mâles. Photo Rémy Masséglia

Depuis le 8 septembre, la plateforme France.tv propose un live animalier de plus de 500 heures, dans la forêt de Rambouillet, en quête du brame du cerf. Terme désignant à la fois la période de reproduction et le cri guttural émis par le mâle; tantôt pour séduire les femelles, tantôt pour dissuader les autres prétendants.

Mais pour qui vit dans les Alpes-Maritimes – à la lisière du Mercantour, de surcroît – la tentation est grande d’assister "en vrai" à ce spectacle de la nature. Dont l’intensité atteint son apogée à l’aube ou au crépuscule.

Engagé depuis quatre ans dans un nouveau projet de documentaire animalier, le Breillois Rémy Masséglia ne peut décemment pas manquer ce temps fort de l’automne. "C’est un des seuls moments où la faune sauvage se dévoile, où elle indique sa présence", argue-t-il. Conscient, néanmoins, de la fragilité de l’équilibre. Et du besoin de le respecter pour assurer sa pérennité.

"Mon travail, c’est de filmer les comportements. Cela implique une discrétion, et donc de développer des stratégies. Car si des animaux sont dérangés, pendant un affût par exemple, ils ne reviennent plus l’année suivante", glisse celui qui s’est habitué à vivre les saisons. Après le brame, il y aura ainsi le tétras-lyre. Puis les chouettes, au moment des chants territoriaux émis par les juvéniles.

Ce jour-là, en tout début de brame, direction les hauteurs de Saorge. Un vallon dans lequel certaines scènes de Naïs au pays des loups – son premier film – ont été tournées. Le départ est donné en milieu d’après-midi pour arriver avant les bestiaux. Et ainsi ne pas risquer de les importuner.

Côté équipement, des bonnes chaussures, les chaussettes remontées au-dessus du pantalon (pour ne pas rentrer avec des tiques à la maison), et une petite laine suffiront.

Au moment de se garer, des fesses de biche apparaissent derrière un bosquet. Bon signe.

La période du brame est l’un des rares moments où les cerfs se dévoilent. Photo Rémy Masséglia.

La voiture comme tente d’affût

"Cela fait dix ans que je viens là pour le brame. Je reconnais les cerfs d’un an sur l’autre. Les bois ont une forme unique. Et même le timbre du brame diffère selon les individus", glisse Rémy, au moment d’amorcer la montée. Avec l’expérience, le vidéaste sait que le pic intervient généralement la première semaine d’octobre. "Même si dans ce domaine, tu apprends à ne pas avoir de certitude", plaisante-t-il.

Le Breillois sait bien, malgré tout, combien le territoire d’un cerf correspond à une parcelle précise. "Son objectif, quand il a rassemblé les biches, c’est de garder le cheptel. Et de le protéger par rapport aux autres mâles. C’est quelque chose de très organisé. La quantité de biches dépend de la disponibilité en nourriture et en eau. Il y en a souvent 4-5 pour un mâle", indique-t-il. Ajoutant: "Le problème, c’est que si quelqu’un fait irruption dans l’espace d’un cerf et le contraint à se déplacer, celui-ci va sur une autre zone de brame. Cela crée une dispersion non naturelle." Et les risques sont grands de désorganiser toute la biodiversité du vallon.

L’enjeu tient en quelques mots: réussir à observer de manière apaisée sans faire fuir les animaux. "Moi, je suis toujours en train de calculer. De mettre en balance. Pour montrer la fragilité d’un monde sans le fragiliser", résume Rémy. Insistant sur l’importance de ne pas mettre l’image en priorité. Au profit de la discrétion et du respect.

La règle de base? Garder ses distances. "Mieux vaut s’éloigner avec de bonnes jumelles. C’est l’outil indispensable", assure le vidéaste. Rappelant qu’un cerf pèse environ 150kg. Et qu’en période de reproduction, il se montre – sans grande surprise – excité. Aussi faut-il faire très attention quand on s’approche de lui. Il serait malheureux d’être pris pour un autre cerf…

"En règle générale, il faut vraiment éviter les places de brame. Le cerf ne supporte pas d’être acculé", souligne Rémy. Dans la même logique, il est préférable de ne pas bivouaquer en milieu ouvert. "Le mieux, c’est la stratégie de déplacement: bouger pendant les heures chaudes pour être en place avant l’arrivée du cerf. Et une fois que l’animal a été observé, ne pas partir tout de suite en parlant fort. Il n’est peut-être plus dans le champ de vision… mais il y a d’autres animaux qui regardent et attendent que tu partes!"

Autre règle à ne pas sous-estimer: il est préférable d’éviter de quitter le sentier. "Et si on est remarqué, ne pas hésiter à partir. L’idée, c’est d’être le moins intrusif possible", complète Rémy. Évoquant une notion en vogue: le "savoir-vivre en terre sauvage".

À ses amis, le Breillois donne un conseil atypique. Mais redoutablement efficace. "Le réseau routier local donne sur pas mal de milieux ouverts. Alors autant laisser la voiture garée et rester dedans. Elle devient une tente d’affût naturelle." D’autant que les animaux sauvages n’ont pas peur d’un véhicule tant qu’il n’y a pas de porte qui claque ou de fenêtre qui s’ouvre à grand bruit.

Rémy Masséglia. Photo Thierry Barra.

Les jumelles: outil n°1

Sur le sentier emprunté, Rémy longe un arbre sur lequel les cerfs ont frotté leurs bois. Les traces datent de l’an dernier, comme en témoigne l’écorce qui a repoussé dessus. En sortie de forêt, le vidéaste désigne un V qui se découpe sur le flanc de la montagne. C’est l’un des endroits où les biches ont l’habitude de se placer, dit-il. Jumelles devant les yeux, il confirme. Elles sont six. Puis huit.

"Les cerfs vont commencer à les jauger, souffle Rémy. On constate une réelle différence de morphologie entre le début et la fin du brame. Il faut dire qu’ils ne mangent pas, ne dorment pas pendant cette période…"

L’ascension reprend avec un objectif clair: poser un piège à son pour tenter de capter un affrontement. Rémy a choisi une lisière, car c’est souvent dans de telles configurations que les combats se déroulent. Quand un cerf suit des biches et tombe sur le territoire d’un autre. "Ils se défient, alors, marchent côte à côte. Si l’un d’entre eux se sent plus faible, il s’écarte. Sinon, ils s’affrontent."

Le premier son à rompre la symphonie des oiseaux n’est pas un brame. Mais une sorte d’aboiement. Une biche vient de signaler un danger. À l’aide des jumelles – toujours – on ne tardera pas à observer un premier cerf non loin d’elle. Très jeune au regard de ses bois. Le premier brame retentit vers 17h. D’autres suivront.

"Il y a différents types de brame. Le brame de course, qui est saccadé. Le brame indiquant la présence d’un animal, aussi. C’est souvent une communication entre mâles, pour marquer son territoire et montrer qu’on est le plus fort", pose Rémy.

Après avoir repéré quelques cerfs, le temps est venu de partir. Et de rendre à la nature sa tranquillité. "C’est dans cette période de reproduction que la vie se joue. Pour perpétuer le spectacle, nous avons besoin d’en être conscients."

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