"On n’a pas gagné la bataille..." Sitôt descendu de l’hélico, le capitaine Pierre Binaud regagne rapidement son véhicule avec Jacques Demaurizi, le maire de Bairols. Changement de ton. Montée de tension. Quelques instants plus tôt, chacun pensait pouvoir enfin souffler. Mais en cet été brûlant, le feu ne laisse pas de répit.
Bairols, 880mètres d’altitude, une centaine d’habitants. C’est ici, dans la basse vallée de la Tinée, que brûle depuis mardi le plus vaste feu de forêt recensé en 2023 dans les Alpes-Maritimes. 100 hectares de végétation parcourus, dont 70 de brûlés. Ni victime, ni dégât majeur à ce stade. On est loin du scénario cauchemar qui hante la Grèce, la Sicile ou désormais le Portugal. Mais à une heure de Nice, la guerre du feu continue.
Le village un temps menacé
Tout est parti d’un impact de foudre, dans la nuit de lundi à mardi. Comme à Aiglun ou à la Bollène-Vésubie. Le panache de fumée a commencé à s’élever vers midi, dopé par des bourrasques à 70km/h. "On a subi un fort vent d’ouest. Avec l’effet de pente qui accentue sa vitesse, le feu a tourbillonné. Il n’était jamais là où on l’attendait, relate le capitaine Binaud. Il a pris la direction du village..."
Mardi après-midi, tous les regards se tournent vers Cagnes-sur-Mer. Un violent feu périurbain menace les habitations, paralysant les accès routiers et ferroviaires. Mais dans la Tinée, le maire de Bairols n’est pas plus rassuré. "Les villageois d’en face nous appelaient en disant: "Attention, ça vient!" Le feu était à 800mètres à vol d’oiseau. Les pompiers ont été à la hauteur d’un feu de montagne. Ils l’ont attendu en haut d’un éboulis. Et à 2 heures du matin, ils ont pu le coincer. "
300 largages en trois jours
De nos jours, on ne lésine pas sur les moyens. Le SDIS 06 déploie rapidement cent sapeurs-pompiers sur le feu de Bairols. Force 06, cinquante forestiers-sapeurs. Mais la zone est inaccessible et accidentée. Une entreprise locale, Dana, aménage une piste à coups de pelleteuses. Commune et chasseurs prêtent main-forte. Plus de trois kilomètres de tuyaux sont déployés dans la forêt. Dash et hélicoptères bombardiers d’eau pilonnent la zone. 300 largages en trois jours, plus de 160 pour la seule journée de jeudi!
Mais en montagne, la nature joue à domicile. Bairols est en proie à un feu de sous-bois. En hiver, ils couvent. En été, ils courent. "Les feuilles au sol créent une couche importante d’humus. Si on ne va pas creuser en-dessous, le feu peut reprendre plus loin, à des endroits improbables, en passant par les racines", décrypte le capitaine Binaud.
Stratégies payantes
C’est ainsi qu’hier à 13 heures, une énième reprise vient gâcher une hypothétique pause déjeuner. "On pensait que c’était sécurisé. Malheureusement, ça repart", soupire Jacques Demaurizi. Il saute dans son 4x4 pour aller voir. Sa crainte: que le feu ne gagne le vallon en contrebas. "Ce secteur n’a pas été traité. Si ça part vers le village, c’est une catastrophe..."
Heureusement, le maire peut compter sur le capitaine Binaud et ses troupes. Après 42 années de service, le chef de la compagnie Pays niçois s’y connaît, en matière de feux. Il aborde chaque péripétie calme, concentré. Il échange avec le pilote de l’hélico. Feu vert. Va pour trois nouveaux largages.
Nous voilà dans la zone noircie par le feu. 100 sapeurs-pompiers et 30 forestiers-sapeurs s’activent dans la forêt, loin des regards. Le pilote de Force 06 montre à Pierre Binaud les images de son drone. Satisfaction: "La stratégie était la bonne." Fin de l’alerte.
Ce ne sera pas la dernière. Deux heures plus tard, un tronc enflammé chute dans le vallon, relançant la machine. Deux hélicos s’en chargent. Le capitaine Binaud espérait alléger enfin le dispositif. Mais ce samedi, il devrait reprendre sur des bases similaires.
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