Ce samedi soir, sur la scène du Théâtre de verdure du Broc (Alpes-Maritimes), Michel Fugain hoche la tête, désabusé. L’ancien leader du Big Bazar vient d’interpréter Bravo Monsieur le monde, l’un des titres les plus poétiques de son répertoire. Le texte – signé Pierre Delanoë – demande pardon à la planète "pour tous ceux qui vous abîmeront".
"Vous vous rendez compte que cette chanson a plus de cinquante ans, ironise l’artiste. Depuis, loin de s’arranger, les choses ont empiré. On se demande à quoi ça sert…"
Le public applaudit sans réserve, fustige mentalement l’inaction coupable des responsables politiques, puis s’abandonne derechef aux mélodies ciselées du musicien.
C’est la malédiction des prises de conscience écologiques : elles ne durent souvent que l’espace d’une conférence, d’un documentaire ou d’une chanson. À peine a-t-on le temps de s’indigner que, déjà, notre attention est détournée par mille autres tracas.
Un soleil de feu qui ensuque même les ombres
Il en va ainsi pour les canicules. Aujourd’hui, on s’alarme parce que la Méditerranée se réchauffe ; on évite de s’attarder sous un soleil de feu qui ensuque même les ombres. Mais sitôt que l’automne aura rafraîchi les consciences, pffffiiitt ! Chacun se focalisera sur ses préoccupations de l’heure en occultant celles de la veille.
Imagine-t-on ce que serait une société dans laquelle les citoyens auraient de la mémoire ? Une démocratie où les décideurs devraient rendre des comptes sur leurs décisions et leurs non-décisions passées ? Une gouvernance qui n’attendrait pas que les problèmes s’enkystent pour les résoudre ?
Edmond Rostand écrivait : "C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière" (1). Il faudrait s’astreindre, désormais, à ne pas oublier que la nuit tombe après le crépuscule. Il est difficile de fabriquer des lanternes une fois plongé dans les ténèbres.
1. Dans sa pièce Chanteclerc en 1910.
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