"Nous sommes les plus grands bénévoles de France": le coup de sang d'une commerçante de Menton

Une professionnelle, face aux difficultés rencontrées par le petit commerce, décrypte les raisons d'un phénomène national en expansion.

Article réservé aux abonnés
Alice Rousselot (arousselot@nicematin.fr) Publié le 23/05/2025 à 14:30, mis à jour le 23/05/2025 à 14:44
Les commerçants vivent eux-mêmes une baisse de pouvoir d’achat. Photo d’illustration D.M.

La situation vécue par le magasin Jacadi n’est pas isolée à Menton. En cause, d’après une commerçante indépendante: "Les charges monstrueuses qui tombent les unes après les autres". Les chiffres sont édifiants. Pour cette professionnelle, l’Urssaf est passé d’un forfait de 333 euros par trimestre à… 780! Sans compter la hausse de la cotisation foncière des entreprises. "Sur une petite société comme la mienne, on arrive à une enveloppe globale de 19.000 euros sur cinq ans."

La Mentonnaise explique avoir appris de la bouche d’une greffière au tribunal de commerce de Nice - qui couvre tout l’Est du département - que les audiences programmées une fois par semaine pour traiter des procédures de sauvegarde, redressements ou liquidations d’entreprises sont toutes complètes jusqu’à l’été. "Ils prennent en urgence les sociétés avec salariés pour protéger ce qui peut l’être", détaille-t-elle. Précisant que deux catégories morflent en particulier: les boulangers et les pressings.

 

La logique de l’entonnoir

Les statistiques publiées par la greffe du tribunal vont en ce sens. Les jugements "plan de sauvegarde" sont passés de sept en 2023, à 84 en 2024. Quand les assignations en redressement judiciaire ont évolué de 291 en 2023, à 421 en 2024. Même si, a contrario, les immatriculations commerçants sont parties à la hausse: 1.586 en 2023, 1.750 en 2024. "Le pire, c’est qu’on paye de l’Urssaf pour une retraite à laquelle on n’a pas droit. En fait, on est les meilleurs bénévoles de France. Les gens ont encore l’image de l’entrepreneur qui gagne des mille et des cents mais la réalité est tout autre. C’est toujours nous qu’on ponctionne", précise cette professionnelle. Glissant qu’un commerçant en capacité de se verser l’équivalent du Smic a déjà de quoi être "super content".

À ses yeux, le problème est plus global qu’on ne le croit. Car les commerces participent pleinement au dynamisme d’une ville. "Si tu fais mourir une rue parce qu’il n’y a plus de commerce attractif, ceux d’autour ne vont pas travailler. Et si on tue un secteur, on tue toute l’économie", résume-t-elle. Jugeant qu’à Menton, les commerces correspondent de moins en moins à la population. "Les besoins principaux, c’est manger, et s’habiller. Mais quand un commerce utile ferme, il est remplacé soit par un institut de beauté, soit par un coiffeur, soit par un agent immobilier, un opticien, ou un audioprothésiste. Mais ce n’est pas ça qui fait faire du shopping…"

Pour expliquer les difficultés rencontrées par les petits commerces, l’indépendante convoque l’image d’un entonnoir. "Avant, tous les fournisseurs étaient sur de la centrale d’achat. Ils avaient leur matelas grâce aux gros commerces qui faisaient des grosses commandes nationales. Ce qui permettait d’avoir des solutions de paiement à 30-45-90 jours pour les petits. Ces derniers avaient ainsi moyen de financer leur stock; ils pouvaient vendre avant de commencer à payer. Sauf que les gros sont aussi tombés à cause de la hausse des charges, et ont embarqué avec eux la trésorerie des fournisseurs - qui ne peuvent plus permettre ces avances sur financement." Aussi les "petits" doivent-ils payer tout de suite. Et moins, en conséquence. Une réalité qui les pousse par ailleurs à augmenter leurs prix - "pas pour gagner plus, mais pour payer ce qu’on a à payer".

Parmi les motifs d’espoir, la Mentonnaise évoque malgré tout le déclin d’Internet. "Avant, l’intérêt principal était d’être livré très vite. Mais entre la déception concernant ce qu’ils reçoivent, et les commandes qui n’arrivent pas à temps, les gens reviennent dans les magasins."

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.