Dans la troisième vie de Pascal Paulze, le vin est toujours inscrit en lettres d’or. Quille, la "cave à boire" qu’a créée, à Cannes, ce sommelier de haute volée, fait déjà la différence après trois mois d’ouverture.
"On a eu une activité folle pendant le festival du film, avec des journées à 180 personnes", se réjouit l’entrepreneur, associé à Étienne Mantel (restaurant Uva) dans cette nouvelle aventure. Après l’expérience malheureuse du domaine de Barbossi à Mandelieu-la-Napoule, Pascal Paulze s’était imposé deux exigences : "Ne plus travailler avec des grosses brigades de 50 personnes, ou pour des investisseurs. Qu’est-ce qu’il me restait? Travailler pour moi", raisonne-t-il.
Le seul caviste MOF de la Côte d’Azur
C’est donc libéré de toutes contraintes qu’il revient à ses premières passions - le vin, les grands vignerons, starisés ou hors radar, les quilles de belle facture - mais enrichi de ses incartades passées. L’homme, ascète des grands vins orientés bio, en biodynamie, nature (sans sulfites ajoutés, N.D.L.R.), est affûté comme une lame. Mais son parcours est pantagruélique: Meilleur ouvrier de France en sommellerie 2015 (le seul de la Côte d’Azur, avec Frank Thomas à Antibes, N.D.L.R.), il cumule quarante ans de sommellerie dans des établissements étoilés (chez Daguin, Loiseau, etc.).
Originaire d’Auvergne, Pascal Paulze débarque en 1993 sur la Côte d’Azur, au Juana à Juan-les-Pins (deux étoiles Michelin à l’époque), puis chez Stéphane Raimbault, chef propriétaire de l’Oasis restaurant La Napoule. Avec le rachat, en 2017, de l’établissement par le milliardaire Iskandar Safa, le sommelier bascule "de l’autre côté, dans le back-office de la production". Pour sa plus grande joie, il sera vigneron.
Deux millésimes au pied de l’Estérel
"Safa m’a proposé de reprendre les 4 hectares de vignes du domaine de Barbossi, avec l’objectif d’améliorer la production", raconte-t-il. Au pied de l’Estérel, sur des terroirs de rhyolites volcaniques, l’Auvergnat s’éclate, il a carte blanche!
Il surgreffe les chardonnay avec de l’assyrtiko, un cépage grec résilient qui fait des merveilles sur l’île volcanique de Santorin, projette de planter du Nero d’Avola, un cépage sicilien qui donne un raisin généreux et enchanteur, et bichonne ses pieds de syrah, cinsault, clairette, rolle et carignan blanc. "Je faisais avancer le vignoble en bio, en testant la vinification en levures indigènes, ou la macération des blancs avant assemblage, pour amener de la mâche, de la texture", raconte-t-il. Le temps de signer deux millésimes (les 2022 et 2023, en IGP Alpes-Maritimes), salués par ses nombreux amis vignerons et son réseau étendu, avant que la source ne tarisse. "Début 2024, dix jours après le décès d’Iskandar Safa, j’ai été licencié suite à une restructuration interne", relate Pascal Paulze. Un mauvais rêve, aujourd’hui devenu une force avec le rebond de Quille. "Après ces deux ans de vinifications, aujourd’hui je déguste autrement, à mi-chemin entre le vigneron et le sommelier. Le concept de Quille, c’est d’avoir le même niveau d’exigence et de professionnalisme qu’un étoilé, mais dans une ambiance sans chichi, accessible. Je veux défendre cette philosophie des vins nature qui procurent du plaisir, de l’émotion", énonce le sommelier-caviste.
Sa cave parle pour lui: près de 280 références, 700 quilles prêtes à boire qui occupent un pan entier de mur, dans l’immense frigo à vins bâti sur mesure (à gauche en entrant), à l’étage une sélection pointue de vieux millésimes, à maturité, ce qui est rarissime. "Étienne et moi avons construit la base de notre cave avec nos caves persos, j’ai amené 2.000 bouteilles", explique Pascal Paulze, épaulé en salle par la très méritante Ann Long, une sommelière qu’il a formée. La carte des vins, épaisse comme un livre, égraine des perles, à prix doux: Chablis, Côtes de Nuits, Puligny-Montrachet, Corton Charlemagne, sans oublier des pépites dénichées en Provence. Le plus? Côté papilles, Quille est adossée au restaurant Uva qui fournit l’offre de restauration, sur un principe de plats de partage en tapas, avec de généreuses portions: houmous pistache, pissaladière, Socca, sardinette de Galice, etc. Que du très bon.
Quille, 7 rue Bivouac Napoléon, à Cannes. Ouvert du lundi au samedi de 15h à 23h, fermé le dimanche. Compter 35 euros par personne (repas et vins).
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