On connaît ces groupies en mesure de poireauter des heures durant devant l’entrée d’un hôtel pour apercevoir leur star adorée. Devant les enseignes de Cédric Grolet, c’est pour acheter un gâteau que les amateurs sont capables de patienter des heures.
La gourmandise signée Grolet se mérite et les créations du Français, sacré meilleur chef pâtissier du monde en 2017, attirent une clientèle cosmopolite. Une attractivité due à son savoir-faire unique et son faire savoir via les réseaux sociaux. Ses fruits en trompe-l’œil, gâteaux imitant à la perfection une pêche, une noisette ou une cacahuète, sont devenus son passeport dans la haute gastronomie. Et ont fait de lui une star d’Instagram
Après Paris, Londres, Saint-Tropez ou Singapour, c’est à Monaco que Cédric Grolet arrive les bras chargés de pâtisseries à l’hôtel de Paris. "On a beaucoup de points communs entre la SBM et Cédric Grolet, il recherche l’excellence et veut offrir une expérience unique à ses clients", souligne Stéphane Valeri, président-délégué de la Société des Bains de Mer, qui a conclu le deal pour installer une nouvelle signature de la gastronomie dans son groupe. Lui offrant le patio endormi de l’hôtel de Paris comme terrain de jeu.
Cédric Grolet et ses équipes ont eu carte blanche pour imaginer une boutique mettant à l’honneur leurs créations, un salon de thé de trente couverts aux lignes contemporaines et une vaste terrasse pour déguster viennoiseries et pâtisseries de 8 à 19 heures. Les premiers clients pourront goûter ce mercredi. Et l’aura de ce jeune chef presque quadragénaire devrait faire le reste.
"Mon principe, c'est de tout faire sur place"
Mercredi matin, vous accueillerez vos premiers clients à Monaco, c’est un projet maturé depuis longtemps ?
Je travaille avec Alain Ducasse depuis dix ans à l’hôtel Le Meurice et il connaît ma capacité de travail. C’est lui qui m’a présenté à la SBM. Monaco représente un tremplin. La Principauté est symbole du luxe et nous nous implantons à l’hôtel de Paris, qui colle avec le haut de gamme que nous voulons développer dans notre groupe. Avec les équipes de la SBM, nous avons passé un an et demi à bâtir ce projet. Il s’agissait d’abord de construire un laboratoire pour produire nos créations et développer une équipe. Nous sommes aujourd’hui quarante dont une dizaine de personnes venues d’autres établissements du groupe pour garantir une production 100 % réalisée à Monaco avec finition et cuisson directement dans la boutique. Mon principe, c’est de tout faire sur place.
Vous devenez aussi chef exécutif du palace, qu’est-ce que cela signifie ?
C’est le huitième hôtel ou l’on prend en direction toute la pâtisserie. Je suis depuis quinze ans chef à l’hôtel Le Meurice à Paris, et c’est dans cet établissement que j’ai ouvert ma première boutique il y a sept ans. À Monaco, nous avons commencé par le Bar Américain pour installer nos créations. Puis cette ouverture d’une boutique et d’un salon de thé dans le patio où je veux présenter tous mes concepts : les pâtisseries en trompe-l’œil, fruits et fleurs, les viennoiseries et même une carte salée avec une cuisine boulangère pour le déjeuner.
Savez-vous pour quel produit vos clients se déplacent le plus dans vos boutiques : les trompe-l’œil ? La viennoiserie ?
C’est à égalité. Les pâtisseries en trompe-l’œil sont extrêmement puissantes mais à Paris, on constate l’engouement du public pour les viennoiseries. La boutique avenue de l’Opéra ouvre à 9 heures et dès 7 h 30 les premiers clients font la queue pour avoir leur croissant. Les fleurs ont aussi un grand succès. Elles sont un contraste de créativité par rapport aux fruits en trompe-l’œil qui sont sans gluten ni sucre ajouté. Pour les fleurs, j’ai développé une pâte sucrée et un pochage sur le dessus, classique de la pâtisserie qui ne se faisait plus. C’est un écho aussi à la pâtisserie d’Auvergne là où j’ai grandi, beaucoup plus traditionnelle, avec plus de caractère, de gourmandise. À chaque fois, je crée un dessert en fonction des envies et des saisons.
Et du lieu aussi ? Par exemple la Méditerranée vous a-t-elle inspiré comme d’autres chefs avant vous, pour construire votre carte à Monaco ?
Les citrons, les agrumes en général, je les travaille depuis longtemps. Avant mon installation à Monaco, j’ai eu le privilège de dîner avec le prince Albert II et quand je l’ai questionné sur ses goûts en matière de dessert, il m’a parlé de la pâte d’amande. J’ai pensé alors à l’un des premiers desserts que j’ai réalisé, il y a une vingtaine d’années : un fraisier à la pâte d’amande. C’est un classique que j’ai revisité pour Monaco, en plus de la carte contenant toutes nos créations emblématiques. Les années passant, je me rends compte que nos clients recherchent toujours nos pâtisseries phares en entrant dans une boutique.
Cela ne restreint pas trop votre créativité ?
Si je fais des choses trop compliquées, les clients n’en veulent pas. Mais je développe un nouveau concept encore secret que je dévoilerais dans quelques mois. Se mettre une ligne de conduite permet de respecter ce que l’on fait. Le client a une attente, sait pourquoi il se déplace en boutique. Mais cela ne m’empêche pas de décliner mes recettes phares, chaque année, avec des nouvelles saveurs.
Ces créations, vous les partagez aussi sur Instagram où vous êtes suivi par plus de 12 millions de personnes. Qu’est-ce que cette notoriété a changé dans votre travail ?
Quand j’ai commencé à être chef pâtissier à l’hôtel Le Meurice, Instagram venait de naître et à vrai dire, les réseaux sociaux ça n’était pas mon truc. C’est une cuisinière libanaise, en voyant mes premiers trompe-l’œil qui m’a dit qu’il fallait en parler au monde entier, que ça ne devait pas rester dans ma cuisine. Elle a pris mon téléphone et m’a créé un compte Instagram. Je me suis pris au jeu, j’ai photographié mes desserts et j’ai aimé ce contact. Mon objectif était de montrer mon travail, les clients en ont redemandé, ça a fait boule de neige. Cette notoriété, je la prends comme un cadeau de la vie, j’en profite pour faire mieux tous les jours.
"Avoir une identité, un plat signature, c'est extraordinaire"
Ça vous agace de voir qu’aujourd’hui, des dizaines de pâtissiers imitent vos trompe-l’œil ?
Non, c’est une fierté ! Ça montre qu’on apprécie mon travail. En tant que chef, avoir une identité, un plat signature, c’est extraordinaire.
À Monaco, vous vous installez dans l’un des plus prestigieux palaces du pays. La pâtisserie de Cédric Grolet est-elle réservée à une élite ?
Non, notre objectif est de satisfaire toutes les gammes de clients, avec des choses simples ou plus élaborées et créatives. Nous avons en boutique des cookies, des pains au chocolat, d’autres desserts classiques. Et ces trompe-l’œil qui sont extrêmement poussés en termes de créativité. Mais, moi le premier j’aime aussi les choses simples. Un fondant au chocolat et une glace vanille, je kiffe ! Même si je mange peu de desserts…
Pourquoi ?
Parce que je goûte tout ce que nous créons pour valider les cartes. Aucun dessert n’est commercialisé sans ma validation. Ce qui signifie que je mange une dizaine de desserts par jour en interne. Alors si en plus je me mets à en manger sur mon temps libre, ma santé ne va pas suivre. [rires]
Vous fêterez vos quarante ans dans un mois. Quels sont vos objectifs professionnels pour la prochaine décennie ?
D’abord maintenir mes équipes qui sont là depuis le début. Ces dix dernières années, en pleine période de croissance de mon groupe, je n’ai perdu aucune personne en termes de cadres ou d’associés qui m’entourent. J’aimerais pouvoir continuer dans ce sens, maintenir cette qualité. Nous sommes toujours à l’écoute de nos clients, on a eu des difficultés, on a appris de nos erreurs. Aujourd’hui, s’il y a un tel engouement autour de nos pâtisseries, c’est que nous avons fait les bons choix. Alors j’aimerais que nous continuions comme ça, en nous développant à l’étranger. Je rêve d’ouvrir au Japon, mais nous n’avons pas encore trouvé le lieu exact. J’aimerais vraiment m’installer à New York aussi. Avec une petite boutique, un endroit très simple, tout en continuant de suivre ce sens, cette vision.
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