C'est l'histoire d'une photo. Une photo qui a fait le tour du monde. Sur ce cliché, il n'y a ni sang, ni cadavre et pourtant, elle est d'une violence inouïe. C'est l'image du désespoir d'une mère, terrifiée par la guerre en Ukraine. On y voit la petite Vira, 2 ans, posant de dos en couche-culotte.
Sasha, sa maman, a eu l'idée déchirante de lui écrire au stylo à même la peau: son nom, son numéro de téléphone et celui de ses proches. Elle a fait ce geste pour plusieurs raisons. D'abord, la crainte d'être séparée de sa fille dans la confusion des évacuations de civils. Ensuite, la peur de la mort. "Si je meurs, on saura à qui s'adresser pour s'occuper de ma fille. Et si c'est Vira qui meurt, je pourrai être mise au courant", écrit-elle sur son compte Instagram.
Si la photo a ému le monde, les nouvelles sont rassurantes pour Vira et sa maman. Elles ont toutes les deux trouvé refuge chez nous, en France. Elles réapprennent doucement à vivre, loin des bombardements. Nous les avons retrouvées dans le Sud dans un village que Sasha ne veut pas dévoiler. "Même si nous sommes en sécurité, j'ai toujours peur de représailles des Russes", confie-t-elle. Interview.
Comment allez-vous?
Beaucoup mieux. On vient d'assister aux célébrations du 14-Juillet. Il y avait un concert. C'était un moment très joyeux. Nous venons de recevoir la visite d'amis. Nous nous reconstruisons petit à petit.
Votre photo a fait le tour du monde. Quand l'avez-vous prise?
J'ai pris la fameuse photo du dos de Vira juste avant de partir. C'était la panique, j'avais très peur. Peur de la perdre, peur des attaques... Ensuite, on s'est amassé dans une petite voiture. Nous étions 5 pour le voyage. Nous n'avions pas la place pour emporter des valises ou des affaires. Juste le strict nécessaire pour Vira. Nous avons pris la route depuis Kiev. C'était très angoissant. Nous étions au tout début de la guerre et les bombardements avaient lieu de partout. Nous nous sommes rendus vers le Sud et nous avons été bloqués pendant près de 23h à la frontière avec la Moldavie. Nous sommes ensuite arrivés à Bucarest et nous avons choisi d'aller en France. On a choisi ce pays parce que mon mari y a passé des vacances. Il y a gardé quelques amis. C'était plus facile pour nous d'arriver ici.
Comment s'est passée votre arrivée en France?
Les gens ont été très gentils à notre arrivée. Je suis arrivée en France en ne sachant dire que "Bonjour" et "merci". Beaucoup de volontaires nous ont aidés dans toutes nos démarches avec la mairie et la préfecture. Il y a eu une solidarité très forte. Nous avons pu être hébergés dans plusieurs familles d'accueil. Je suis avec Vira dans un logement. Mon mari et ma mère sont dans une autre famille. Ce n'est pas facile mais mon mari a trouvé un travail. Nous allons pouvoir chercher notre propre appartement.
Comment va Vira?
Bien. Très bien même. Elle aura 3 ans au mois de novembre. Elle commence à comprendre quelques mots de français. Les enfants apprennent très vite. D'ailleurs, elle va faire sa rentrée à l'école maternelle au mois de septembre. C'est une très grande étape. Quand nous sommes partis de Kiev, elle m'a vu pleurer pendant des jours. Elle est trop petite pour comprendre tout ce qu'il s'est passé.
Comment allez-vous lui expliquer la guerre, la France et la fameuse photo?
Je ne sais pas encore. Je vais attendre qu'elle grandisse encore un peu. Mais je serais bien obligée de lui expliquer tout ce qu'il s'est passé. Je vais devoir notamment lui raconter pourquoi son dos est devenu très célèbre.
Est-ce que cette photo a changé votre vie?
Elle m'a surtout donné de la force et du courage. Après l'avoir prise, je me suis dit que je ne pouvais pas abandonner. Et puis j'ai reçu tellement de messages d'encouragement et de soutien. Cela m'a permis d'échanger avec énormément de gens.
Envisagez-vous un retour à Kiev?
C'est très difficile. Je lis les infos tous les jours. Ce matin, une petite ville sans histoire et loin du front a été bombardée, il y a de nombreux morts (ndlr: l'interview a été réalisée le jour du bombardement de Vinnytsia qui a fait 23 morts dont 3 enfants et des dizaines de blessés). Nous avions une vie merveilleuse à Kiev. Une vie qui me manque. Mais je ne sens plus en sécurité là-bas.
Comment voyez-vous l'avenir?
En France. Je voudrais trouver du travail pour continuer mon intégration. En Ukraine, j'étais professeure d'arts plastiques dans une école. C'est un métier que j'adore et que j'aimerai continuer à exercer ici. Pour y arriver, je dois d'abord apprendre parfaitement le français. C'est une langue compliquée pour nous. J'ai commencé les cours mais pour l'instant je n'ai droit qu'à deux heures par semaine. Il faudrait davantage pour apprendre plus vite.
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